Parcours thématique

Daniel Jéquel, animateur radio et ami complice des auditeurs

Ifig Troadec

Introduction

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En 1979, Daniel Jéquel, qui habite à Quimper avec sa femme et ses trois filles, cherche à inscrire celles-ci à un cours de breton. C'est à cette occasion qu'il rencontre, un peu par hasard, des membres de Dastumerien Bro Glazik, qui se sont donnés pour mission d'enregistrer musiques et chansons aux alentours de Quimper. Il intègre ce groupe rattaché à l'association régionale Dastum et fait avec eux ses premiers pas de collecteur. En 1980, il a reçu le premier prix au Kan ar bobl avec l'enregistrement d'un chant de Tintin Mari.

 Dastum

Dastum

Vincent Morel sillonne la campagne bretonne à la recherche des chants d'antan. Berthe, Marie et les autres lui transmettent leurs chansons oubliées. Ses enregistrements collectés sont ensuite confiés à Dastum qui conserve ce patrimoine oral.

20 aoû 2002
05m 01s

A la même époque, dans la région de St Nicolas du Pelem et Rostrenen, le chanteur Jean-François Quéméner a entrepris lui aussi de collecter dans son voisinage.

 klasker tonioù kozh [collecteur de chansons traditionnelles]

klasker tonioù kozh [collecteur de chansons traditionnelles]

Yann-Fañch Kemener, kaner yaouank, a zastum kanoù ha kontadennoù digant ar re gozh. [Jean-François Quemener, jeune chanteur breton plus connu aujourd'hui sous le nom de Yann-Fañch Kemener, recueille auprès des vieux chanteurs et conteurs de Bretagne tout un héritage culturel de tradition orale].

04 mar 1978
04m 57s

Daniel n'avait jusqu'alors jamais vu un magnétophone. Il s'intéresse aux enregistrements qu'on lui fait écouter et se plaît à penser que, lui aussi, connaît une ou deux personnes susceptibles de chanter des chansons. Il s'oriente en premier lieu sur le Cap, là où il sait que l'on chante Kanomp Noël de porte en porte au Premier de l'an, et découvre très vite une chanteuse de tout premier rang auprès de qui il va forger ses premières armes d'enquêteur. Christian Fragon et Daniel Jéquel rendent visite à Tintin Marie, Mme Marie Moan, née Dagorn, qui leur fait entendre trois chansons ce samedi d'avril 1979, avant de dévoiler peu à peu un répertoire de cinquante chansons. Elle leur dit : "Je ne vous chante pas tout aujourd'hui sinon vous ne viendrez plus me voir !" Dès lors, Daniel Jéquel ne quittera plus son magnétophone. Tintin Marie poursuivra, elle aussi, son chemin puisqu'on la retrouve lauréate du Kan ar Bobl en 1981.

Les débuts à RBO

Suite à ces premiers succès de collecteur, Christian Fagon incite Daniel Jéquel à postuler à l'appel d'offres lancé par la toute nouvelle Radio Bretagne Ouest qui vient de s'installer à Quimper. Le document suivant revient sur le lancement de la station qui ouvre son antenne le 3 août 1982 et devient ainsi l'une des quatre stations bilingues du service public.

 Les quinze ans de RBO

Les quinze ans de RBO

Depuis le 3 août 1982, RBO, Radio France Bretagne Ouest ou Radio Breiz Izel, émet à Quimper. Station locale de service public, RBO est une radio bilingue Français-Breton.

01 aoû 1997
01m 45s

Radio Bretagne Ouest (Radio Breizh Izel) a le projet d'accorder une place importante à la langue bretonne que l'on retrouve dans les rendez-vous hebdomadaires proposés par la télévision régionale (FR3) depuis 1971 avec Breiz O veva .

 <i>Breiz o veva</i> kinniget gant Chanig Ar Gall [Chanig Ar Gall présente <i>Breiz o Veva</i>]

Breiz o veva kinniget gant Chanig Ar Gall [Chanig Ar Gall présente Breiz o Veva]

Abadenn gentañ Breiz o veva, kinniget gant Chanig ar Gall. [Extrait de la première émission de la collection Breiz o veva, diffusée par la station ORTF de Rennes. Elle est présentée par Chanig Ar Gall, et les commentaires des reportages sont dit par Charlez Ar Gall.]

