Polémique avant l’ouverture de l’ERS

Le collège d’enseignement secondaire (ou CES) de Craon a été construit pour la rentrée scolaire de septembre 1968. Il remplace un CEG (collège d’enseignement général) alors constitué de bâtiments préfabriqués installés dans l’école primaire de la rue des Vaux. Ce CES est l’un des premiers du Sud-Mayenne, peu après Château-Gontier (1967), mais bien avant Renazé (1971), Bazouges (1974), Grez-en-Bouère (1978) ou Cossé-le-Vivien (1984). Il est prévu pour 600 élèves externes, demi-pensionnaires voire internes ; en effet l’un des bâtiments comporte un internat. En janvier 1973, le principal Jean Fouassier en fait la publicité dans l’hebdomadaire local Haut-Anjou : Un internat neuf, spacieux, bien équipé est apprécié des familles. En plus de l’hébergement, les internes bénéficient chaque jour d’au moins 3 h d’études surveillées et dirigées. À la mi-juin 1977, le CES de Craon est baptisé « Collège Volney » en souvenir de ce député, voyageur, enseignant et pédagogue né à Craon au XVIIIe siècle.

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012) des établissements de réinsertion scolaire (ou ERS) sont créés par le gouvernement de François Fillon. Ces établissements accueillent des collégiens entre 13 et 16 ans parmi les plus perturbateurs et ayant fait l’objet de plusieurs exclusions de leur établissement d’origine. Les ERS sont mis en place à la rentrée de 2010. Ils ont pour but d’éloigner les enfants de leur cadre de vie habituel et de les prendre en charge différemment. Le projet nécessite l’accord de la famille et de l’élève. Ainsi, les collèges et les lycées professionnels choisis comme ERS accueilleront 15 à 30 élèves pendant au moins un an. Ces élèves volontaires ont un emploi du temps particulier. En matinée, ce sont les enseignements généraux, l’après-midi est occupé par des activités périscolaires (sport, culture, citoyenneté et santé) et la soirée est consacrée au soutien scolaire jusqu’à 21 heures. Ces élèves bénéficient d’un encadrement spécifique : un directeur ou une directrice, des enseignants différents de ceux du collège ou du lycée professionnel d’accueil. Selon leur âge les élèves peuvent passer les mêmes diplômes et certificats que les autres enfants : diplôme national du brevet, attestation scolaire de sécurité routière… Selon le site internet de l’Éducation nationale (consulté en 2015), seize établissements sont concernés en France : 14 sont situés dans les départements d’origine des élèves, mais deux sont externalisés (collège Volney de Craon en Mayenne et Port-Bail dans la Manche). Ces derniers concernent des élèves du département de la Seine-Saint-Denis. Les deux ERS externalisés ouvrent le 8 novembre 2010.

Pourquoi choisir le collège Volney de Craon afin d’y placer des élèves de la Seine-Saint-Denis ? La réponse est simple : l’inspecteur d’académie de la Seine-Saint-Denis de 2009-10 avait été inspecteur d’académie de la Mayenne en 2004-2005 et connaissait l’existence de l’internat, alors désaffecté, du collège du Sud-Mayenne. Deux questions matérielles sont réglées rapidement : rénover et aménager l’internat, puis trouver une compagnie de transport scolaire capable d’emmener une vingtaine de jeunes le lundi matin et le vendredi après-midi entre les deux départements.

Notre reportage est diffusé entre l’annonce du projet et l’ouverture de l’ERS. Les téléspectateurs ont pu le voir dans les Clés de l’actu lors du JT soir Pays de la Loire de France 3 le 28 septembre 2010. Il a été réalisé par Pierre-Eric Cally, Rémi Guine et Yves Quesnel qui ont pris soin de présenter différents points de vue : ceux de plusieurs parents (contre l’isolement des arrivants), ceux d’une enseignante (contre le manque de concertation), ceux d’une élève (contre l’isolement) et bien sûr celui de l’inspectrice d’académie de la Mayenne (pour l’expérimentation).

En octobre 2010, les réunions se multiplient, les médias s’activent, les politiques donnent leur avis… Le 8 novembre, l’ERS ouvre ses portes à 14 enfants dans une ambiance très tendue. Dès le lendemain, 5 élèves de l’ERS sont renvoyés pour avoir commis des violences sur d’autres collégiens. Le même jour, les professeurs du collège exercent leur droit de retrait… Nouvel emballement médiatique ! Malgré tout, l’ERS reste là et, très lentement, la situation s’améliore : une nouvelle équipe dirige l’ERS, le nombre d’élèves est réduit (moins de 10), ceux-ci peuvent partager du temps avec les petits Mayennais (cour, self)… En 2012-2013, l’ERS du collège Volney fonctionne très bien. C’est à ce moment-là qu’il est supprimé ! En effet, la nouvelle majorité présidentielle met fin aux ERS dans tout le pays, certainement à cause de son coût élevé (salaires des personnels spécialisés pour peu d’enfants, transport des bénéficiaires, achats progressifs d’équipements nombreux et variés comme des ordinateurs ou des VTT).

Depuis, un « internat d’excellence » a été ouvert en septembre 2022 afin d’y recevoir (dans un cadre totalement rénové) 9 filles et 9 garçons des environs, voire des départements limitrophes.

• Ouest-France du 10/11/2010 et du 08/06/2013.
• Émission Complément d’enquête (France 2) « Ados, l’autorité en faillite » (extrait sur Dailymotion)
• Site du collège Volney : volney.lamayenne.e-lyco.fr (onglet « Internat d’excellence Volney »)
• Bruno Poirier : Les 50 ans du collège Volney dans « Graines d’histoire en Haut-Anjou » en 2018.