Les travailleurs immigrés à Rennes
Notice
De nombreux étrangers vivent à Rennes, notamment des Portugais. Pour la plupart ouvriers dans le bâtiment, ils participent à la construction des nouveaux quartiers de la ville. Ayant peu de moyens, ils logent dans des taudis, dans des conditions déplorables.
Éclairage
En 2002, 1,5 million d'immigrés (étrangers et français nés à l'étranger et naturalisés) travaillaient en France. Leur part parmi la population active française est passée de 11,7% à 12 % entre 2002 et 2006. Ces chiffres - sous-estimés et auxquels il faudrait ajouter le nombre de travailleurs clandestins - témoignent de l'importance de la main d'œuvre étrangère parmi la population française. Ce phénomène n'est pas nouveau. Dès le XVIIIe siècle, des Belges et des Suisses émigrent vers l'Hexagone pour travailler. A partir du XIXe siècle, la forte croissante démographique italienne pousse de nombreux Italiens à venir s'installer en France, pays dont la croissance démographique est au ralenti. En 1911, les immigrés Italiens sont plus de 350 000 soit 36% des immigrants en France et 1% de la population totale.
Au lendemain de la guerre 14-18, les nombreuses pertes humaines accentuent les besoins en main d'œuvre. De nombreux Polonais, Espagnols, Italiens ou Nord-Africains fuyant leur pays pour des raisons économiques et/ou politiques arrivent en France. En 1931, les étrangers représentent près de 6% de la population française. Après la Seconde Guerre mondiale, la nécessité de reconstruire rapidement le pays favorise l'arrivée de nouveaux immigrés. Au cours des années 1950-1960, la décolonisation et les rapatriements accentuent l'immigration. Aujourd'hui, l'instabilité politique de certains pays d'Europe de l'Est et des Balkans favorise le départ vers la France de populations vivant dans ces pays. Ces immigrants occupent généralement des emplois peu qualifiés dans des secteurs économiques qui connaissent une pénurie de main d'œuvre. Dans la seconde moitié du XXe siècle, ils sont majoritairement employés dans l'industrie sidérurgique et métallurgique, dans les secteurs de la mine et du textile, dans le secteur agricole et surtout - comme les immigrants interrogés dans ce reportage - dans le bâtiment.
La Bretagne n'est pas une terre d'immigration privilégiée. Néanmoins, l'industrialisation et l'urbanisation de Rennes nécessitent une main d'œuvre importante. La capitale bretonne va donc elle aussi avoir recours à une main d'œuvre étrangère. Les entrepreneurs sont plutôt favorables à l'emploi de ces immigrants qui sont plus mobiles et qui coûtent moins cher. Pendant les années 1970, dans cette ville comme dans beaucoup d'autres villes françaises, la question du logement et celle des conditions de vie de ces travailleurs se pose avec acuité. Quelques initiatives en faveur du logement des immigrés voient le jour. Dans les années 1950, l'Etat crée des Foyers de travailleurs migrants. En 1956, une Société nationale de construction de logements pour les travailleurs algériens et leurs familles (SONACOTRA) est fondée. Son objectif : régler le problème de l'habitat insalubre des migrants originaires d'Algérie.
Ces diverses initiatives ne règlent toutefois pas entièrement le problème du logement de ces populations. De nombreux immigrants vivent dans des conditions de vie peu satisfaisantes. Comme nous le montre ce reportage de 1971, à Rennes certains d'entre eux habitent dans des logements insalubres ou dans des caravanes. La situation de ces travailleurs est perçue de manière ambivalente par la population locale. D'un côté, les Rennais sont favorables à l'arrivée de ces travailleurs en raison du manque de main d'œuvre ; de l'autre, ces populations leur font peur. Ce reportage est donc aussi l'occasion de revenir sur l'accueil réservé aux immigrants. D'après le commentateur, le racisme serait un discours de journaliste et les Français accueilleraient à bras ouvert les étrangers. Pourtant, le racisme est toujours latent dans la société française. Celui-ci est réactivé au moment de crises importantes comme par exemple suite à la dépression économique de 1929. La crise de 1973-1974, intervenant deux ans après la diffusion de ce reportage, a elle aussi suscité un rejet des travailleurs immigrés.
Bibliographie :
Gérard Noiriel, Le Creuset français. Histoire de l'immigration (XIXe-XXe siècle), Paris, Le Seuil, 1988.