07 jan 1971
01m 12s

Daniel Jéquel se lance et envoie sa candidature directement à Michèle Cotta, alors toute nouvelle présidente de Radio-France. Il conclut sa lettre de la phrase suivante : "Excusez les fautes d'orthographe mais ma langue de tous les jours est le breton !" Toujours est-il qu'il est auditionné, tremblant comme une feuille, et obtient d'animer sa première émission le 7 août 1982, cinq jours après l'audition ! Là encore, il ignore tout du métier, de ce que sont un Nagra, un "chapeau", un "pied" ou un jingle. Heureusement, Bernez Gall ou Bernez Rouz ainsi que les techniciens l'aideront dans ses premiers pas. Les gags ne manquent pas au début : micro non ouvert, batterie à plat et bruits parasites jalonnent son apprentissage de ce monde inconnu.

Premières émissions

Sa première émission sera consacrée à une brodeuse et une fille de brodeur habitant à Pont-Labbé. L'émission, qui a pour titre Gwechall ha bremañ (Autrefois et maintenant), sera diffusée le dimanche soir de 22 h à 22 h30. Le temps d'antenne est bien sûr rémunéré et lui vaut des contrats qui seront renouvelés épisodiquement. Le temps de préparation, l'enregistrement, le montage, c'est-à-dire tout ce qui tient à la production même de l'émission est entièrement à la charge de Daniel, qui ne mesurera pas ces efforts. A cette époque, il travaille d'abord comme charcutier puis embauche dans une usine de salaison à Quimper. Il ne dispose que de son week-end pour préparer l'émission. Le vendredi soir est généralement consacré au montage, parfois long et fastidieux, de l'émission du dimanche, tandis que le samedi est consacré aux séances d'enregistrement. Il est parfois accompagné d'un technicien radio pour ces enquêtes, ce qui facilite évidemment grandement la tâche. Deux ans après sa première émission, le directeur de l'époque, Yves Quentel, lui propose de travailler en duo avec Bernez Quillien (sonneur des Bleizi Ruz) sur une tranche horaire beaucoup plus importante, de 19 h15 à 22 h. Heureusement, Daniel a entre-temps changé de travail et occupe, depuis 1983, un poste de moniteur d'atelier dans un CAT à Concarneau ; il lui est alors plus facile de se consacrer à ce qu'il perçoit peu à peu comme son "vrai travail" : la radio. L'émission s'appelle Beilhadeg e Breizh Izel et il se retrouve très vite seul aux commandes. Elle continuera jusqu'en mai 1994, date à laquelle il sera contraint d'arrêter pour des raisons de santé.

Parmi les personnes rencontrées, Daniel ne manquera pas d'enregistrer les personnalités du monde culturel de l'époque. Il interroge ainsi les frères Morvan sur leur apprentissage du chant et du kan-ha-diskan, la trégorroise Maria Prat sur la création de la troupe de théâtre "Strollad Beilhadegoù Treger", ou le vannetais Loeiz Bévan sur les histoires qu'il compose et raconte lors des veillées en pays Pourlet.

Deskiñ kanañ ar c'han ha diskan [Apprendre à chanter en kan-ha-diskan]

Deskiñ kanañ ar c'han ha diskan [Apprendre à chanter en kan-ha-diskan]

Ar vreudeur Morvan (François, Henri hag Yvon) a gont penaos o deus desket gant o mamm kanañ er gêr, er Botkol e Sant Nigouden, ar c'hanaouennoù bet desket ganti gant he zad. [Les frères Morvan, (François, Henri et Yvon), racontent comment ils ont appris à chanter à la maison, au Botcol à Saint Nicodème, au contact de leur mère qui l'avait elle-même appris au contact de son père.]

