Le général de Gaulle en Mayenne

Ce vendredi 21 mai 1965 en Mayenne, à Château-Gontier précisément, nous sommes loin, très loin, de Tain-l’Hermitage dans la Drôme. Encore plus loin de la claque donnée par un contestataire à Emmanuel Macron, président de la République en active en ce mardi 8 juin 2021. Prendre une tarte à Tain, cela pourrait relever du gag mais c’est grave pour la démocratie, inquiétant pour la république même si, dans l’Histoire, cette gifle n’est pas la seule offense portée à un chef d’Etat. 

L’ambiance est donc tout autre 56 ans auparavant alors que le général de Gaulle entame sa troisième journée de visite officielle dans l’Ouest. Les fanfares ont astiqué leurs instruments et les cuivres scintillent autant qu’ils résonnent au passage du grand libérateur. Les jeunes enfants agitent des drapeaux tricolores, les costumes trois pièces, chapeaux, et autres « tenues du dimanche », même pour les familles les plus modestes, sont de mise. La ferveur populaire est réelle et même si le président de la République ne l’annonce pas ainsi, il est bel et bien en campagne. Il est aisé de comprendre que Charles de Gaulle ne tardera pas à annoncer sa candidature à l'élection présidentielle de décembre 1965. 

Les moyens déployés par l’ORTF (Office national de Radiodiffusion Télévision Française) pour le déplacement du chef de l’Etat en Pays de la Loire sont à la hauteur de l’événement : plans aériens des villes traversées, petite carte « infographique » du périple…

Après avoir quitté Angers le matin même du 21 mai, le chef de l'État avait emprunté l'autorail pour s'arrêter à Segré. Après un passage furtif par Chemazé, le long cortège de voitures noires arrive à Château-Gontier par la rue Georges Clémenceau, passe devant l’église Saint-Rémi et la rue René d’Anjou avant de rejoindre la place Paul Doumer et le Présidial où l’accueille Georges Lefèvre qui sera maire de 1955 à 1971. Bonjour Monsieur le maire de Château-Gontier dit sobrement le Président à l’édile avant de se diriger vers la place de la République, distante de quelques mètres seulement. C’est là, devant les magasins Chaussée-Auffray, qui seront rasés dans les années 90 pour laisser place à l’actuel Hôtel de Ville et de Pays de Château-Gontier, qu’est prononcé le discours officiel. Sur l’estrade, Charles de Gaulle retrouve son premier ministre (du 14 avril 1962 au 10 juillet 1968), Georges Pompidou, marié à Melle Claude Cahour, enfant du Pays puisqu’elle est la fille d’un médecin de Château-Gontier. Charles de Gaulle salue l’action du gouvernement Pompidou et le travail des ministres. Georges Pompidou, assez impassible, affiche un léger rictus à l’annonce de ces compliments. Suite à la démission du Général, Georges Pompidou deviendra le dix-neuvième président de la République française le 20 juin 1969. Il sera lui-même emporté par la maladie le 2 avril 1974. 

A Château-Gontier, comme dans chaque agglomération ou village traversés, le public s’est massé, comme si toute la ville était descendue dans la rue pour cette visite présidentielle. Dans Ouest-France, on relate, Les cloches de Saint-Rémi sonnent à toute volée. [...] La foule, on le sent, voudrait l'approcher de plus près, lui tendre la main, lui adresser des paroles de bienvenue.

Place de la République, devant l'Hôtel de ville, le Général de Gaulle s'adresse aux Castrogontériens, dans un discours de quelques minutes. Le chef de l'État évoque Château-Gontier comme une ville ancienne, mais active dans le présent. C'est une ville résolue à se développer dans l'avenir. C'est ainsi que je vous vois et que je vous salue. Plus tôt, il a présenté la ville comme preuve de l'unité nationale de la France, rendant hommage à la jeunesse qui d'années en années, vient prendre sa part de responsabilité dans l'oeuvre nationale. Son discours s'achève par un appel à chanter l'hymne national avec la foule, qui répond hardiment à l'invitation.

Discrètement, Mme Yvonne de Gaulle et Mme Claude Pompidou assistent au discours. On les aperçoit dans le reportage des journalistes Jean Marquet et Charles Finalteri dont le sujet consacré à cette longue troisième journée de visite présidentielle est diffusé le jour même, le 21 mai. 

Après Château-Gontier, le président se dirige vers Laigné pour un arrêt éclair dans la commune. Le temps de serrer les mains des conseillers municipaux et du maire, d'échanger brièvement sur les projets de la municipalité et voici le cortège qui repart vers Craon. Le président y est attendu à 16 h 55. Quatre cents personnes sont présentes place du Mûrier. Il est reçu par le maire, le Dr Faligant. Là encore, la visite ne durera que quelques courts instants car il reste une dernière étape, Cossé-le-Vivien, où Charles de Gaulle s’entretiendra avec Robert Tatin, artiste contemporain dont le musée est toujours visible sur les terres de la Frénouse à Cossé-le-Vivien. Le Président et l’artiste visionnaire, au tempérament bien trempé lui aussi, échangent de façon détendue avant que le chef de l’Etat ne rejoigne la préfecture mayennaise à Laval. 

• Jennifer Chainay, « Il y cinquante ans la venue du général de Gaulle », publié sur le site ouest-france.fr/pays-de-la-loire, 21 mai 2015
• Jean-Noël Jeanneney, « De Gaulle», L'Écho du siècle. Dictionnaire historique de la radio et de la télévision française, Paris, Pluriel, 2002 (2e édition)