Le renvoi du ministère Chenik

03 avril 1952
01m 18s
Réf. 00035

Notice

Résumé :

Le gouvernement français fait pression sur Lamine Bey afin de faire renvoyer le Premier ministre M'hamed Chenik qui a déposé une plainte à l'ONU. Ce dernier est remplacé par Salaheddine Baccouche.

Date de diffusion :
03 avril 1952
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Éclairage

Depuis le début de l'année 1952, la Tunisie est paralysée par la crise politique tandis que la violence se propage à travers le territoire. Dans ce contexte, l'appel du gouvernement Chenik aux Nations Unies est accueilli comme un terrible affront par la France, car il internationalise ce qui doit rester pour elle une querelle de famille. Le reportage du 3 mars 1952 traduit bien l'état d'esprit des autorités quant aux « événements de Tunisie » : la note du 15 décembre 1951, la politique brutale du nouveau résident général Jean de Hauteclocque, la répression contre les militants nationalistes ou encore le ratissage du Cap Bon ne sont à aucun moment évoqués ; c'est le dépôt d'une plainte tunisienne à l'ONU qui serait à la source de toutes les tensions. Le Premier ministre M'hamed Chenik s'est attiré l'inimitié de Hauteclocque qui exige son départ. Mais Lamine Bey fait, à cette occasion, preuve d'un esprit de résistance qui surprend les fonctionnaires du protectorat. L'entêtement du bey, qui a surmonté son impopularité initiale – il avait succédé en 1943 à Moncef Bey, destitué par les Français –, est au cœur du sujet. Avec complaisance, la caméra des Actualités françaises expose la cérémonie du baisemain, entretenant ainsi l'image rétrograde d'un despote oriental. Le 25 mars, le résident général lance un ultimatum comminatoire au bey et, devant son refus, fait déporter dans le sud tunisien quatre ministres, dont Chenik lui-même. Cet épisode, qui suscite le scandale jusque dans les murs du Palais Bourbon, est soigneusement éludé dans le reportage : Lamine Bey serait revenu à de meilleurs sentiments après avoir reçu une lettre de Vincent Auriol, portée par Jean Forgeot et Jacques Kosciusko-Morizet (respectivement secrétaire général et directeur du cabinet civil du président). En réalité, le bey est mis devant le fait accompli de l'arrestation de ses ministres et interprète la visite des deux hauts fonctionnaires comme une preuve du soutien du président de la République au coup de force de Hauteclocque. Il cède alors aux exigences françaises et désavoue M'hamed Chenik. Ce dernier est remplacé le 28 mars par Salaheddine Baccouche, qui est chargé de reprendre les négociations mais peine, dans l'hostilité générale, à former un gouvernement.

Morgan Corriou

Transcription

(Musique)
Journaliste
En Tunisie, le palais beylical est le centre de l’attention des observateurs. La reprise des négociations franco-tunisiennes semblait se heurter, depuis deux mois, au maintien du premier ministre Chenik, instigateur de la plainte tunisienne devant l’ONU. Le Bey, cependant, se refusait à se séparer de son conseil des ministres. Quelques jours plus tard, monsieur De Hauteclocque, résident général, accompagné de messieurs Kosciusko et Forgeot, porteurs d’un message personnel du président de la République, se rendaient au palais. Et c’est seulement alors que Lamine Bey acceptait de renvoyer Monsieur Chenik. La voie était ainsi ouverte aux négociations. Et les envoyés de monsieur Vincent Auriol pouvaient quitter le palais avec l’espoir d’un rapide et favorable dénouement. Pendant tout ce temps, dans la régence, où l’état de siège avait été proclamé, et à Tunis-même, le calme régnait. Presque aussitôt, investi par le bey, monsieur Slaheddine Baccouche était reçu à la résidence où il affirmait son désir de former, le plus rapidement possible, son cabinet pour entreprendre l’étude des propositions du gouvernement français.