Les « chefs noirs » à l'Elysée
Notice
[Document muet] Au palais de l'Élysée, René Coty, Président de l'Union Française, reçoit divers dignitaires d'outre-mer qui viennent à Paris pour assister aux célébrations du 14 juillet.
Éclairage
Le nouveau cadre institutionnel mis en place en 1946 (notamment par le titre VIII de la Constitution de la IVe République) modifie quelque peu la façon de percevoir ce que l'on appelle, désormais, l'Union française. Les populations de la « France d'outre-mer » envoient des élus à l'Assemblée de l'Union française à Paris et désignent les membres des assemblées territoriales, qui constituent dans chaque colonie un embryon de chambre représentative aux pouvoirs encore mal assurés. Dans une bonne partie des colonies prévaut le système électoral du « double collège » (voir la notice Connaissance de l'Union française) qui permet de canaliser le vote des « indigènes ». On entre dans une apparence de fédéralisme en trompe-l'œil, chaque « département », « territoire d'outre-mer » et « État associé » (protectorats, territoires sous mandat de l'ONU) étant censé adhérer de son plein vouloir à l'ensemble.
De droit, le président de la République est aussi président de l'Union française et c'est à ce titre que le président René Coty reçoit à l'Élysée, en juillet 1954, quatre-vingt-onze dignitaires, « chefs » et « souverains » divers et variés, ainsi que des élus d'outre-mer siégeant à Paris. Il s'agit de démontrer au public la force et la cohésion de l'empire, mais aussi l'adhésion et la fidélité des colonisés à la France. Le choix de la fête nationale pour réunir les « chefs noirs » – comme on les appelle encore à l'époque – est à cet égard symbolique. Il reflète aussi la longue tradition, ancrée dans les différents territoires coloniaux, consistant à organiser des festivités publiques importantes à l'occasion de la fête du 14 juillet.
S'il est difficile d'identifier avec précision les différentes personnalités conviées au palais de l'Élysée, on reconnaît des ressortissants de territoires nord et ouest-africains. Le reportage met en valeur, dans une indistinction typique, les vêtements pittoresques et chamarrés, typiques des ressortissants d'élites coloniales « traditionnelles », beaucoup moins occidentalisées que les jeunes élites nationalistes qui font alors souffler le vent de la contestation. La caméra s'attarde (en 00 : 14) sur les décorations qui ornent une poitrine : si l'on reconnaît la Légion d'Honneur et l'ordre du Mérite, il est plus malaisé d'affirmer ce que sont les deux autres médailles ; peut-être s'agit-il de l'Ordre de l'Étoile d'Anjouan (Comores) et de l'Ordre du Nichan el Anouar (Côte Française des Somalis) ? Quoi qu'il en soit, la distribution de décorations en tous genres est un grand classique, dans le monde colonial, et relève d'une politique visant à récompenser au cas par cas les fidèles de la France. Ces médailles renvoient sans doute aussi à l'engagement de nombreux soldats africains durant les Première et Seconde guerres mondiales.