23 fév 1986
07m 53s
Strollad Beilhadegoù Treger [La troupe des veillées du Trégor]

Strollad Beilhadegoù Treger [La troupe des veillées du Trégor]

Maria Prat (1906-2006), ur venajerez eus Berlevenez e Lannuon, a gont da Daniel Jekel penaos e oa deuet da sevel ur strollad aktourien, kanerien ha konterien evit c'hoari pezhioù-c'hoari e brezhoneg dirak an dud e Bro Lannuon e-pad ar goañv. [Maria Prat, une cultivatrice vivant à Brélévenez à Lannion, raconte à Daniel Jéquel comment, dans les années 1960, elle a créé une troupe d'acteurs, de chanteurs et de conteurs pour jouer des pièces de théâtre en breton devant le public du pays de Lannion en hiver.]

18 déc 1983
08m 37s
Sorc'hennoù : ma eontr Job, ar montr [Histoires : mon oncle Job, la montre]

Sorc'hennoù : ma eontr Job, ar montr [Histoires : mon oncle Job, la montre]

Ganet en Nignol ha bet menajer eno, Loeiz Bevan a gont div istor e gwenedeg. [Né à Lignol, Louis Bevan, ancien agriculteur, raconte deux histoires en breton vannetais.]

01 jan 1984
09m 38s

Le goût du terrain

Daniel a gardé de ses premières expériences de collectage le goût du terrain. Il a appris le breton auprès de sa grand-mère, qui n'acceptait de le recevoir qu'à la condition qu'ils ne parlent que dans cette langue. Daniel est plus à l'aise en breton bien qu'il parle en français avec ses parents. L'écoute et la proximité des anciens dans son enfance l'ont beaucoup aidé par la suite pour construire ses émissions et aller à la rencontre des gens.

L'émission, construite sur la lancée des premières collectes, est censée parler de chants, de contes, de traditions. Daniel fait appel à la mémoire et sait faire parler les personnes sur ce qu'elles connaissent. Il arrête très vite de préparer ses questions pour garder la fraîcheur, l'authenticité de la rencontre. Nous ne pouvons ici qu'aborder succinctement le contenu de ces interviews tant ils sont nombreux et variés. Ils s'échelonnent sur plus de dix ans d'activités et Daniel a sillonné la Bretagne Ouest d'Ouessant à Lamballe (le haras), de l'île de Sein à Belle-Ile, de Crozon au Haut Corlay. Bien sûr, son premier rayon d'action se situait autour de Quimper, principalement pour des raisons linguistiques car il se trouvait quelquefois en difficulté face à un interlocuteur vannetisant, par exemple.

Il enregistre néanmoins de nombreux témoignages dans le Morbihan, comme ici celui de Louis Le Floc'h, ancien maréchal ferrant à Kervignac, près de Lorient.

Marichal e Kervignag [Maréchal-ferrant à Kervignac]

Marichal e Kervignag [Maréchal-ferrant à Kervignac]

Louis Le Floc'h a zo bet marichal e Ti Ruz e Kervignag. Kontañ a ra da Daniel Jekel penaos en doa desket e vicher, peseurt micherioù e veze kavet e-barzh ar govel (ar marichal, ar c'harrer), an doareoù d'ober kirri ha rodoù, troioù veterinaer Hennbont er govel, foarioù kezeg Landevan, hag ivez an doareoù nevez da labourat hag ar cheñchamantoù bras goude ar brezel... [Louis Le Floc'h a été maréchal-ferrant à Kervignac au village de Ti Ruz. Dans son entretien avec Daniel Jéquel, il évoque son métier, son apprentissage, les différentes professions qui se côtoyaient à la forge (le charon, le forgeron), la fabrication des charrettes et des roues, les visites du vétérinaire d'Hennebont à la forge, les foires aux chevaux de Landévant, la mécanisation et les grands changements survenus après la guerre...]

