Obsèques de Gaston Defferre
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La foule était nombreuse pour rendre hommage au maire de Marseille. Des personnalités politiques, tous partis confondus, étaient également présentes.
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12 mai 1986
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Gaston Defferre est mort le 7 mai 1986. Il a été victime d'un malaise et d'une chute dans la nuit du 5 au 6, chez lui, après un comité directeur de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône particulièrement agité et où il avait donné libre cours à l'une de ses légendaires colères puisqu'il avait été mis en minorité par les partisans de Michel Pezet dans la désignation du nouveau secrétaire général de la Fédération. L'opposition entre pezetistes et defferristes, très vive depuis plusieurs mois, laissera des traces.
Le décès de Gaston Defferre suscite une émotion considérable. Il n'est qu'à voir les unes de son journal, Le Provençal, qui, le 8 mai, titre "On l'appelait Gaston", tandis qu'en dernière page est racontée la "nuit du dernier combat". L'héroïsation du personnage commençait et ses obsèques, qui ont lieu le 12 mai, constituent une étape importante dans la construction de sa légende. Mais, par ailleurs, elles sont révélatrices de la stature politique nationale de Gaston Defferre et des liens noués avec "sa" ville. La réaction des Marseillais et la présence de presque tout ce qui compte dans la vie politique régionale sont significatives. Le symbolique est partout, et pas seulement dans ce fameux chapeau déposé, avec la Grand croix de la Légion d'honneur, sur le cercueil. Il l'est dans le choix de " son " Hôtel de ville pour la veillée funèbre commencée le 11, comme dans celui du trajet, de la mairie à la Major. Il l'est dans la station devant la mairie, comme dans la présence des enfants, ou dans le transport du corps à pied, le long du Vieux-Port, par les légionnaires d'Aubagne. Il est évident dans la cérémonie oecuménique organisée à la cathédrale, où l'archevêque Mgr Coffy et son prédécesseur, Mgr Etchegarray, venu exprès de Rome, attendent le cercueil avec les représentants des principaux cultes du patchwork marseillais (réformé, grec, arménien apostolique, maronite, juif, musulman). L'office est assuré par les pasteurs Marchand et Dodré, car Defferre, laïc convaincu, était issu du milieu protestant. Mais la présence du président de la République et de son épouse, celle des représentants du gouvernement, celle de nombreux leaders du PS montrent bien de quel poids il pesait dans une vie politique qu'évoque, dans son allocution, Lionel Jospin, alors premier secrétaire du PS. Naturellement, Jean-Victor Cordonnier, fidèle lieutenant et premier adjoint depuis 1983, intervient aussi pour faire un éloge centré sur l'action municipale. Mais le discours sans doute le plus révélateur est celui de Jacques Chaban-Delmas, qui s'exprime, non pas tant en homme politique de premier plan faisant le panégyrique d'un égal, fut-il souvent un adversaire, qu'en Compagnon de la Libération rappelant l'engagement d'un camarade de Résistance, que l'on vient d'honorer par le Chant des partisans. Gaston Defferre, en effet, avait commencé son ascension politique pendant la guerre, dans la Résistance. C'est ce qui lui avait permis de dominer ensuite la vie politique de la région et de jouer, au niveau national, un rôle politique de premier plan. La rapidité de cette ascension avait tenu à son rôle dans la reconstruction clandestine du parti socialiste, sur le plan national, et à la puissance qu'il avait acquise dans la presse régionale en créant Le Provençal à peine Marseille libérée. Président de la délégation spéciale de Marseille au même moment, élu maire en 1945 à la tête d'une coalition associant socialistes, communistes et autres résistants, il avait abandonné le pouvoir local quelques mois après pour reconstruire la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. C'est en 1953 qu'il avait retrouvé la fonction de maire, cette fois-ci grâce aux voix de la droite et contre le PCF. De là avait commencé une oeuvre municipale dans laquelle l'homme et la ville allaient s'identifier. Patron politique de la gauche socialiste en Provence, patron de presse dirigeant un groupe régional à qui n'échappaient que les Alpes-Maritimes sur lesquelles régnait Nice-Matin, Defferre était resté l'un des "barons" de la SFIO, puis du PS grâce à la Fédération des Bouches-du-Rhône qui, avec celle du Nord, était l'une des plus puissantes de France. Il avait participé très tôt aux responsabilités gouvernementales, étant secrétaire ou sous-secrétaire d'État dès la fin des années quarante, ministre de l'Outre-mer dans le gouvernement Guy Mollet de 1956 et initiateur d'une loi-cadre qui avait marqué une date importante dans l'évolution des pays colonisés vers l'indépendance. Rallié à François Mitterrand après ses propres échecs à la candidature présidentielle en 1965 et 1969, Gaston Defferre renoue avec les responsabilités étatiques après l'accession de ce dernier à la présidence de la République en 1981. C'est ce qui lui permet de mener à bien l'un des dossiers qui lui tenaient le plus à coeur, celui de la décentralisation, en faisant voter les lois de 1982 auxquelles son nom a été donné (voir Gaston Defferre, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation).
