Le plan Juppé provoque une des plus grandes grèves de l'histoire la Sécu

23 novembre 1995
01m 14s
Réf. 00048

Notice

Résumé :

En 1945, les auteurs du plan français de Sécurité sociale voulaient mettre en place un régime unique. Les particularismes socio-professionnels obligèrent à conserver une multiplicité de régimes. Alain Juppé voulut s'attaquer à ces régimes, qui rendent les Français profondément inégaux face à la retraite. Cela provoqua une grève massive et dure, qui fit au final renoncer Alain Juppé à réformer ces régimes spéciaux.

Date de diffusion :
23 novembre 1995
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Le plan Juppé n'est pas un simple et énième plan de financement de la Sécurité sociale. Il a une autre ambition, celle de rénover le système et de mettre en place la Sécurité sociale du XXIe siècle. Le plan balaie donc tous les domaines. Il faut rendre cette justice à Alain Juppé : la grande majorité des mesures qu'il a prises sont restées et ont franchi les changements de couleur politique des gouvernements sans encombre particulier. A tel point qu'en 1998, alors que Martine Aubry présente un ensemble de nouvelles mesures, le quotidien Libération, peu suspect de complaisance envers un gouvernement de droite, utilise cette expression : « Le plan Jubry ».

Toutefois, alors que ce n'est pas initialement prévu, Alain Juppé rajoute in fine la question des régimes spéciaux de retraite.

Rappel : lors de la création de la Sécurité sociale en 1945, l'ambition du gouvernement est de mettre en place un régime unique de Sécurité sociale à tous les Français. On ne peut qu'applaudir à cette démarche dans la mesure où il ne paraît pas anormal que tous les citoyens soient mis sur un pied d'égalité face à la Sécurité sociale. C'était sans compter sur l'attachement de multiples catégories socio-professionnelle à leur particularisme. L'ordonnance du 4 octobre 1945 écrit donc : « Parmi celles jouissant d'un régime spécial le 6 octobre 1945 demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale.... ». Soixante-dix années plus tard, l'article L 711-1 du code de la Sécurité sociale conserve toujours ce texte, et le mot "provisoire".

La loi du 24 décembre 1974, renouvelle cette tentative et indique dans son article 1er le principe d'un régime unique commun à tous les Français. Mais les parlementaires amendent le texte et y rajoutent que ce régime unique doit se faire en conservant non seulement les organismes gestionnaires existants, mais aussi tous les droits « acquis », tant en matière de cotisations qu'en matière de prestations.

Si en matière d'Assurance maladie les règles de remboursement sont globalement alignées sur celles du Régime général, en matière de retraites, les régimes de la SNCF, de la RATP, celui des fonctionnaires et d'autres comportent des dispositions très différentes et en règle générale beaucoup plus favorables.

L'exemple le plus classique est celui d'un livreur de colis, l'un à la SNCF, l'autre dans un grand magasin relevant du Régime général. Le premier partira en retraite à 55 ans, le second à 65 ans, pour des montants de pension analogue, à ce détail près que le livreur de la SNCF recevra dix années de plus de retraite.

S'attaquer au régime de retraite de la SNCF ou à celui de la RATP est une tentation qui revient de loin en loin chez nombre de ministres. Cela provoque systématiquement des grèves, jusqu'au retrait de la mesure. Le plan Juppé ne fait pas exception à cette règle, et la grève des transports de décembre 1995 est une des plus longues et des plus dures que la France a connue.

Il faut attendre la loi Fillon de 2003 pour que l'on avance, un peu, sur le régime des fonctionnaires et la loi Woerth de 2010, où l'on progresse, timidement, sur les régimes spéciaux.

Jean-François Chadelat

Transcription

Présentateur
Le ministre du Travail Jacques Barrot a critiqué ce mouvement en souhaitant, je le cite, que ce ne soit pas une journée de découragement et un retour des corporatismes ; où chacun regarde l’heure à son clocher. Selon un sondage au CSA pour Le Parisien, 54 % des Français approuvent ce nouveau mouvement dans la fonction publique. A l’origine, cette grève a été lancée pour protester contre la réforme du régime des retraites. Eve Métais.
Journaliste
Garder leur régime de retraite, c’est le cœur des revendications brandies demain par les fonctionnaires et les agents des services publics. Aujourd’hui, ils cotisent 37 ans et demi pour une retraite à taux plein. Elle est calculée sur le traitement de leurs six derniers mois de travail. Certains s’arrêtent à 50 ans comme les policiers, 55 ans comme les agents EDF ou les instituteurs. Les fonctionnaires s’inquiètent des propos d’Alain Juppé et craignent un alignement sur la réforme des retraites du privé : 40 ans de durée de cotisations, et un calcul de la pension moins avantageux sur 25 années de travail. Le rejet du plan Sécu dans son ensemble, c’est le deuxième mot d’ordre de la journée de demain, lancé par la seule CGT. En cause notamment le RDF, sorte de CSG bis, 0,5 % prélevé sur tous les revenus et la hausse de la cotisation maladie des retraités imposables et des chômeurs au-dessus du SMIC.