Bataille pour une préfecture
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Le projet de transfert de la préfecture du Var de Draguignan à Toulon suscite des réactions diverses. À la satisfaction des Toulonnais répond l'incompréhension des Dracénois. De nombreux élus varois sont hostiles à cette décision, que le maire de Toulon, Maurice Arreckx, et le préfet justifient. Édouard Soldani, maire de Draguignan, réfute les arguments avancés. Pour éviter le déséquilibre entre le littoral et l'arrière-pays, des compensations sont promises.
Date de diffusion :
15 oct. 1974
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L'affaire est unique. Pour la première fois, le pouvoir central décide le transfert d'une préfecture. La décision du conseil des ministres qui annonce le transfert de la préfecture du Var de Draguignan à Toulon est prise le 25 septembre 1974. La nouvelle est inattendue, même si, dans l'histoire du Var, la revendication toulonnaise revenait sur le tapis de loin en loin depuis qu'en 1793 le choix de la petite ville de Draguignan, à l'intérieur des terres, avait été fait. Toulon possédait déjà la préfecture maritime et il était acquis que, pour des raisons de prérogatives entre les deux préfets, ils ne pouvaient se trouver dans la même ville. Par ailleurs, Toulon était très excentrée par rapport au reste du Var, bien que la ville de Draguignan ait perdu de sa centralité lorsque l'arrondissement de Grasse avait été adjoint au comté de Nice pour créer le département des Alpes-Maritimes en 1860. Et surtout il paraissait de bonne politique d'aménagement du territoire de ne pas tout concentrer dans une ville qui était déjà le grand centre économique et social du département et d'aider à maintenir une activité dans une petite ville et à l'intérieur des terres.
La décision du gouvernement Chirac remet donc tout cet équilibre en question. Les motivations sont, à l'évidence, politiques. Bien que Maurice Arreckx, le maire de Toulon, s'en défende, il paraît ainsi retirer le bénéfice de son soutien à Valéry Giscard d'Estaing, élu à la présidence de la République quelques mois auparavant. Arreckx adhèrera aux Républicains indépendants, le parti du président, l'année suivante. Comme les Toulonnais, il ne peut que se réjouir de ce choix qui consolide ses positions et celles de sa ville. Mais le rôle d'Aymeric Simon-Lorière, ancien membre du cabinet de Michel Debré, a probablement été déterminant. Bien que maire de Sainte-Maxime, il vise à terme la conquête de Toulon, où il a été élu député, puis conseiller général en 1973, et ses ambitions servent l'UDR dont il est membre. La promotion de Toulon se joue donc sur fond de rivalités au sein de la coalition des giscardiens et des chiraquiens.
Mais, pour l'heure, la décision est ressentie comme une agression par la gauche varoise dont le "patron" est le sénateur-maire socialiste de Draguignan, Edouard Soldani. Le transfert vise à les affaiblir l'une et l'autre. Soldani domine depuis près de vingt ans la scène politique locale. Il préside le Conseil général et l'association des maires du Var. Il est le "baron" varois de Gaston Defferre, qui viendra le soutenir le 17 novembre avec François Mitterrand. Mais par-delà les clivages politiques, la décision heurte le Var des petites villes et des villages de l'intérieur, représentés dans le reportage par l'un de leurs maires et la reconstitution d'une deuxième sous-préfecture à l'intérieur du département, à Brignoles (où elle avait supprimée en 1926), ne compense pas ce qui est ressenti comme un geste de mépris. Elle révolte, bien évidemment, les Dracénois. Les uns et les autres ont l'impression que, dans cette bataille, entre les "gros" et les " petits " (Draguignan est une petite ville de 22 000 habitants, alors que Toulon pèse presque dix fois plus), Paris a pris fait et cause pour les premiers, d'autant que Draguignan a donné la majorité au candidat de la gauche à l'élection présidentielle du mois de mai précédent.
Dès le 28 septembre, une première manifestation avait réuni 3 000 Dracénois. Deux jours après, le Conseil général, convoqué en réunion extraordinaire, avait voté contre le transfert par 29 voix contre 12. Il avait été suivi par 143 maires sur les 153 membres de l'Association des maires du Var. Le 20 novembre, 400 élus varois défileront, à Paris, sur les Champs-Élysées.
Dans ce climat de révolte, la signature du décret entérinant le transfert par Jacques Chirac, chef du gouvernement, le 4 décembre, sera ressentie comme une provocation. Draguignan connaîtra ce jour-là une journée de violences avec des barricades, le sabotage des installations électriques de la préfecture, des heurts violents entre la foule qui a envahi ses abords et les CRS, des élus frappés, plus de 80 blessés, etc.
Dès le lendemain, le préfet du Var s'installera à Toulon. Le Conseil général refusera un temps de se rendre dans la nouvelle préfecture et 76 maires présenteront leur démission. Puis viendra le temps de la négociation et du compromis. Draguignan bénéficiera d'aides au développement régional, les fonctionnaires ne seront pas mutés d'office et un train assurera pour eux la liaison entre Toulon et ce qui est désormais une banale sous-préfecture. En fait, le choix pour Draguignan avait été fait avant. Il était lié au camp de Canjuers. La vocation de la ville passait de l'administratif au militaire, avec, notamment, la création de l'Ecole d'application de l'artillerie, par regroupement des écoles de Nîmes et de Chalons-sur-Marne. Mais une page de l'histoire de la ville et du département avait bel et bien été tournée.
Transcription
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