L'internationalisation de la question algérienne et la réaction du gouvernement français

06 octobre 1955
01m 20s
Réf. 00064

Notice

Résumé :

Le ministre des Affaires étrangères Antoine Pinay est de retour de New York où il a quitté une séance de l'ONU après l'inscription à l'ordre du jour de la question algérienne. Discours d'Edgar Faure contre cette décision.

Date de diffusion :
06 octobre 1955
Source :

Éclairage

Le FLN a très tôt travaillé à l'internationalisation du conflit, contre les autorités françaises qui souhaitent le réduire à une simple affaire interne, un problème de « maintien de l'ordre ». L'objectif était déjà affiché dans la proclamation du 1er novembre 1954, dans laquelle le FLN invoque la Charte des Nations unies.

Le FLN envoie une délégation, conduite par Hocine Aït Ahmed et M'Hamed Yazid, à la conférence de Bandoung en Indonésie en avril 1955. Cette stratégie est rapidement payante. Dès l'automne 1955, la question algérienne est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée générale de l'ONU, faisant suite à la demande de quinze États du groupe arabo-asiatique.

Le 29 septembre 1955, Antoine Pinay, ministre français des Affaires étrangères, met en garde contre toute ingérence et souligne la mission civilisatrice de la France. Parallèlement, le président du Conseil, Edgar Faure lui fait savoir qu'il ferait approuver par le Parlement le retrait de la France des Nations unies au cas où l'Assemblée maintiendrait la question algérienne à l'ordre du jour.

Le lendemain, le 30 septembre 1955, le débat s'ouvre dans un climat de tension. Antoine Pinay rappelle que l'Algérie est une affaire intérieure et précise : « la décision que vous allez prendre est plus grave pour l'ONU que pour la France ; c'est l'avenir de votre organisation qui va se trouver engagé ». Malgré tout, le problème algérien est inscrit à l'ordre du jour, à une voix de la majorité.

C'est un véritable camouflet pour la France. Antoine Pinay quitte l'Assemblée en compagnie de toute la délégation française. Il est filmé dans ce sujet des Actualités françaises à Paris à sa descente de l'avion, après cette séance qualifiée par le commentaire de « dramatique ». Le gouvernement français déclare comme nulle et non avenue toute recommandation que l'ONU prononcerait sur l'Algérie. Le retour de la France à l'Assemblée aura lieu néanmoins quelques semaines plus tard, fin novembre. Mais le FLN a gagné une première bataille dans l'internationalisation du problème algérien, qui lui garantira une légitimité difficilement contestable.

Ce travail constant sur la scène internationale est mené par Abdelkader Chanderli et M'Hamed Yazid, avec Hocine Aït Ahmed jusqu'à son arrestation le 22 octobre 1956, eux-mêmes appuyé par les pays arabes et le groupe afro-asiatique. L'historien Matthew Connelly parle à ce propos de véritable « révolution diplomatique ».

Peggy Derder

Transcription

Journaliste
À Paris, la tension se déplaçait sur le retour de New York de monsieur Pinet. On sait qu’au cours d’une séance dramatique, le ministre des Affaires étrangères avait quitté la séance de l’ONU après l’inscription à l’ordre du jour de la question algérienne, votée de justesse par 28 voix contre 27, et 5 abstentions. Cette immixtion dans les affaires intérieures françaises était aussitôt, à l’Élysée, le sujet d’un conseil des ministres, auquel revenaient assister, en toute hâte, le président Edgard Faure et le président René Coty. La France, mise en cause contre tout droit et en dépit du règlement par une ingérence injustifiable, abandonnera-t-elle les Nations unies ? Question d’une exceptionnelle gravité. Question qu’abordait le président Edgard Faure lorsqu’il disait :
Edgard Faure
L’Organisation des Nations unies, faite pour assurer la paix entre les nations, pour assurer la concorde, prend une position qui pourrait comporter le risque de développer l’esprit de sécession, de favoriser les fauteurs de trouble et de désordre. Et elle va ainsi à l’encontre de la pensée généreuse dont elle était issue. La France ne peut pas admettre cette décision. D’accord hier, avec le président Pinet que j’avais eu au téléphone, j’ai immédiatement rappelé, en France, notre délégation à l’ONU.
(Bruit)