Le renvoi du ministère Chenik
Notice
Le gouvernement français fait pression sur Lamine Bey afin de faire renvoyer le Premier ministre M'hamed Chenik qui a déposé une plainte à l'ONU. Ce dernier est remplacé par Salaheddine Baccouche.
Éclairage
Depuis le début de l'année 1952, la Tunisie est paralysée par la crise politique tandis que la violence se propage à travers le territoire. Dans ce contexte, l'appel du gouvernement Chenik aux Nations Unies est accueilli comme un terrible affront par la France, car il internationalise ce qui doit rester pour elle une querelle de famille. Le reportage du 3 mars 1952 traduit bien l'état d'esprit des autorités quant aux « événements de Tunisie » : la note du 15 décembre 1951, la politique brutale du nouveau résident général Jean de Hauteclocque, la répression contre les militants nationalistes ou encore le ratissage du Cap Bon ne sont à aucun moment évoqués ; c'est le dépôt d'une plainte tunisienne à l'ONU qui serait à la source de toutes les tensions. Le Premier ministre M'hamed Chenik s'est attiré l'inimitié de Hauteclocque qui exige son départ. Mais Lamine Bey fait, à cette occasion, preuve d'un esprit de résistance qui surprend les fonctionnaires du protectorat. L'entêtement du bey, qui a surmonté son impopularité initiale – il avait succédé en 1943 à Moncef Bey, destitué par les Français –, est au cœur du sujet. Avec complaisance, la caméra des Actualités françaises expose la cérémonie du baisemain, entretenant ainsi l'image rétrograde d'un despote oriental. Le 25 mars, le résident général lance un ultimatum comminatoire au bey et, devant son refus, fait déporter dans le sud tunisien quatre ministres, dont Chenik lui-même. Cet épisode, qui suscite le scandale jusque dans les murs du Palais Bourbon, est soigneusement éludé dans le reportage : Lamine Bey serait revenu à de meilleurs sentiments après avoir reçu une lettre de Vincent Auriol, portée par Jean Forgeot et Jacques Kosciusko-Morizet (respectivement secrétaire général et directeur du cabinet civil du président). En réalité, le bey est mis devant le fait accompli de l'arrestation de ses ministres et interprète la visite des deux hauts fonctionnaires comme une preuve du soutien du président de la République au coup de force de Hauteclocque. Il cède alors aux exigences françaises et désavoue M'hamed Chenik. Ce dernier est remplacé le 28 mars par Salaheddine Baccouche, qui est chargé de reprendre les négociations mais peine, dans l'hostilité générale, à former un gouvernement.