Les événements de Khouribga
Notice
Ce reportage des Actualités militaires françaises en Allemagne oppose l'inauguration du barrage ultra-moderne de Bin el-Ouidane aux massacres et destructions qui se sont déroulés dans la région de Khouribga.
Éclairage
En décembre 1955, un reportage est consacré pour la première fois aux événements d'Afrique du Nord dans les Actualités militaires françaises en Allemagne. Le renforcement des forces françaises au Maghreb n'est pourtant pas un fait récent, même si c'est en 1955 que des décrets officialisent le recours massif au contingent en Algérie. Les manifestations des « appelés, maintenus et rappelés » durant l'automne participent, en métropole, de la prise de conscience de la gravité des événements algériens et de l'engagement de la France dans ce qui est une véritable guerre.
Les images classiques de fantasia et de femmes tatouées situent pour le spectateur français l'action dans un Orient qui apparaît pour le moins flou. Le commentateur ne prend pas la peine de distinguer la situation politique marocaine et algérienne. La France n'exerce pourtant pas la même autorité sur les deux territoires (un pays sous protectorat qui a conservé son souverain d'un côté ; des départements « français » de l'autre) et le combat pour l'indépendance y prend des formes distinctes.
Le reportage oppose l'action modernisatrice de la France (l'impressionnant barrage de Bin el-Ouidane) aux sanglants événements dans la région de Khouribga. En août 1955, à l'occasion du deuxième anniversaire de la déposition du sultan Mohammed Ben Youssef, une partie des campagnes berbères se soulèvent. Des colons français sont massacrés, notamment à Oued Zem. Les images des installations minières en flamme viennent en contrepoint de celles du barrage flambant neuf : ainsi, la lutte des indépendantistes marocains est assimilée à un combat obscurantiste. Ces derniers sont mystérieusement accusés d'être « aux ordres de l'étranger » (L'Égypte ? Voire l'URSS ?), une autre manière de discréditer l'insurrection. De fait, ce soulèvement rural met à mal la propagande française, en démontrant l'imprégnation nationaliste des campagnes les plus profondes.
Le message politique apparaît plus clairement énoncé dans ces actualités militaires que dans les Actualités françaises. Ainsi, le commentateur s'adresse directement aux Forces françaises en Allemagne (FFA), exhortant les soldats à soutenir moralement leurs camarades d'Afrique française du Nord (AFN) et rappelant leur mission outre Méditerranée (« Il s'agit de donner à notre pays son lustre et son prestige, il s'agit de rétablir un ordre qui permettra à des populations troublées de travailler à nouveau dans la paix et l'harmonie »). Face au mécontentement qui tend à s'exprimer au sein du contingent, il importe en effet de préparer les troupes à une éventuelle affectation en Afrique du Nord.