22 mai 1988
06m 19s

Les thèmes abordés sont donc aussi variés que peut l'être l'activité humaine. Il enregistre deux mendiants, Jeanne de Kérity et Francis de Bolazec, recueille divers témoignages des grandes grèves de 1924 dans les usines de poissons, a rencontré goémoniers, brodeurs, pêcheurs, chanteurs, couvert régulièrement le Kan ar Bobl aussi bien que la troménie de Locronan en 1989. Il reçoit aussi le concours de Loeiz Roparz, qui lui indique, à l'occasion, telle ou telle personne. Daniel travaille à la fois pour le breton – il n'a quasiment jamais enregistré de néo-bretonnants – et pour donner la parole aux gens qui ne l'ont jamais eue. "Je collectais, je découvrais, je diffusais, je faisais plaisir aux gens" résume-t-il. Dès lors, l'émission a rencontré un réel succès populaire. Une enquête médiamétrique réalisée en 1987 révélait que 108 780 Finistériens avaient au moins écouté une fois l'émission. "Daniel Jéquel est une institution", dira l'un de ses directeurs. Les anecdotes qui en témoignent ne manquent pas : telle cette mère qui fait écouter l'émission par téléphone à sa fille qui habite à Paris, tel ce couple qui s'arrête pour écouter l'émission dans leur voiture sur le bord de la route ou dans leur garage ! Une auditrice dira à Daniel : "Ah, je ne vais pas me coucher si tu es train de me parler !" ou encore cette autre à son mari : "Mets-moi Daniel, on va voir où il va nous emmener". Tous ces exemples traduisent une proximité avec l'animateur, due au contenu même de ce temps radiophonique.

Ses enregistrements évoquent souvent les conditions de travail de ses interlocuteurs. Le thème de l'exode rural est souvent présent chez une génération qui a dû quitter la Bretagne pour aller travailler ailleurs en France et parfois même à l'étranger. Gwendal Le Floc'h, de Gourin, lui raconte les campagnes de betteraves dans le Nord de la France et Marie-Josèphe Citarel de Châteauneuf-du-Faou lui livre un témoignage exceptionnel sur son départ à New-York et sa vie aux Etats-Unis.

Mont da dennañ beterabez e hanternoz Bro C'hall Aller [Arracher des betteraves dans le nord de la France]

Mont da dennañ beterabez e hanternoz Bro C'hall Aller [Arracher des betteraves dans le nord de la France]

Ne veze ket kalz arc'hant e-mesk an dud e Breizh gwechall hag e renke ar vretoned kuitaat o vro evit gounit o vuhez. Gwendal ar Floc'h a gont buhez an dud ac'h ae da dennañ beterabez e hanternoz Bro C'hall goude ar brezel diwezhañ. [Les gens manquaient d'argent en Bretagne autrefois et les Bretons devaient quitter le pays pour gagner leur vie. Gwendal Le Floc'h décrit la vie des personnes qui allaient arracher des betteraves dans le Nord de la France à la sortie de la deuxième guerre mondiale.]

18 jan 1986
08m 26s
Mont da labourat en Amerik [Aller travailler aux Etats-Unis]

Mont da labourat en Amerik [Aller travailler aux Etats-Unis]

Ganet e 1901 e Kastell-Nevez-Ar-Faou, Marie-Josèphe Citarel a ziviz e 1927 ober evel pemp eus he breudeur : kuitaat ar vro ha mont da labourat en Amerik asambles gant he gwaz. [En 1927, Marie-Josèphe Citarel, née en 1901 à Châteauneuf-du-Faou, décide de suivre l'exemple de cinq de ses frères : quitter le pays et partir avec son mari travailler aux Etats-Unis.]

15 jan 1989
10m 14s

Peu à peu, la structure de l'émission va s'enrichir. Il faut faire participer les gens, lui dit-on, alors il se lance et demande à ses auditeurs d'intervenir à l'antenne. Il préparera, par exemple, chaque semaine trois mots en français dont il demandera la traduction dans le breton local. Là encore, l'initiative fait mouche, malgré quelques déboires dus à l'incompréhension de certaines personnes âgées face à la technique moderne ; ainsi cette dame, persuadée d'avoir répondu à la question posée car elle avait parlé haut et fort devant son poste de radio ! L'émission qui semble avoir connu le plus grand succès fut celle consacrée aux usines Hénaff de Pouldreuzic. Il avait alors reçu Mme Roparz, qui était la petite-fille du fondateur. L'usine, à l'initiative donc de M. Hénaff, qui était agriculteur, avait été construite au départ pour écouler les petits pois.

Les enquêtes de Daniel Jéquel comportent de nombreux témoignages forts sur les activités liées à la pêche et au bord de mer. En voici deux exemples : le témoignage d'Anna Colin sur le travail dans les conserveries de Poulgoazec, l'entretien avec Julien Corlay, un Morbihanais de Plouhinec, relatant les campagnes de pêche au thon à bord des bateaux à voile.

