Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof
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Résumé
Commémoration du 50e anniversaire de la libération du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, seul camp d'extermination nazi sur le sol français, situé dans en Alsace. Ce sont près de 40 000 personnes qui ont été détenues dans ce camp, près de 10 000 y ont perdu la vie. Au 50ème anniversaire de leur retour, des rescapés se recueillent et témoignent sur les lieux de leur martyr.
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Date de publication du document :
09 déc. 2024
Date de diffusion :
10 sept. 1995
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Après la défaite de la France en juin 1940, l’Alsace a été annexée de fait à l’Allemagne nazie. Peu de temps après l’entrée du territoire sous la domination du régime, un filon de granit est découvert à proximité de Natzwiller. Pour l’exploiter, Himmler, commandant de la SS, ordonne en mai 1941 la création du Konzentrationlager (KL) Natzweiler-Struthof. Fondé en tant que « camp fermé », le Struthof ne peut, durant cette première phase de mise en place, accueillir que des détenus affectés à un autre camp de l’univers concentrationnaire, servant à construire les premières infrastructures.
En mai 1942, l’exploitation de la carrière peut débuter au profit de l’entreprise Deutsche Erd— und Steinwerke GmbH (DEST), affiliée à l’office central SS pour l’administration et l’économie, également en charge de l’exploitation des sols à Mauthausen, Buchenwald ou Neuengamme. À cette date, le camp change de statut et se massifie, puisque les organes juridiques peuvent désormais y affecter directement des détenus. Arrivent essentiellement des travailleurs forcés de l’Est, des détenus de droit commun et des populations jugées indésirables par le régime, comme des Juifs et des Tsiganes. Le premier camp annexe est également ouvert à Obernai afin de servir à l’installation d’une école de formation d’auxiliaires féminins SS. Le KL Natzweiler-Struthof adopte ainsi une structure commune à l’univers concentrationnaire qui consiste en un « camp-souche » et une constellation de « camps annexes » qui en dépendent. En 1944, une cinquantaine de sites sont administrés par le KL Natzweiler, en Alsace, en Moselle et en Allemagne. La grande majorité des détenus ne voient jamais le « camp souche », directement affecté au site annexe.
Plusieurs changements significatifs ont lieu en 1943. D’abord, la DEST se transforme en usine d’armement et mes détenus du « camp-souche » travaillent désormais au démontage de moteurs d’avions. À partir de 1944, ils creusent des galeries souterraines pour faire un atelier sous-terrain, protégé des bombardements. Ce projet, bien qu’entamé, ne sera jamais concrétisé. À partir de 1943 également, le camp se spécialise dans le traitement des détenus « Nacht und Nebel ». Ce nom de code renvoie à un décret de décembre 1941 qui permet la déportation des opposants politiques des pays occidentaux vers l’Allemagne. Dès leur arrestation, ils entrent dans « la Nuit et le Brouillard », destinés à disparaître sans que personne ne sache rien de leur sort. Jusqu’en août 1944, 2 500 de ces détenus, principalement des résistants français, norvégiens et hollandais, sont envoyés au Struthof. Certains sont utilisés comme travailleurs forcés dans des conditions difficiles, quand d’autres sont sommairement exécutés. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, une centaine de résistants du réseau « Alliance » ont été tués et incinérés dans le four crématoire du camp.
Par ailleurs, des expériences sont menées sur les détenus du Struthof dès 1941 et s’intensifient en 1942 après l’installation d’une station de l’institut d’anthropologie raciale de la SS autour de trois professeurs de l’Université du Reich de Strasbourg : August Hirt, Otto Bickenbach et Eugen Haagen. Leurs expériences sont au profit de la Wehrmacht, et portent sur les gaz de combat et sur les effets du typhus. En 1943, le professeur Hirt, aussi directeur de l’institut d’anatomie de Strasbourg, débute une « collection » pour laquelle il a reçu l’aval de Himmler. Convaincu que les Juifs sont amenés à disparaître à la suite de la victoire allemande, il fait rassembler par le SS Bruno Beger des détenus du camp d’Auschwitz qu’il veut « représentatifs » de leur « race ». À l’été 1943, 86 détenus juifs arrivent au Struthof pour y être tués dans une chambre à gaz construite à cet effet. Puis, les cadavres sont conservés dans une cuve de la faculté de médecine, et laissés là pendant plus d’un an.
