Inauguration de Grand Littoral à Marseille
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Résumé
En octobre 1996, Jean-Claude Gaudin, Maire de Marseille, inaugure le centre commercial Grand Littoral. Construit sur une ancienne carrière d'extraction d'argile à Saint-André dans les quartiers nord-ouest de la ville, ce centre commercial vise à concurrencer les grandes surfaces installées en périphérie, mais hors de la commune, à revitaliser des quartiers populaires appauvris par la désindustrialisation et à réorganiser l'urbanisme de ce secteur.
Date de diffusion :
28 oct. 1996
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En octobre 1996 a lieu l'inauguration du centre commercial Grand Littoral dans le quartier Saint-André du XVIe arrondissement de Marseille. Cette importante opération a été autorisée et commencée sous la municipalité Vigouroux, prédécesseur de Jean-Claude Gaudin, ce que ce dernier ne manque pas de souligner dans l'extrait de son allocution choisi pour le reportage : "une décision prise devait être menée à bien". C'est en effet au début des années 1990 que l'autorisation de construction d'une ZAC (zone d'aménagement concerté) est délivrée dans ce secteur de Marseille, qui subit depuis des années les effets économiques et sociaux de la désindustrialisation et de la paupérisation. Il est inclus dans le périmètre de Grand Projet Urbain, aujourd'hui Grand Projet de Ville (GPV) dans le cadre de la Politique de la Ville. Le projet, assez grandiose par sa superficie et son contenu, n'est toutefois pas une opération publique pilotée par la ville de Marseille.
Situé sur le terrain des anciennes Tuileries de Marseille, carrière abandonnée d'extraction de l'argile, il s'agit d'une immense friche industrielle en arrière du noyau villageois de Saint-André, constituée de terrains excavés et de dépôts rapportés de toutes sortes de remblais industriels. Le terrain appartient toujours au groupe industriel qui souhaite le vendre et donc réaliser ses actifs, mais son prix est hors de portée des finances municipales. L'industriel, propriétaire du terrain, fait appel à un opérateur privé, le groupe Trema, spécialisé dans la réalisation de zones commerciales, qui va proposer un projet de ZAC comportant plusieurs opérations, réalisables en plusieurs tranches. Le centre commercial en est l'ossature principale, pour lequel Trema s'allie avec le groupe Promodès d'envergure européenne dont l'enseigne-phare est Continent (depuis racheté par le groupe Carrefour). Le centre commercial est construit sur une plate-forme supérieure qui surplombe les ports et offre une vue unique sur la rade de Marseille. Des opérations de logement en arrière du centre commercial, un parc animalier et un parc de loisirs sur les parties basses du terrain, complétaient le programme de la ZAC. Bien que la ville de Marseille ne pilotait pas l'opération, il faut comprendre les avantages que cela représentait pour les finances communales et l'économie dans le contexte de l'époque : la création d'emplois (1 100 au début) dans un secteur urbain durement frappé par le chômage et surtout un grand centre commercial sur le territoire même de la commune, donc susceptible de rapporter de la taxe professionnelle, alors que depuis des années Marseille subissait une évasion commerciale et fiscale au profit des zones périphériques comme Vitrolles ou Plan-de-Campagne, évasion très partiellement compensée par le centre commercial de La Valentine. Ce que le journaliste présente comme "une problématique de répartition des marchés qui va inévitablement entraîner une guerre de stratégie des différents pôles commerciaux de la région". Le centre commercial est composé d'un hypermarché et d'une galerie commerciale à deux niveaux au décor d'un luxe un peu tape à l'oeil avec palmiers et faux marbre, d'immenses parkings sur deux niveaux qui constituent un belvédère imprenable sur la mer. Aujourd'hui c'est un pôle de 1 500 emplois, avec 200 boutiques, un hypermarché et des moyennes surfaces spécialisées (jardinage, sport, équipement de la maison) sur 120 000 m2, un des plus grands centres commerciaux d'Europe, administré par le groupe Corio d'origine néerlandaise.
Plusieurs aspects méritent d'être soulignés. En premier lieu, l'aménagement des terrains a entraîné la démolition du dernier bidonville de Marseille, le bidonville de Lorette où vivaient fin 1989 environ 90 familles d'origine kabyle, dont les chefs de famille, anciens salariés des Tuileries, avaient obtenu l'autorisation - mais sans droits ni titres - d'occuper un terrain délaissé de l'usine et, les choses durant, avaient fait venir leurs familles et construit un véritable lieu de vie. La résorption de ce bidonville, ainsi que le relogement d'environ une quarantaine de familles dans des maisons individuelles jointives, construites au-dessus du centre commercial, ont fait l'objet d'études sociologiques et d'un film. Deuxièmement, dès la création du centre commercial, compte tenu de l'environnement social, une procédure particulière de recrutement du personnel a été mise en place sur le secteur, regroupant dans une large concertation les principaux acteurs, employeurs et mission pour l'emploi notamment, avec une forte mobilisation de la CGT et des élus communistes du secteur. Sur les 1 100 emplois initiaux, environ 300 ont été réservés aux habitants des quartiers nord, "ce qui a suscité des différences d'appréciation" dit le journaliste en ouverture du reportage. Mais, comme le dit le président du groupe, Promodès considérait comme un challenge cette installation dans des quartiers en difficulté et voulait en faire un cas exemplaire. Troisièmement, construit sur des terrains instables et gorgés d'eau, le centre commercial a connu au cours du chantier de nombreux avatars qui ont renchéri fortement les devis initiaux et obligé même quelques années à peine après l'ouverture à démolir un cinéma Multiplex de neuf salles situé sur la partie avant des terrains remblayés qui ont glissé sous le poids. Enfin, le parc animalier et le parc de loisirs n'ont pas été aménagés et leurs emplacements sont aujourd'hui plus ou moins transformés en espaces verts et en bassins de rétention d'orages, la partie la plus basse, près de la ligne TGV étant occupée par une vaste aire de stationnement des gens du voyage.
Plus de dix ans après son ouverture, Grand Littoral s'est inscrit dans le paysage marseillais. Il n'a sans doute pas réussi à capter la clientèle des quartiers sud de la ville, ni vraiment détourné celle qui fréquente le Centre-Bourse, inquiétude qui s'était manifestée au début ; mais il est évident qu'il a donné le coup de grâce au petit commerce des noyaux villageois environnants, ce qui est classique dans cette confrontation commerce de détail-grande distribution. La clientèle proche se considère comme captive de commerces dont les prix ne sont pas aussi intéressants que proclamés pour le consommateur. L'irruption de cette "cathédrale du commerce" dans un îlot de pauvreté a été diversement appréciée par les habitants, une provocation "Las Vegas dans le Bronx" selon l'expression d'un habitant du quartier ; mais aussi comme un apport, enfin quelque chose de bien pour les quartiers nord.
Bibliographie :
Véronique de Rudder, Christian Poiret, François Vourch', La prévention de la discrimination raciale, de la xénophobie et la promotion de l'égalité de traitement dans l'entreprise. Une étude de cas en France. UMR Urmis Migrations et sociétés, CNRS-Université Paris VIII, 1997.
Jacques Windenberger, Images de Marseille. Questions de fraternité, Paris, Editions Alternatives, 1994.
Filmographie :
Bruno Victor-Pujebet, Lorette, dernier bidonville de Marseille, 1995, IO productions, 45 mn.
Transcription
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