Échange de prisonniers entre la France et l’URSS en 1944
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Résumé
Un accord de mai 1944 entre la France et l’URSS permet la libération de prisonniers alsaciens et mosellans, les « Malgré-Nous », par les Soviétiques. Ces prisonniers, au terme d’un long périple, doivent gagner l’Algérie et venir grossir les rangs de la France Libre. La France, par le biais du GPRF, organise quant à elle le rassemblement de prisonniers et déportés russes qui doivent à leur tour regagner l’URSS.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
14 déc. 1944
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Ce reportage évoque tout d’abord la libération par les soviétiques de prisonniers alsaciens-mosellans détenus en URSS. Le reportage date de décembre 1944, alors que l'essentiel du territoire français est libéré depuis septembre 1944. Le gouvernement de la résistance, dirigé par le général de Gaulle, est devenu depuis juin 1944 le gouvernement provisoire de la République française (GPRF) mettant ainsi fin au régime de Vichy.
L’Alsace-Moselle est annexée au Reich depuis 1940, le territoire est germanisé, toute trace d’attachement à la France doit disparaître. A ce titre, la conscription obligatoire est promulguée par le Gauleiter Bürckel en Moselle le 19 août 1942 et par le Gauleiter Wagner en Alsace le 28 août 1942. Environ 130 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans sont incorporés de force dans l'armée allemande. Certains d’entre eux fournissent, également sous la contrainte, des contingents aux Waffen SS. Ces hommes sont surnommés les « Malgré-nous ». Ceux qui refusèrent de porter l'uniforme allemand furent exécutés, leurs biens mis sous séquestre et les familles déportées. Les Allemands ne faisaient aucune confiance à ces recrues et craignaient leur désertion. C’est pourquoi les Allemands décidèrent d'envoyer la grande majorité d'entre eux sur le front russe où se trouvait déjà la LVF (Légion des Volontaires Français engagés volontaires pour combattre les communistes sur le front russe).
Les Soviétiques ne faisaient aucune différence entre les Français de la LVF et les Alsaciens enrôlés de force dans la Wehrmacht, les considérant tous comme des traîtres et leur faisant donc subir le même sort. Beaucoup d’entre eux, faits prisonniers, ont d’abord été envoyés dans une centaine de camps répartis en Biélorussie, en Sibérie, en Prusse de l'Est et autres camps d'Asie Centrale. Dès le printemps 1943, alors qu’est constatée la présence d’Alsaciens-Mosellans sur le front Est, est envisagée dans l’entourage du général de Gaulle la création d’une unité combattante sur le front de l’Est pour combattre aux côtés des soldats de l’armée rouge. Il est finalement décidé par le gouvernement de la Résistance l’envoi d’un contingent de prisonniers en Algérie pour étoffer les troupes de la France libre. Les Soviétiques sont prévenus par la France Libre de la présence des Malgré Nous sur le front de l'Est. Des appels à la désertion sont alors lancés par des tracts, et haut-parleurs. Plus de la moitié des Malgré-nous qui se trouvent dans les lignes soviétiques se rendent ou se laissent prendre.
La majorité d’entre eux est dirigée au camp de Tambov, aussi connu comme le camp n°188, situé à 430 km au sud-est de Moscou. A l’origine camp de filtrage pour soldats soviétiques suspects, il est ensuite dit « camp des Français », à cause de l’importance de la communauté française à certaines époques. On estime en effet que 15 500 Français ont été prisonniers au seul camp de Tambov, dont une majorité d’incorporés de force d’Alsace et de Moselle. Les conditions de vie étaient extrêmement difficiles dans le camp : faim, froid, maladies, travail eurent rapidement raison de nombreux prisonniers. 50 à 60% des prisonniers y auraient perdu la vie.
Début mai 1944, le gouvernement soviétique donne son accord pour le rapatriement de 1500 prisonniers sur les 1900 Alsaciens-Mosellans alors regroupés au camp n°188. Sont en effet exclus les prisonniers trop faibles ou jugés peu sûrs idéologiquement. Les termes de l’accord prévoient en échange le rapatriement de prisonniers soviétiques.
Le reportage nous propose des images de ce premier contingent libéré. On y voit les hommes recevoir des uniformes russes neufs. Ils ont bénéficié quelque temps auparavant d’un régime alimentaire amélioré pour paraître en forme. Ils quittent le camp le 7 juillet 1944, derrière un drapeau tricolore frappé de la croix de Lorraine. Sont présents lors de leur départ le général Petit, chef de la mission militaire de la France libre en URSS, et le général Petrov, directeur général du GUPVI-NKVD. Engagés à l’issue de leur voyage dans les rangs des forces françaises libres, certains d’entre eux participeront, dans les rangs des commandos, aux combats de la libération de l’Alsace.
