Les rumeurs d'enlèvement d'enfants dans une camionnette blanche
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Résumé
De façon récurrente depuis une dizaine d'années, de fausses informations sur la disparition d'enfants dans une camionnette blanche circulent sur les réseaux sociaux. Tentons de décortiquer l'origine et la propagation de ces informations erronées qui malmènent la communauté Rom et que les autorités démentent régulièrement.
Date de diffusion :
27 mars 2019
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Publication : 17 nov. 2023
Le 27 mars 2019, dans le cadre de la rubrique de décryptage « Faux et usage de faux », qui tente de lutter contre les fausses informations circulant sur internet, le journal télévisé de 20 heures de France 2 aborde l’histoire de la rumeur d’enlèvements ou tentatives d’enlèvements d’enfants par des Roms à bord d’une camionnette blanche, notamment près des écoles. Cette fausse information hante le web depuis de nombreuses années, tant en France qu’à l’étranger, et ressurgit une nouvelle fois en 2019 en région parisienne où elle se propage comme une traînée de poudre grâce aux réseaux sociaux. Des youtubeurs, aux plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’abonnés, la relaient sans vérifier, puis d’autres internautes, parfois de bonne foi, font de même. Beaucoup pensent contribuer ainsi à protéger les enfants de leur ville ou de leur quartier. Face à cette déferlante, provoquée par l’accélération des flux d’information, les démentis répétés sur la toile des services de police demeurent inaudibles. Ceci crée une forte émotion doublée d’un sentiment de peur et d’insécurité confinant même parfois à la psychose ou à l’hystérie collective. La chasse à l’homme est alors lancée. D’aucuns, lorsqu’ils aperçoivent une camionnette blanche, la couleur la plus répandue en France, n’hésitent pas à en extraire les occupants et à les passer à tabac en pleine rue. Des expéditions punitives de plus grande ampleur sont même parfois organisées. Ainsi en mars 2019 une vingtaine d’individus, dont certains insérés socialement, ont lynché des Roms après s’être attaqués à leur campement en Seine-Saint-Denis. La rumeur, par nature stigmatisante, cible presque toujours une minorité et n’est jamais totalement exempte de racisme, d’antisémitisme ou d’une autre forme de rejet de l’autre, et ses victimes sont souvent les mêmes à travers le temps.
La rumeur de la camionnette blanche se fonde en effet, d’une part, sur un préjugé très ancien, remontant au Moyen Âge, et fortement ancré dans l’imaginaire populaire, celui qui veut que les Bohémiens ou Tsiganes enlèvent les enfants et que la population doive impérativement se méfier de ces personnes dangereuses qui, par leur mode de vie gyrovague, sont extérieures à la communauté locale et même nationale. Les pages des journaux de la grande presse du XIXe siècle, qui tirent à des millions d’exemplaires, sont remplies de ces récits stéréotypés. La genèse de cette rumeur renvoie aussi, d’autre part, à de sordides faits-divers beaucoup plus contemporains, à l’instar de l’utilisation d’une camionnette blanche par des kidnappeurs et violeurs d’enfants, tels les pédophiles belge Marc Dutroux et français Michel Fourniret.
À la suite d’une plainte déposée par l’association « La voix des Roms » pour injure, diffamation et provocation publique à la haine raciale, y compris en ligne, une enquête est menée. Mais les colporteurs de cette folle rumeur sont difficilement identifiables derrière leurs pseudonymes sans une collaboration active des plateformes. Les sanctions les plus lourdes sont de simples rappels à la loi. Les autorités sont toutefois conscientes de la nécessité de proposer une réponse plus systémique à la haine en ligne et ont déjà diligenté des travaux à ce sujet. Cela aboutit, en ce même mois de mars 2019, au dépôt à l’Assemblée nationale d’un projet de loi en ce sens par la députée La République en Marche de Paris Laetitia Avia. Le 24 juin 2020 est promulguée la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet dite loi Avia. Cette dernière est certes en partie censurée par le conseil constitutionnel qui juge que l’obligation de retirer en vingt-quatre heures les contenus illégaux constitue une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée
. Mais la loi donne cependant naissance d’une part à l’observatoire de la haine en ligne, rattaché au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devenu Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), et chargé de mesurer la haine en ligne pour pouvoir l’étudier et mieux connaître ses modalités de surgissement, ses mécanismes de propagation et les espaces où elle se diffuse avec le plus de facilité. À la suite de cette loi naît, d’autre part, au sein du parquet de Paris, un Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) pour centraliser le traitement des affaires les plus significatives et leur apporter une réponse pénale adéquate. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, introduit par ailleurs la possibilité de juger en comparution immédiate les personnes incitant à la haine sur internet, et la mise en danger de la vie d’autrui sera désormais poursuivie même si elle n’est pas suivie de faits.
Bibliographie
Marc Bordigoni, Gitans, Tsiganes, Roms... : idées reçues sur le monde du Voyage,
Paris, Le Cavalier bleu, 2013.
Philippe Aldrin, Sociologie politique des rumeurs, Paris, Presses Universitaires de France, 2005.
Pascal Froissart, La rumeur. Histoire et fantasmes, Paris, Belin, 2010.
Jean-Pierre Liégeois, Roms et Tsiganes, Paris, La Découverte, 2019
Transcription
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