D'an nav vloaz d'an aod ha da pevarzek vloaz d'an uzin [Dès neuf ans à la grève et en usine à quatorze ans]

D'an nav vloaz d'an aod ha da pevarzek vloaz d'an uzin [Dès neuf ans à la grève et en usine à quatorze ans]

Anna Colin eus Poulgoazeg he deus bet ur vuhez a labour : da nav vloaz eo bet renket dezhi mont d'an aod da zastum bezin ha ne oa nemet pevarzek vloaz pa oa aet da labourat d'an uzin pesked evit lakaat pesked e boestoù. [Anna Colin de Poulgoazec a eu une vie de labeur : dès neuf ans il lui a fallu aller à la grève pour ramasser le goëmon et elle n'avait que quatorze ans quand elle est allée travailler à la conserverie pour mettre du poisson en conserve.]

08 jan 1984
05m 43s
Ar vicher martolod, an toñ [Le métier de marin, la pêche au thon]

Ar vicher martolod, an toñ [Le métier de marin, la pêche au thon]

Bet pesketaer gwechall, Julien Corlay eus Pleheneg a zispleg e labour pac'h ae da dapout toñ. [Julien Corlay, ancien marin pêcheur de Plouhinec, évoque ses souvenirs de pêche au thon.]

01 juin 1984
08m 02s

On mesure mieux l'importance du travail effectué par Daniel Jéquel tout au long de ces années d'enquête, restituant ainsi une part de l'histoire locale, la petite histoire, celle dont on parle si peu. Daniel Jéquel nous fait ainsi partager de savoureux moments comme ce témoignage d'Anna Blaise-Bodénant sur le foulage du blé noir dans le Porzay avant la guerre de 1914.

An ambleudadeg ed du [Le foulage du blé noir]

An ambleudadeg ed du [Le foulage du blé noir]

Ganet e fin an naontekvet kantved, Anna Blaise-Bodénant a gont buhez an dud d'ar c'houlz-se e-barzh ar Porzhe e-kichen Douarnenez hag an devezhioù labour p'en em vode an dud hag p'en em sikoure evit al labourioù tenn evel an ambleudadeg ed du. [Née le 20 mars 1920, Anna Blaise Bodénant raconte la vie des gens à cette époque dans le Porzay, près de Douarnenez et les journées de travail quand les gens se rassemblaient et s'entraidaient pour les gros travaux comme le foulage du blé noir.]

21 aoû 1989
04m 08s

Une Passion rebelle à l'enregistrement

Parmi les nombreuses anecdotes, qui auront marqué la réalisation des émissions, Daniel Jéquel aime à raconter la véritable épopée de son enregistrement de la Passion de l'île de Sein, à la fin des années 1980, grâce aux deux techniciens Jean-Yves Salaün et Polyvon Vinot. Tout trésor se mérite !

"J'étais tout gosse quand j'ai entendu un homme dire à mon père : "Sur le continent, ils ne savent pas chanter (ce qui était un peu vrai). A l'île de Sein, on chante une passion qui contient cent quarante-cinq couplets !" Cela m'était resté. On a fait une première tentative avec les Dastumerien – Christian Fagon, Yvonne Simon et moi. On a questionné les gens dans les bistrots, on est allé au presbytère, car souvent, les curés connaissaient les gens. On n'a rencontré que Mme Spinec, qui était sur le pas de sa porte. Il était midi, l'angélus sonnait et comme elle était très dévote, elle s'était signée. Elle nous avait observé pour voir si on faisait pareil : on ne l'avait pas fait ; là, on n'avait pas gagné des points ! Mais elle nous a dit de revenir l'après-midi et là, elle a bien voulu chanter quelques chansons."

A son retour, Marie Kermarrec, qui anime elle-même des émissions en breton, le convainc d'y retourner. Un nouveau rendez-vous est pris avec l'île. Daniel part en bateau, il a le mal de mer car la mer est mauvaise. Si mauvaise que, le lendemain, le bateau qui devait amener le technicien doit rester à quai. Le directeur de la radio de l'époque doit téléphoner à l'Elysée pour obtenir que le technicien puisse embarquer à bord de l'hélicoptère qui ravitaille l'île, mais il prend la place du pain ! Et la Passion qu'ils vont enregistrer se révèle incomplète : le curé a fait chanter seulement quatre-vingts quatorze couplets. Daniel se promet de revenir dans de meilleures conditions.