Une grande partie des prisonniers des camps soviétiques est revenue en France en automne 1944, d'autres, prisonniers dans d'autres camps du territoire russe, ne rentrèrent qu'en 1945, 1946 et même 1947. Le dernier prisonnier serait rentré le 16 avril 1955 ! Au total sur les 130 000 incorporés de force, plus de 90 000 rentrent, 22 000 meurent au combat et les autres meurent en détention ou sont portés disparus. Ceux qui survécurent aux camps et rentrèrent en France furent souvent considérés comme des traîtres, et diffamés par le parti communiste pour leur dénonciation des souffrances subies dans les camps soviétiques.
Le reportage évoque ensuite le rassemblement par la France à Châlons-sur-Marne, des déportés et prisonniers de guerre soviétiques en vue de leur rapatriement. En 1944, le reflux des troupes allemandes laissa dans la France libérée 120 000 hommes, femmes et enfants qui avaient été raflés dans les villages occupés d’Ukraine ou de Biélorussie, et à peu près autant de prisonniers russes, tous enrôlés de force par les troupes hitlériennes. Rassemblés sur le territoire français dans soixante-dix camps, livrés à des officiers soviétiques, ils furent expédiés vers l’Union Soviétique où Staline, en dépit de ses promesses, les déporta en Sibérie.
Éclairage média
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Cet extrait de presse filmée, est diffusé le 14 décembre 1944 dans le Journal de « France Libre Actualités », qui devient en 1945 « les Actualités Françaises ». Sur fond de musique militaire, il s’agit d’un montage d’images tournées soit par les Soviétiques, soit par les Britanniques, et aussi par les Français pour la dernière séquence à Châlons-sur-Marne.
Ce reportage a pour but d’illustrer l’union qui vient d’être scellée le 10 décembre à Moscou entre la France et l’URSS : de Gaulle arrive à Moscou le 2 décembre 1944, accompagné de proches conseillers. Le 10 décembre 1944, après d’intenses négociations, les représentants du Gouvernement provisoire de la République française, incluant le général de Gaulle, Georges Bidault et le général Juin, signent le premier traité d’alliance et d’assistance mutuelle avec l’Union des républiques socialistes soviétiques impliquant une assistance mutuelle contre toute nouvelle menace militaire allemande. Le texte est signé par Bidault et Molotov, en présence de Staline. Le reportage illustre ce rapprochement par des images d’officiers français et russes qui sympathisent et se congratulent.
Il est à noter qu’à aucun moment, le nom de Tambov, camp situé à 420 kilomètres au sud-est de Moscou, n’est cité dans le commentaire qui parle seulement d’un « camp de Russie ». Les prisonniers rapatriés semblent en forme et heureux, loin de la réalité quotidienne qu’ils ont eu à subir : il ne faut pas alors froisser l’allié soviétique. Néanmoins, le titre original du reportage « Des prisonniers qui reviennent de loin » ne suggèrent pas seulement un éloignement géographique, mais évoque peut-être aussi les conditions de vie difficiles de ces prisonniers, même si le reportage évoque seulement de manière explicite « l’enfer glacé du front russe ».
Une carte illustre l’itinéraire de ces hommes, de l’URSS à Alger en passant par Téhéran et Haïfa ; le journaliste s’attarde d’ailleurs sur la ville de Téhéran, en évoquant « de grandes décisions » prises dans cette ville. En effet, c’est à Téhéran qu’eut lieu du 28 novembre au 1er décembre 1943 la première rencontre entre les trois principaux dirigeants des Alliés, Churchill, Staline et Roosevelt. C'est lors de cette conférence que fut planifié le débarquement en Normandie de juin 1944, le partage de l'Allemagne et plus généralement de l'Europe ainsi que les nouvelles frontières de la Pologne.
Lors de ce long périple, du 7 juillet au 29 août 1944, les anciens prisonniers sont étroitement surveillés, et empêchés d’avoir tout contact avec les populations des pays traversés, tant on craint qu’ils ne dévoilent les terribles conditions de détention dans le camp soviétique. La croix de Lorraine apparaît à de multiples reprises : le 2 juillet 1940, la croix de Lorraine devient par décret du général de Gaulle, le signe officiel des Forces navales et aériennes françaises libres. Un symbole fort, dont le graphisme simple et rapide à exécuter rassemble résistance intérieure et extérieure. Les rapatriés reçoivent un écusson à croix de Lorraine, pour leur signifier clairement leur nouvelle appartenance au contingent de la France Libre.
Le reportage évoque un échange de prisonniers : 1 500 Russes se trouvant en France contre 1 500 Français se trouvant à Tambov. Quand on se souvient de l'affirmation de Staline : « Il n’y a pas de prisonniers de guerre soviétiques, il n’y a que des traîtres », on peut imaginer le sort de ces prisonniers une fois rentrés au pays. Il n’y eut d’ailleurs plus d’autres échanges ensuite, alors même que des renforts pour les troupes françaises de la France libre auraient été les bienvenus. Le reportage évoquant des « hommes libres » (oubliant au passage les femmes soviétiques nombreuses sur les images) semble donc bien optimiste quant au devenir de ces populations. En effet, les prisonniers de guerre ou rapatriés civils sont accueillis avec méfiance, et beaucoup d’entre eux doivent passer par des camps “de filtration et de contrôle” afin de pouvoir regagner leur foyer.
Transcription
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