Wacken Europe, un nouveau quartier d’affaires à Strasbourg

Ce reportage met en lumière les opérations d’aménagement liées à la création d’un quartier d'affaires international à Strasbourg. Ce projet est né de la volonté de la Ville de Strasbourg d’offrir des espaces adaptés aux entreprises, organisations et institutions relevant des fonctions du tertiaire supérieur (services financiers, logistiques, de l'information et de la communication, de l'ingénierie, consulting, assurance) et d’ainsi renforcer le processus de métropolisation (concentration des populations, des activités et des fonctions de commandement dans les grandes villes). Les travaux de ce quartier d’une emprise foncière de 4 hectares ont débuté en 2015 et devraient se terminer en 2023. Située entre le Parlement européen et le siège administratif de la région Grand Est, cette opération d’aménagement « est un modèle urbain mêlant qualité architecturale, mixité des usages et des fonctions, mobilité douces et innovantes et qualité de vie » selon Roland Ries, l’ancien maire P.S. de Strasbourg (2008-2020). Ce sont en effet 30000 m² dédiés aux institutions européennes, 18000 m² à des fins résidentielles (2500 logements), 2000 m² de commerce et services de proximité et 10000 m2 d’hôtels qui sont prévus, permettant de faire émerger une nouvelle centralité dans l’agglomération strasbourgeoise.

Le quartier, « sorte d’île » entre les rivières Aar et Ill, est situé au nord du centre-ville, à l’ouest de Schiltigheim et à l’est du quartier des ambassades et du Parlement européen. On comprend ainsi pourquoi ce quartier international d’affaires a été rebaptisé « Archipel » par l’agence publicitaire Dagré en 2018 : « Il fallait un nom plus ouvert que celui de quartier d’affaires, car il y a différentes activités : des bureaux, mais aussi des logements, le théâtre du Maillon, l’Arena de la SIG ou l’Île aux Sports. En alsacien, Wacken veut dire galet. Il nous semblait important de faire un lien aquatique entre ces lieux autonomes, mais tous sur un même espace et avec une cohérence d’ensemble. Ce nom permet d’avoir le préfixe « archi », qui évoque les réalisations architecturales prévues. Enfin, c’est un clin d'œil à l’autre grand projet de l’Eurométropole, les Deux-Rives, qui a aussi une consonance “aquatique”.

Actuellement, le poids économique du tertiaire supérieur international représente ¼ des emplois de l’Eurométropole. Avec Archipel, Strasbourg souhaite concurrencer d’autres métropoles européennes en accueillant des sièges sociaux d’entreprises internationales et ainsi accroître son attractivité. Le 14 mai 2018, Adidas a déplacé son siège social français de Landersheim sur Strasbourg. Nicolas Favre, directeur général d’Adidas France précise : « nous avions à cœur d’accélérer le rayonnement tout en renforçant l’ancrage historique à l’Est ». Euro-Information, filiale informatique du groupe Crédit Mutuel-CIC a également investi les lieux, consolidant la position de troisième place bancaire de France pour la métropole strasbourgeoise.

L’enjeu de ce nouveau quartier est aussi politique : l’agglomération souhaite renforcer son dispositif d’accueil et son offre à destination des grandes manifestations internationales (G8, OTAN, sessions parlementaires…). Les 30.000 m² prévus pour accueillir tout ou partie de l’administration du Parlement européen localisée pour l’instant à Bruxelles rappelle que la bataille du siège du Parlement européen est loin d’être finie. Strasbourg espère profiter de l’opportunité de travaux sur le siège principal du Parlement à Bruxelles pour convaincre les eurodéputés de la pertinence de faire de Strasbourg l’unique siège du Parlement. La plaquette officielle de présentation d’Archipel insiste sur les atouts de ce nouveau quartier en termes d’accessibilité : « Située sur l’autoroute mondiale de la fibre, à proximité immédiate du nouveau palais de la Musique et des Congrès, tout à moins de 10 mn (gare TGV, périmètre UNESCO), à 1h46 de Paris en TGV ». Ce reportage permet d’incarner le processus de métropolisation et de montrer ses traductions à différentes échelles. En effet, à l’échelle mésoscopique, Strasbourg est en concurrence avec d’autres métropoles européennes et se doit de s’adapter pour sans cesse gagner en attractivité. A l’échelle intra-urbaine, le phénomène de métropolisation se traduit par la multiplication de centres fonctionnels fortement valorisés, au risque de renforcer la marginalisation de certains territoires comme les quartiers zones urbaines sensibles, entraînant de fait un accroissement des inégalités socio-spatiales.

