Les défis du développement industriel en Alsace au début des années 1970

Ce reportage est à replacer dans le contexte du début des années 1970, entre la fin de la période des Trente glorieuses et le début du ralentissement de la croissance économique mondiale. Tout comme le reste du territoire français, l’Alsace s’est fortement développée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le tissu industriel y est ancien, l’industrialisation a en effet commencé dans la région dès la fin du XVIIIe siècle. Victime de nombreux bombardements durant la guerre, la reconstruction a cependant été rapide et elle compte parmi les puissants espaces économiques du territoire national. Les signes d’un essoufflement et d’un questionnement transparaissent cependant déjà dans le reportage. La problématique de la déprise agricole liée au fort exode rural est ainsi posée ainsi que celle des disparités croissantes entre les territoires dans la région.

C’est dans cette conjoncture que le commissariat général du plan adopte le sixième plan de développement économique et social. Cette institution française ayant existé de 1946 à 2006, était chargée de définir à titre indicatif et incitatif, à la différence de la planification soviétique, les objectifs économiques du pays en rédigeant des plans quinquennaux. Le nouveau plan défini pour la période 1971-1975 était celui de l'impératif industriel, avec des programmes nucléaires et le TGV voulus par le Général De Gaulle et confirmés par le président Georges Pompidou qui lui a succédé après le référendum perdu de 1969. L’objectif était aussi de permettre au pays de faire face à une compétition internationale accrue et à une division mondiale du travail de plus en plus accentuée, qui appelait des restructurations dans l'industrie française. Le premier choc pétrolier a compromis l’exécution du plan même si les programmes nucléaires et de construction du TGV déjà bien lancés se sont poursuivis.

Ce reportage réalisé au début des années 1970 se place à une période charnière en termes techniques. Encore en noir et blanc, même si étonnamment le drapeau français a été mis en couleur, les documents et images se succèdent sans légende ni transition. C’est à partir de 1972 que les couleurs s’imposent à la télévision et dans les ménages qui délaissent rapidement les anciens téléviseurs. 

La première partie de l’extrait dépeint les réalités économiques et sociales de la région. Pour cela une carte indique les inégalités en termes d’urbanisation et d’industrialisation. L’activité intense du port du Rhin à Strasbourg est montrée avec des images du port au pétrole, de péniches et de wagons de marchandises. Les conteneurs pourtant inventés dès les années 1950 aux Etats-Unis ne se généralisent à l’échelle mondiale qu’à partir des années 1980. Aux abords du port alsacien, déjà le second port fluvial français alors, apparaissent les quartiers en construction pour loger les nouveaux citadins : des maisons individuelles spacieuses d’une part, des hauts immeubles collectifs du quartier de l’Esplanade d’autre part. L’ensemble est parcouru par des flots de véhicules, tant des voitures personnelles que des bus de la compagnie de transport strasbourgeoise (CTS), ainsi que quelques bicyclettes en cours de raréfaction dans ce trafic dense. De paisibles champs de la plaine d’Alsace viennent contraster avec ces paysages industriels. La récolte du maïs par de grosses machines témoigne de la mécanisation et de la modernisation de l’agriculture alsacienne, même si la récolte manuelle des choux à choucroute autour de Krautergerstheim nuance cette évolution, appuyée par les propos du commentateur relevant le problème de la déprise agricole.

Après ce tableau de la situation contrastée de la région succède, dans une seconde partie, l’exposé des objectifs du nouveau plan de développement économique et social visant aménager le territoire et à atténuer ses disparités pour le rendre plus compétitif et accessible. Les infrastructures à développer sont montrées : l’aérogare d’Entzheim dont les travaux d’agrandissement commencent en 1973, les canaux, le Rhin et leurs écluses déjà largement modernisées et les routes enfin. L’autoroute de l’est entre Strasbourg et Paris (A4) apparaît en chantier. Sa construction a commencé au tout début des années 1970 aux abords de Paris pour s’achever en 1976. Les investissements massifs dans la production électrique sont vantés, tant l’hydroélectricité grâce aux barrages sur le Rhin que le nucléaire à Fessenheim. C’est là qu’a commencé en 1970 la construction d’une des premières centrales nucléaires françaises. Mise en exploitation en 1978, elle est restée en service jusqu’en 2020.

Le reportage s’achève avec une brève interview de Jérôme Monod, délégué à l'aménagement du territoire, qui vient confirmer la pertinence de la politique de décentralisation menée par l’Etat en partenariat avec les collectivités territoriales, notamment à travers le nouveau plan de développement économique et social, afin de favoriser le développement des régions formant le territoire national.

Les méfaits de la forte industrialisation et de l’urbanisation qui lui est liée frappent le spectateur contemporain même si le reporter porte alors un autre regard sur les réalités filmées. Parmi elles, le trafic routier devenu très important, la pollution croissante et la défiguration des espaces ruraux au profit de nouvelles infrastructures.