En septembre 1944, face à la progression des Alliés, il est décidé à évacuer le camp et détruire la « collection » de Hirt. Environ 6 000 détenus sont évacués entre septembre et novembre 1944, principalement transférés vers Dachau. Le 25 novembre 1944, une patrouille de la 3e division d’infanterie US investit le site, désert, et découvre ainsi le premier camp de concentration à l’Ouest. Les nombreux camps annexes à l’est du Rhin continuent cependant de fonctionner jusqu’au printemps 1945, évacués dans le cadre des « marches de la mort », ce qui cause 5 000 morts supplémentaires. Sur les 52 000 prisonniers enregistrés dans le réseau du Struthof, 20 000 auront trouvé la mort.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Ce document est extrait du journal télévisé quotidien de France 3 Alsace du 10 septembre 1995. Ce jour-là, une cérémonie en souvenir de la déportation a été organisée en présence d’Alain Juppé, alors Premier ministre, et de Pierre Pasquini, ministre des Anciens combattants. La cérémonie, qui a rassemblé 2 000 personnes, dont 1 000 rescapés des camps du régime national-socialiste, s’inscrit dans une longue tradition. La première visite majeure était celle du général de Gaulle en 1965, suivie de celle de Georges Pompidou en 1970, de Jacques Chirac en 1975, de Valéry-Giscard d’Estaing en 1980 et de François Mitterrand en 1985. Depuis la diffusion de ce reportage, Jacques Chirac s’est rendu sur le site en 2005, occasion à laquelle il a inauguré le Centre européen du résistant et déporté (CERD), puis François Hollande en 2015.
Rapidement après la guerre, le Struthof est devenu un haut lieu de mémoire de premier choix. D’abord, il est resté dans l’imaginaire collectif comme le « seul camp de concentration sur le sol français », bien que la réalité historique soit plus nuancée, puisque le camp a été construit en Alsace annexée de fait à l’Allemagne nazie. C’est donc dans un contexte très particulier, qui se rapproche, à l’époque, davantage à celui de ce qui existe en « vieille Allemagne » qu’en France occupée que le camp a été établi. En outre, il doit sa place précoce dans la mémoire collective à sa spécialisation dans le traitement des déportés « Nuit et brouillard », bénéficiant largement au discours « résistancialiste » (Henry Rousso) d’une France unie, héroïque et résistante initié par le général de Gaulle dans le cadre de la reconstruction du pays.
Pourtant, ce reportage intervient dans la séquence mémorielle très particulière succédant au discours du président Chirac du 16 juillet 1995 au Vélodrome d’Hiver par lequel il reconnaissait la responsabilité pleine et entière de la France dans la déportation des Juifs. Cette rupture avec le mythe gaullien de la France résistante a permis de délier les mémoires et de laisser une part croissante à tout l’éventail de victimes de la déportation, pas uniquement ceux de la répression de la résistance. Toutefois, de nombreuses approximations figurent encore dans l’espace public à l’époque, comme la confusion faite par la présentatrice qui assimile le KL Natzweiler à un « camp d’extermination ». Ce terme, les historiens l’ont délaissé au profit de celui de « centre de mise à mort », car les infrastructures auxquelles il fait référence ne prévoient pas l’accueil de détenus, l’assassinat immédiat et systématique des déportés. Ainsi, seuls six sites sont traditionnellement considérés comme des centres de mise à mort : Chelmno, Auschwitz-Birkenau, Majdanek, Belzec, Sobibor et Treblinka. Malgré la présence d’une chambre à gaz, construite uniquement pour servir les projets de Hirt, le Struthof ne fait aucunement partie de ce ceux-là : c’est un camp de concentration, dont l’objet a été la détention et l’exploitation de la force de travail des populations qui y sont enfermées.
Ce basculement mémoriel et historiographique se concrétise à partir des années 2000 par un ensemble d’initiatives, au sommet desquelles culmine l’inauguration du Mémorial de la Shoah à Paris (2005). C’est à la même époque que toute la complexité du Struthof a commencé à apparaître, à la faveur de travaux d’historiens dont les résultats ne cessent de progresser. La thèse de Robert Steegmann publiée en 2005 constitue certainement la meilleure synthèse, mettant notamment en avant l’univers concentrationnaire autour du « camp souche ». La problématique des collusions avec la Reichsuniversität a pris de l’importance, d’abord autour des travaux de Hans-Joachim Lang qui a réussi à retrouver les noms des 86 victimes de Hirt, puis, plus récemment avec la Commission historique créée au sein de l’Université de Strasbourg dont le rapport publié en 2022 met en avant l’étroite collaboration entre l’administration universitaire, municipale, militaire et concentrationnaire.
Transcription
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