Les tiers-lieux au service des espaces ruraux [en alsacien]

Les tiers-lieux sont des espaces d’innovation sociale, organisationnelle, technologique, qui apportent une réponse territoriale au développement du télétravail, qui s’est accéléré depuis la pandémie de Covid-19. Ce sont des espaces ouverts où des individus peuvent se retrouver pour travailler et/ou collaborer à l’élaboration de projets communs, pour acquérir des savoirs et des compétences, ou pour simplement échanger de façon informelle. Ce sont des lieux d’innovation où les ressources peuvent être mutualisées et dans lesquels la créativité, la prise d’initiatives et le partage de valeurs sont de mise.

En juin 2019, un programme spécifique sur les tiers-lieux, Nouveaux lieux, nouveaux liens, est lancé par le gouvernement, qui voit dans ces lieux hybrides un outil économique en phase avec les mutations qui touchent le monde du travail (que ce soient la transition écologique, le numérique, l’apprentissage par le faire ou encore le travail indépendant). L’objectif est d’arriver à un maillage territorial fin de ces tiers-lieux, pour toucher tout autant les espaces métropolitains que périurbains ou ruraux. Cette volonté étatique se traduit dans les chiffres : en 2018, le rapport de la mission coworking estimait le nombre de tiers-lieux à 1 800, ils auraient doublé en 2022. Pas moins de 150 000 personnes y travaillent quotidiennement et plus de 2,2 millions de personnes ont déjà travaillé ou réalisé un projet dans un tiers-lieu.

Le déploiement du numérique sur tout le territoire a facilité la multiplication des possibilités de tiers-lieux, dont on peut proposer la typologie suivante :

– 75 % des tiers-lieux sont fréquentés par les adeptes du coworking, qui consiste à télétravailler hors du domicile dans des espaces de travail partagés. Ces locaux sont aménagés pour faciliter la collaboration et les échanges et peuvent être portés par une collectivité, un EPCI, un opérateur de service au public ou une association. On peut inclure dans cette catégorie de tiers-lieux les télécentres, qui sont des bureaux délocalisés, équipés d’un ordinateur et offrant une solution à certains salariés pour pouvoir travailler à proximité de leur domicile un ou plusieurs jours dans la semaine, comme c’est le cas du couple filmé au début du reportage. Le premier télécentre expérimental alsacien, Bureau-mobile, a ouvert en 2011 à Reichstett, en périphérie nord de Strasbourg.

– Les tiers-lieux d’innovation territoriale, comme les FabLabs (contraction de la version anglaise de laboratoire de fabrication), sont des lieux d’innovation ouverts à tous les publics désireux de tester des prototypes d’objets, grâce à la présence de machines-outils pilotées par ordinateur pour la conception et la réalisation d’objets (imprimantes 3D, découpe laser).

– Les tiers-lieux de service public visent à répondre aux besoins des habitants des communes rurales, qui ont vu les services publics reculer ces dernières années. On peut citer par exemple les Relais Services Publics, les Mairies 4.0 ou les espaces publics internet.

– Des tiers-lieux culturels essaiment aussi sur le territoire, comme les bibliothèques numériques ou les Learning Labs déployés au sein d’universités.

– Enfin, on peut évoquer les tiers-lieux sociaux, comme les repair cafés ou les jardins partagés. Ces tiers-lieux sont fortement structurés autour des acteurs de l’économie collaborative, de l’économie numérique et de l’économie sociale et solidaire.

Ces tiers-lieux participent à la transition numérique et environnementale des territoires. Ils sont facteurs de dynamisme économique et permettent aux actifs de rester travailler au sein de leur bassin de vie. Ces mobilités moindres entre le domicile et le travail, en évitant les grands centres urbains, permettent aussi de réduire la pollution.

Alors que la France vit son deuxième confinement depuis quelques jours en raison du Covid-19, ce reportage du magazine en dialecte alsacien Rund um est consacré au coworking et aux pépinières d’entreprises, dans une période où le télétravail se développe du fait des conditions sanitaires. Cela permet de prendre conscience qu’on peut télétravailler ailleurs qu’à domicile, dans des tiers-lieux adaptés pour cela. On suit Anne-Dominique Elger, la toute première abonnée d’un nouvel espace de coworking, créé par la Communauté de communes du Kochersberg dans les locaux de la Maison des services. Elle a créé l’entreprise Passport Tea avec son compagnon, et la caméra les filme à domicile dans un premier temps, afin qu’on se rende compte de la difficulté de gérer les communications téléphoniques à deux dans la même pièce. D’où l'opportunité saisie par ce couple qui, outre de trouver dans ce tiers-lieu du calme, peut également y organiser des séminaires ou des réunions et aller à la rencontre d’autres entrepreneurs. Les élus qui ont développé ce projet invitent les journalistes à les suivre dans une visite guidée des locaux. Le maire de Truchtersheim lie l’existence de ce lieu à la volonté d’offrir des espaces de télétravail aux habitants de son territoire, ce qui est d’autant plus nécessaire en cette période de pandémie. En réalité, le projet a vu le jour en 2017, comme cela est dit dans le reportage. Les élus locaux avaient fait le constat que de nombreux habitants de la communauté de communes étaient des migrants triangulaires vers l’agglomération de Strasbourg (résidant dans le Kochersberg mais travaillant et allant faire leurs courses sur Strasbourg). Proposer un lieu d’accueil pour ces entrepreneurs locaux visait donc avant tout à leur éviter des embouteillages quotidiens et à rediriger leurs achats vers les commerces de proximité. On voit l’ensemble des enjeux sous-tendus par la création de ces tiers-lieux à la campagne. 

La suite du reportage est consacrée à la présentation d’une pépinière d’entreprises située à Bischwiller, développée dans une ancienne friche industrielle. Des entreprises neuves ou de moins de deux ans peuvent y louer soit des bureaux, soit des ateliers. Le montage suit le même principe que celui du premier exemple : plusieurs témoignages d’entrepreneurs se succèdent, déclinant les différents atouts qu’ils trouvent à ce lieu. Cela va d’un loyer réduit les deux premières années à l’accompagnement dans un nouveau projet professionnel en passant par la grande superficie des ateliers. Un élu local conclut le propos en montrant que l’objectif de la collectivité locale est de mettre le pied à l’étrier à des entrepreneurs pendant une durée maximale de trois ans, en espérant que ces entreprises, une fois développées et viables, se maintiennent sur le territoire pour y entretenir un certain dynamisme économique.