Krzysztof Wodiczko

10 février 1994
06m 37s
Réf. 00214

Notice

Résumé :

Krzystof Wodiczko, artiste d'origine polonaise travaillant aux Etats-Unis, explique son travail sur la ville : il transforme les façades de monuments en art grâce à des projections. Suite à un bref reportage sur Le bâton d'étranger, un dispositif créé par l'artiste et qui est une sorte de bâton de berger traditionnel muni d'un moniteur, Wodiczko parle aussi de sa conception de l'art et de son rôle dans la société.

Type de média :
Date de diffusion :
10 février 1994
Source :

Éclairage

Vidéaste d'origine polonaise né en 1943, Krzysztof Wodiczko pratique activement depuis les années 1980 un art éphémère urbain en installant des projections monumentales sur des façades d'immeubles, afin de révéler la précarité de ceux qui vivent au pied de ces façades. Immigrés et sans-abri se retrouvent ainsi juxtaposés au décor des édifices symboles de puissance économique et politique.

Diplômé de l'école des Beaux-Arts de Varsovie en 1968, Wodiczko commence par enseigner le design industriel et les arts visuels à travers le monde (à l'Institute of Arts de Californie, au New York Institute of Technology...). Il théorise le "design nomade", comme ses "bâtons de berger", qui doivent enregistrer la parole et conserver la mémoire de personnes immigrés. Il s'intéresse aux relations entre l'éthique et la technologie tout en observant les évolutions politiques des sociétés, qu'il explore à travers des créations visuelles et des installations vidéos.

Ses oeuvres engagées, exposées dans les différentes Biennales d'art, suscitent parfois perplexité et controverse, mais incitent toujours à la réflexion sur l'état du monde et ses inégalités. En 1998, Wodiczko reçoit le Prix Hiroshima qui récompense un artiste pour sa contribution à la paix dans le monde.

Claire Sécail

Transcription

Michel Field
Alors je reçois ce soir un artiste d'origine polonaise, mais qui travaille aux Etats-Unis, qui s'appelle Krzysztof Wodiczko, et... Alors il a un travail sur la ville tout à fait particulier parce que il se sert de la ville comme une sorte de lieu de production d'images. Alors soit il projette des images sur la ville, sur des bâtiments, soit il fait surgir l'image de ces bâtiments-là, et je sais qu'il y a une référence qu'il affectionne beaucoup c'est celle de Brecht, et la notion de théâtre architecturale épique, qu'on trouve chez Brecht.
(Silence)
Krysztof Wodiczko
(Traduction) Brecht avait proposé que plutôt que chercher à s'identifier avec les personnages, le public doit être étonné par les conditions dans lesquelles elle fonctionne. (Traduction) Alors pour les sans-abris à New York, de 100.000, on pourrait même dire que ce sont les nouveaux monuments de la ville. (Traduction) Des monuments non intentionnels de la ville. (Traduction) Les gestes gelés, représentent les grands gestes face au progrès héroïque, et à l'idéalisme des monuments historiques. (Traduction) Et ces monuments sont eux-mêmes étonnés de constater que sur les marches sous eux, les nouveaux monuments de la ville vivent, et donc la contradiction entre l'idéalisme de ces monuments et le présent, est déjà visible, constitue déjà une projection, et je ne fais que rendre cette projection plus visible.
Michel Field
Alors vous travaillez sur, on va voir d'ailleurs des images, sur ce que vous appelez les « bâtons d'étranger », c'est-à-dire c'est une sorte, modernisée de l'ancien bâton de berger que vous prônez comme une sorte de socialité possible pour cette population de sans-abris, de sans domicile fixe, et on va en voir quelques images sans doute.
Inconnu
La trace veut dire quelque chose pour vous ?
Inconnue
Oui, c'est, ça représente mes racines, c'est un symbole, une métaphore. Complètement brisé, et en même temps complètement imprégné aussi. Je raconte des morceaux, des cassures de mon histoire par rapport au changement des pays. Exactement, exactement.
Inconnue 2
Et ça c'est quoi ?
Inconnue
Et ça, ça fait partie de mon passé, parce que j'ai une maîtrise d'informatique, je suis informaticienne, et ça c'est un circuit. Ça fait partie, parce que quand j'habitais en Italie, je venais juste de terminer mes études d'informatique, quand je suis venue en voyage à Paris, et à Paris je suis tombée amoureuse d'un artiste parisien, et je suis restée, mais...
Michel Field
Alors ce bâton de berger, on voit, il y a une vidéo mobile, il y a un petit haut-parleur, c'est-à-dire, c'est quoi ? C'est une façon de revendiquer un petit peu une socialité qui est refusée à une partie de la population aujourd'hui dans la ville ?
Krysztof Wodiczko
(Traduction) Lorsque l'on parle de la ville il faut également parler de l'espace public, qui est donc directement lié au concept même de la démocratie. (Traduction) Et la visibilité est une condition préalable à la démocratie. (Traduction) Et les voix de ceux qui sont silencieux constituent également une pré-condition, pré-condition pour la ville, qui permet de faire intervenir différents aspects de la société, le porte-parole des gens et de permettre une communication avec l'environnement, et la possibilité de créer des espaces publics différents. (Traduction) Pour moi, l'art ou la création peut également proposer pas tellement une solution aux problèmes, pas simplement de faire apparaître des contradictions comme c'est le cas pour les projections, (Traduction) mais offrir un artifice par le biais duquel ceux qui sont des étrangers peuvent s'ouvrir et s'exposer face à toute la complexité et l'identification du processus de reconfiguration, de s'exposer aux autres et de provoquer et d'inviter une exposition de ceux qui ne sont pas des étrangers. (Traduction) Mais qui en fait se cachent, cachent dans leur subconscient la crainte de leur propre qualité d'étranger et de les projeter vers les soi-disant véritables étrangers. (Traduction) Donc l'art peut devenir un point qui absorbe une multiplicité de différentes requêtes et de discours, et explose avec l'ensemble de ces éléments en créant un discours bien plus complexe.