La 52e Cie divisionnaire en Algérie - Film d'Henri Frigoul
Notice
Officier d'active du Service du Matériel, le sous-lieutenant Henri Frigoul est affecté à la 52e CRDI, la Compagnie de réparation divisionnaire d'infanterie, en Algérie, en juillet 1961. A la tête de la 3e section, stationnée à Blandan, il a filmé ses hommes, leurs installations et leurs missions.
Éclairage
Henri Frigoul est né le 4 janvier 1933. L'Occupation est une période importante de son éducation. Il vit dans un milieu pacifiste mais aussi très patriotique : son frère aîné est prisonnier, ses parents cachent un jeune Juif. En 1944, le décès de sa mère précipite son entrée à l'école des enfants de troupe où il y reste jusqu'à 18 ans, passe son bac et s'engage dans l'armée pour 5 ans au titre du paiement de la scolarité. Il part en Indochine comme sergent et revient en 1954. Il est ensuite affecté au 3e Régiment d'infanterie coloniale (3e RIC), se marie en 1957 et décide d'effectuer une école d'officier dans une spécialité technique. Il est envoyé en Algérie avec son régiment le 1er juin 1961 à la frontière tunisienne (zone nord), à Blandan comme sous-lieutenant, à la 3e section de réparation de matériel de la 52e Cie divisionnaire d'infanterie. Il y reste jusqu'au 25 novembre 1962 où il rejoint l'école des sports de Joinville. Il quitte l'armée en 1977.
Lorsque sa fille naît en 1957, Henri Frigoul vend sa Vespa pour acheter une Bolex 8mm et une machine à coudre pour sa femme, couturière, qui monte son affaire. Il n'a cependant jamais eu un goût prononcé pour le cinéma. Lorsqu'il est en internat aux enfants de troupe, il y va une fois par semaine mais n'a gardé aucun souvenir des films qu'il a vus.
Le film de Henri Frigoul est un des rares documents monté. On voit que l'opérateur maîtrise le cadrage. Depuis 1957, il pratique le film de famille. Dès le début de son séjour algérien, il s'est rendu compte qu'il pouvait faire un récit sur l'activité de sa section et utilise sa caméra avec ce projet de départ. Cela se sent à travers la justesse des cadrages. Ce n'est que de retour d'Algérie qu'il va monter les bobinos à partir des conseils qu'il trouve dans la revue éditée pour les cinéastes amateurs Cinéma pratique, à laquelle il est abonné. Le montage est chronologique, seuls les plans « non visionnables » sont éliminés (surexposition, bougé...). Une voix off a été rajoutée au moment où il fait don de son film à l'ECPAD en 1999. Henri Frigoul adopte un regard essentiellement documentaire sur les ateliers de réparation qu'il dirige et les missions de sa section. Les plans s'enchaînent chronologiquement, même s'ils n'ont pas été pris dans l'ordre : la réparation de camions, de tanks, la livraison du matériel réparé, le remontage d'un moteur, le dépannage d'un halftrack embourbé, la réparation d'un phare sur un poste d'observation, le démontage des bâtiments de la section après les accords d'Evian... Une véritable fiction dans un film qui se donne à voir comme un documentaire. Même dispositif lorsqu'il prend le temps de filmer le paysage depuis son camion qui défile le long de la ligne Morice. La voix off informative devient politique lorsque Henri Frigoul introduit, à la fin de son film, sur les images de liesse populaire au moment des accords d'Evian, des réflexions a posteriori sur l'issue de la guerre, une première mise en mémoire de son vécu : « Que seront les prochains jours pour ceux qui ont suivi l'armée française ? » Sa réflexion se teinte d'amertume dans la séquence du démontage des ateliers de réparation : « Nous étions des démolisseurs alors que nous étions ici pour construire ».