Le putsch des généraux : fin
Notice
Le samedi 22 avril 1961, les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud s'emparent d'Alger avec l'appui du 1er régiment de parachutistes. Le putsch est mis en échec le 25 par la réaction vigoureuse du général de Gaulle.
Éclairage
Ce "putsch" trouve son origine dans l'accélération de la politique gaullienne de décolonisation après l'échec des barricades. Le 11 avril 1961, la conférence de presse du chef de l'Etat, justifiant sur un ton désinvolte la décolonisation de l'Algérie par ce qu'elle coûte à la France, fait l'effet d'une provocation. Le 22 avril 1961, un "quarteron de généraux en retraite" s'empare d'Alger. Que voulaient ces hommes ?
Pour Alain-Gérard Slama, "aucun d'eux n'est fasciste (…) Leur conviction intime est de défendre, contre Paris, l'unité et l'intégrité de la République". A cela s'ajoute que "depuis trop longtemps l'armée a représenté, à elle seule, la puissance publique en Algérie", trouvant dans cette mission "une revanche sur les humiliations de 1940, de la guerre d'Indochine et (…) de Suez" [La guerre d'Algérie, Découvertes Gallimard, 1996]. Enfin, l'armée se sent liée par un engagement d'honneur envers les pieds-noirs et les musulmans qui leur ont fait confiance. Le souvenir de l'abandon des civils au Viêt-minh en Indochine hante les esprits. Militaires avant tout, ces hommes envisagent leur mouvement comme strictement militaire et tiennent à l'écart les activistes civils tels que les membres de l'OAS. Ils ne peuvent en fait compter que sur une seule force : la foule européenne qui les acclame sur le forum d'Alger.
Aussi cette tentative de refaire le 13 mai 1958 tourne-t-elle court. Tandis qu'en métropole la panique gagne les esprits après l'appel, lancé le 23 à minuit par le Premier ministre Michel Debré, à se rendre sur les aéroports pour empêcher une action éventuelle des parachutistes, le Général, revêtant l'uniforme, prononce sur le petit écran un discours fulgurant. Diffusé par les postes à transistor en Algérie, il encourage la désobéissance des soldats du contingent aux officiers putschistes et intimide les hésitants. L'échec du putsch ne décourage pas les jusqu'au-boutistes civils et militaires qui rejoignent l'OAS pour en préparer un autre.
Récit trépidant, soutenu par une musique énergique, ce document n'a pas seulement une fonction informative. Il vise à délégitimer l'entreprise des généraux ("triomphateurs d'un jour") au profit de la seule autorité légitime : de Gaulle ("les hommes du contingent restés fidèles au commandement légitime"). Les images montrant des soldats du contingent rembarquant vers la métropole pour ne pas servir le nouveau pouvoir à Alger viennent appuyer la démonstration. Mais, comme le chef de l'Etat dans son discours du 23 avril, le commentateur a soin de disculper la population algéroise : "égarée par les craintes et les mythes", disait de Gaulle ; "une fièvre s'emparait de la population qui souffre toujours de la plaie mal fermée de l'Algérie française", répond en écho le journaliste. La métaphore de la maladie traverse le commentaire ("fièvre", "plaie", "signes avant-coureurs"), faisant apparaître le Général comme un sauveur. Le dénouement du complot est illustré par une musique triomphale et accompagné d'un commentaire emphatique ("L'épreuve a été dure (…) Mais la France a gagné").