La fin du colloque sur le réaménagement des sites miniers

02 décembre 1983
03m 19s
Réf. 00264

Notice

Résumé :

A l'occasion du colloque européen sur le réaménagement des sites miniers, ce reportage s'attarde sur le cas de Bruay-en-Artois qui possède de nombreux vestiges de l'exploitation minière. L'appropriation de l'ancien carreau de la fosse 1 permet aujourd'hui, comme l'explique Marcel Wacheux, député maire, de refaire un centre ville dynamique. Interrogé à la fin du colloque, Umberto Battist, député du Nord, estime que la région a pris du retard comparé aux voisins européen.

Date de diffusion :
02 décembre 1983
Source :

Éclairage

A partir de la fin des années 1960, la question du réaménagement des villes minières et de leur devenir après l'arrêt de l'exploitation ne cesse de poser (1). Comme le montre le reportage, il ne s'agit d'ailleurs pas d'une question seulement française ; elle se pose au contraire à l'échelle de tous les bassins de l'Europe, surtout à cette époque celle du nord-ouest. Les interventions présentées ici s'inscrivent dans le droit de fil des politiques urbaines qui, dans le cas français, ont été dessinées à partir des années 1970, pour pallier la désorganisation liée à la fin du charbon. La date essentielle est l'année 1972. Après la visite du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, la politique de rénovation minière est lancée. Les communes, réunies au sein de l'Association des Communes Minières (ACM, 1970), reçoivent, pour mener cette politique, l'appui de l'État, via notamment le GIRZOM (Groupe Interministériel pour la Restructuration des Zones Minières, 1972).

Que l'action du maire de Bruay-en-Artois (aujourd'hui Bruay-la-Buissière) soit présentée comme l'exemple de cette rénovation n'a rien d'étonnant. Si la ville a connu onze ans plus tôt une célébrité nationale pour avoir été le théâtre d'un fameux fait-divers, elle est aussi, plus discrètement, renommée pour l'évolution précoce de son urbanisme. Son maire, le socialiste Marcel Wacheux (à la tête de la commune entre 1965 et 1987) s'est en effet montré très actif lors des premières vagues de rénovation, comme en témoigne, dès le début des années 1970, la réhabilitation de la cité des Aviateurs. Il est devenu au début des années 1980, le président de l'ACM. Il explique dans cette séquence les projets qu'il a continué à mener au sein de sa ville. En l'entendant, on perçoit bien l'ambition qu'il partage avec beaucoup de ses collègues du bassin (ainsi à la fin du reportage le député socialiste de Jeumont, Umberto Battist). Comme lui, ces derniers ont dû attendre le départ des Houillères pour pouvoir mener des politiques sur l'ensemble du territoire communal, dont une bonne partie, c'est-à-dire les cités minières, auparavant leur échappait. Après ce départ, les maires du Bassin ont donc les mains libres et cherchent avant tout à faire de leur commune de "vraies" villes, autant sur le plan matériel que sur le plan symbolique. Marcel Wacheux insiste en particulier dans cette perspective sur les initiatives concernant les logements et les anciennes cités, qui représentent une grande part du parc immobilier local, et font l'objet de conflits sans nombre entre les élus locaux et ce qui reste de l'entreprise minière. La rénovation et la réorganisation des anciennes agglomérations du Pays Noir vont continuer, dans les années qui suivent, à faire à la fois conflit et débat : faut-il conserver, ou non, la trame urbaine minière ? Faut-il détruire les cités ou au contraire les requalifier ? Pour quelles populations ? Qui doit en supporter le coût ? Quel degré de continuité conserver avec l'héritage minier (par exemple sur le plan de l'architecture) ? Il y a là autant d'enjeux qui courent au moins jusqu'aux années 2000, et, pour certains, perdurent encore aujourd'hui.