La foule rassemblée pour ses obsèques et l'unité que paraît refléter la présence de presque tout ce qui compte en politique fait oublier que peu d'hommes politiques ont suscité autant d'hostilité à droite et à gauche. À droite, s'il avait trouvé des alliés, il avait également rencontré des adversaires résolus, en particulier l'armateur Jean Fraissinet, patron du quotidien longtemps rival, Le Méridional, et surtout chef de file des adversaires de la décolonisation. C'est dans ces milieux, notamment parmi les partisans de l'Algérie française, que Defferre avait ses pourfendeurs les plus acharnés, mais tout aussi résolument hostile avait été longtemps l'attitude des communistes à son égard. Plus largement, à gauche, Defferre incarnait une ligne d'entente avec le centre et un comportement politique, mêlant autoritarisme et clientélisme, qui, en dépit des choix souvent courageux qu'il avait fait, en faisait un repoussoir. Il n'en reste pas moins que sa disparition marquait véritablement la fin d'une époque et même de plusieurs époques pour Marseille et la Provence. Sur le moyen terme, c'était la fin de la génération de la Résistance qui avait conquis le pouvoir à la Libération. Sur le long terme, joint aux progrès de droite, au basculement de la majorité régionale, aux changements de majorité dans le Var et dans le Vaucluse, c'était la clôture du cycle "républicain avancé" qui, depuis un siècle, avait caractérisé la vie politique régionale.
À sa mort, Defferre était toujours maire de Marseille, mais les élections de 1983 avaient montré combien son pouvoir s'était fragilisé. Sur le plan local, il n'avait pas su ou pas voulu assurer sa succession. Au sein de la Fédération socialiste, les tensions s'étaient aiguisées entre ses partisans et ceux de Michel Pezet, qui, un moment, avait paru être son dauphin. Le comité directeur après lequel Gaston Defferre avait trouvé la mort était l'épisode de trop. Les defferistes feront tout pour barrer la route à celui qu'ils désignent volontiers comme le "traître". À peine Defferre disparu et pas encore enterré, dix-neuf conseillers municipaux, et non des moindres (Cordonnier, Weygand, Masse, Sanmarco, Irma Rapuzzi, ...) rejoints bientôt par d'autres notables du PS (Loo, Vauzelle, Povinelli, Olmetta), signent un appel au rassemblement dans la fidélité au défunt. Pour les initiés, le texte était facile à décrypter. Le numéro du Provençal qui le rendait public, le 9 mai, publiait en dernière page une photo, celle de Lionel Jospin avec Robert Vigouroux. Dès ce jour, le successeur était désigné.
Bibliographie :
Edmonde Charles-Roux, L'homme de Marseille. Récit photo, Paris, Grasset, 2001.
Charles-Émile Loo et Roger Colombani, C'était "Marseille d'abord". Les années Defferre, Paris, Robert Laffont, 1992.
Georges Marion, Gaston Defferre, Paris, Albin Michel, 1988.
Transcription
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