Ce reportage a été réalisé le jour de l’inauguration des travaux du futur quartier d’affaires international Wacken Europe et diffusé dans le journal télévisé du soir. Le reportage s’attelle à présenter les grandes lignes du projet et des différentes fonctions urbaines prévues, à l’aide d’images de synthèse alternant avec des vues du chantier en cours.

Le reportage s’ouvre sur un terrain vague occupé par quelques grues. Le journaliste précise qu’ici se situait « les anciens halls du parc des expositions définitivement rasés ». Ces images inaugurales et ce commentaire nous permettent de prendre conscience que le chantier de démolition a déjà bien commencé. C’est en effet ici que se tenait depuis 1926 la Foire-exposition de Strasbourg devenue « Foire européenne » six ans plus tard. Puis des images de synthèse certainement fournies par les cabinets d’architectes en charge du projet permettent aux téléspectateurs de visualiser les aménagements envisagés de façon réaliste. Le but de ces investissements est clairement affiché par le commentaire du reportage : « renforcer l’attractivité de la ville notamment face aux métropoles européennes. Il était devenu urgent et indispensable que Strasbourg ait son quartier d’affaires ». Ces images laissent à voir un paysage typique d’un centre d’affaire, avec des gratte-ciels à l’architecture audacieuse.

Plusieurs interviews de responsables politiques et d’acteurs économiques se succèdent ensuite puisqu’ils étaient présents pour l’inauguration officielle de la première phase de travaux. Catherine Trautmann, vice-présidente Parti Socialiste de l'Eurométropole présidente de Task Force européenne, évoque « le développement à la fois de l’immobilier d’entreprises mais aussi des fonctions tertiaires internationales qui sont nécessaires aux institutions européennes ». Si elle insiste sur les institutions européennes, c’est qu’elle a été à l’initiative d’une Task Force européenne en 2013, défendant la légitimité du siège du Parlement européen à Strasbourg et que le nouveau quartier d’affaires est un atout de taille dans ce travail de lobbying. Robert Herrmann, président PS de l'Eurométropole mentionne pour sa part « une opportunité voulue, choisie par le maire de Strasbourg et c’était une nécessité absolue ». Enfin, Guillaume de Monplanet, Directeur Général de Adidas France, affirme le choix de sa firme d’implanter son siège social dans ce nouveau quartier pour se « projeter dans le XXIe siècle (…) au cœur de la ville, au plus près de nos consommateurs, en plein cœur d’un quartier vivant riche en Histoire ».

Ce reportage participe donc à la promotion de ce nouveau quartier auprès du grand public et passe sous silence les arguments des opposants du projet, qui critiquent la pollution, la bétonisation, les embouteillages ou encore la standardisation architecturale et urbanistique que ces aménagements risqueront de provoquer. En octobre 2020, une partie du projet est déjà sorti de terre et est fonctionnel, comme la tour K-West, gratte-ciel de 16 étages et de 67 logements ou le siège social d’Adidas. Le centre d’affaires Osmose, complexe de 40 000 m², sera avant tout destiné aux institutions européennes, mais pourrait aussi accueillir des entreprises à sa livraison à l’été 2021. De nouveaux bureaux et des logements verront encore le jour, les travaux devant se poursuivre jusqu’en 2025.