(1)Voir en particulier les travaux du géographe Guy Baudelle, et par exemple l'article où il résume certains des aspects de sa thèse : Guy Baudelle, "Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais après le charbon : la difficile gestion de l'héritage spatial", Hommes et terres du Nord, 1994-1, p. 3-12

Marion Fontaine

Transcription

Marc Drouet
Bruay-en-Artois, ici l’extraction minière a débuté en 1855. Sur Bruay et ses environs, on a compté jusqu’à sept sièges et dix-neuf puits de mine. Côté immobilier et infrastructure, c’est peu dire que les houillères et auparavant la compagnie des mines ont fortement marqué le paysage. Elles l’ont d’autant plus marqué jusqu’à aujourd’hui que les destructions de la guerre 14-18 ont été pratiquement nulles dans le secteur ; le front étant en plus loin sur le canal près de Béthune. Les souvenirs, pour ne pas dire les vestiges, ne maquent pas. Depuis la maison du directeur de la Compagnie des mines aux cités et corons, en passant par le siège numéro 6, le dernier fermait par ici en 1979. Sur Bruay, jusqu’à 83 % des logements ont appartenu aux Houillères. Aujourd’hui, ce pourcentage est tombé à 70 %, ce qui n’est pas si mal. Les églises Houillères ont été rétrocédées à l’évêché. La voirie Houillères passe peu à peu aux communes. Bref, le paysage change, comme ici sur le site de la fosse numéro 1.
Marcel Wacheux
Nous avons donc voulu, par cette opération, d’abord faire disparaître à la fois une friche industrielle et également une friche qui existait par la disparition de logements ; car il y a des cités minières, des corons, des gens qui avaient été abattus à cause de problème d’affaissement minier. Nous avons voulu également ici refaire un centre-ville, si je puis dire, dynamique et relier notre commune. Car je vous l'ai indiqué tout à l’heure, Bruay était plus un rassemblement de cités minières qu’une véritable ville. Un puits de mine, une cité, un autre puits de mine autre part, tout ça se rejoint mais sans urbanisme véritable. Et dans cette opération, il y a la part justement d’urbanisme pour l’ensemble de Bruay.
Marc Drouet
Vous n’avez pas beaucoup réhabilité, en fait, vous avez quand même cassé beaucoup de choses qui étaient devenues insalubres.
Marcel Wacheux
Sur ce secteur ici, oui. C’est l’un des choix qui a été fait, ce choix a été justement de reprendre, de restructurer, de retracer même un réseau totalement différent de voies. Si on va un peu plus loin, on a par contre une partie de logements qui étaient encore valables et qui ont été rénovés.
Marc Drouet
Effectivement, si beaucoup de vieilles maisons ont été détruites pour laisser place aux nouveaux quartiers des provinces ; plus loin, on rénove, on agrandit les maisons des mineurs. Bref, Bruay aurait pu constituer un bel exemple de réhabilitation de site après destruction de friches industrielles dans ce colloque du conseil de l’Europe ; où il a également été question de nouvelle jeunesse pour le centre des villes nées de la première révolution industrielle. Il y a beaucoup d’expériences qui ont été présentées, puis des diaporamas. On a l’impression qu’en matière de réaménagement des villes industrielles, je ne sais pas, des pays comme les Pays-Bas ou la Suède font peut-être un peu mieux que la France.
Umberto Battist
Peut-être qu’ayant une démarche plus pragmatique et aussi des pays peut-être moins diversifiés que ne l’est la France. Ils ont pris quelques avances dans des procédures de réhabilitation de reconquête des villes. Mais ce qui apparaît à l’évidence, c’est que dans aucune de ces régions et dans aucun de ces pays ; les moyens mis en œuvre ne sont à la hauteur des défis auxquels sont confrontées les villes dans une situation économique très dégradée. Ce qu’un siècle a fait d’un territoire, je crois qu’il ne suffira pas d’une génération pour le remodeler. C’est un des drames auxquels nous sommes confrontés.