La fois suivante, il apporte plus de matériel, s'installe dans l'église et pose deux magnifiques perches pour capter le son. Tout se passe bien jusqu'à ce que deux personnes viennent s'installer sous les dites perches, et se mettent à chanter... aussi haut que faux ! L'enregistrement est inutilisable, il faudra encore revenir.

La quatrième fois, il revient en été et enregistre deux soirs de suite dans l'église. Cette fois est enfin la bonne. "Le premier soir, pour les cantiques, il y avait soixante personnes, et autant le lendemain pour chanter la Passion, que j'ai pu enregistrer en totalité. J'ai tout diffusé, après avoir averti les auditeurs : ce n'est pas une émission religieuse mais on va écouter. Cela a beaucoup plu, beaucoup de gens ont demandé des copies ou ont enregistré l'émission."

Daniel Jéquel recueille également de très nombreux témoignages sur les anciennes croyances, contes et légendes qui se transmettaient de générations en générations. C'est ainsi que Lucien Cras lui relate la légende de la peste lors d'une interview sur les croix de Plougastel-Daoulas et qu'Aristide Herrio évoque les histoires qu'il entendait dans son enfance dans la région de Plouay.

Kroazioù Plougastell [Les croix de Plougastel]

Kroazioù Plougastell [Les croix de Plougastel]

Lucien Cras, eus Plogastell-Daoulas, a sav renabl ar c'hroazioù e kaver war ar gumun ha kont mojenn Kroaz ar vosenn ouzh mikro Daniel Jekel. [Au micro de Daniel Jequel, Lucien Cras, de Plougastel-Daoulas, évoque les nombreuses croix érigées sur la commune et raconte la légende de "la croix de la peste".]

12 avr 1987
05m 30s
 Istoarioù diaoul ha laer-amann [Des histoires de diable et de voleur de beurre]

Istoarioù diaoul ha laer-amann [Des histoires de diable et de voleur de beurre]

Artistide Herrio a gont deomp amañ istoarioù bet klevet gantañ en e vugaleaj er menaj e Ploue. [Aristide Herrio nous raconte des histoires qu'il a entendues enfant quand il était à la ferme à Plouay.]

01 avr 1987
06m 45s

Lors d'une enquête à Landéda dans le pays Pagan, au Nord Finistère, il capte les souvenirs de jeunesse d'Ambroise, Aimée Rouzic et Jeanne Le Floc'h, et les stratagèmes qu'ils imaginaient pour aller danser malgré les interdits de leurs parents et du clergé.

Beleien Bro Leon hag an dañs [Les prêtres du Léon et la danse]

Beleien Bro Leon hag an dañs [Les prêtres du Léon et la danse]

Ambroise, Aimée Rouzic ha Jeanne Le Floc'h a gont amañ o yaouankiz da Daniel Jekel pa veze ret dezhe en em guzhat ouzh ar veleien hag ouzh o zud evit mont asambles da zañsal. [Ambroise, Aimée Rouzic et Jeanne Le Floc'h racontent au micro de Daniel Jéquel leurs souvenirs quand il leur fallait cacher aux prêtres ainsi qu'à leurs parents qu'ils allaient danser.]

03 déc 2024
06m 28s

Un fonds sauvegardé

On comprend quelle valeur inestimable représentent aujourd'hui ces enregistrements du point de vue patrimonial, ethnographique et linguistique. Mais que sont-ils devenus ? Qu'on se rassure, ils ont tous été conservés. Dastum et l'INA ont signé une convention qui les engage à numériser et rendre accessible ces premières émissions radios en langue bretonne. A terme, il sera donc possible de les retrouver sur la base internet des archives sonores de Dastum et de les écouter. Daniel Jéquel se dit aujourd'hui satisfait de voir ce travail de sauvegarde en œuvre : "C'est un bel hommage qui est rendu aux gens qui m'ont reçu".