La Première Guerre mondiale et la reconstruction dans le Bassin minier
Notice
Après une évocation à base d'archives des années précédant les destructions de la Première Guerre mondiale dans les mines du Nord-Pas-de-Calais, Augustin Viseux raconte comment il a commencé à travailler à cette époque à la fosse 9 de Lens. Le bassin minier est alors en grande partie détruit, et il faudra sept ans pour sa reconstruction.
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Éclairage
Champ de bataille dès l'automne 1914, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais n'était plus qu'un champ de ruines à l'automne 1918. L'artillerie, surtout celle des Anglais, a rasé puits et cités. L'occupant a procédé à une dévastation systématique, déporté la population, démonté ce qui pouvait être envoyé en Allemagne, fait sauter les plus beaux puits du Pas-de-Calais par peur de communications souterraines avec les lignes anglaises, s'est acharné sur ceux du Nord lors de sa retraite. A la fin des hostilités, la moitié des logements ouvriers sont détruits , les chevalements sont engloutis dans des entonnoirs de trente mètres de diamètres, il n'y a plus de voies de chemin de fer et l'eau a envahi les travaux.
Or la France a besoin de charbon. L'ouest du bassin, autour de Bruay, jamais occupé, est épuisé par l'effort fourni. Vient le temps de la reconstruction. Elle s'effectue avec une rapidité surprenante, au vu de l'ampleur des destructions. C'est une œuvre collective, menée dans une sorte de ferveur qui prolonge l'union sacrée, par une population qui déploie une énergie formidable à relever les ruines et par des dirigeants politiques et industriels dévoués corps et âme à la mine. Ainsi, le plus prestigieux d'entre eux sans doute, Élie Reumaux, agent général des mines de Lens depuis 1898 était resté dans sa ville aussi longtemps qu'il l'avait pu, assistant au dynamitage du puits qui portait son nom. Évacué vers la Belgique, il rentra en France par la Suisse et en profita pour y commander au passage les pompes qui permettraient de dénoyer au plus vite les mines de Lens. Ce dénoyage n'est terminé qu'en 1927, mais deux ans auparavant, le Bassin a retrouvé son niveau de production de 1913.
Et cette reconstruction ne se fait pas à l'identique. Les machines neuves sont plus puissantes, d'audacieux chevalements métalliques, les "belles de fer" proclament la fierté du bassin. Les installations annexes, limitées avant la guerre, se multiplient : les compagnies développent la production de coke, valorisent les dérivés de la houille et du goudron, construisent des centrales thermiques et de vastes usines carbochimiques. Le progrès se manifeste aussi dans l'urbanisme. Les corons détruits font place, surtout dans le Pas-de-Calais, aux cités pavillonnaires qui donnent au bassin sa physionomie définitive. Près de 80 000 logements, soit 30 000 de plus qu'avant la guerre, abritent désormais la majorité des mineurs.
En faisant table rase du passé, la guerre a permis à la mine de renaître plus forte. Un dynamisme nouveau s'empare de l'industrie, un sang neuf vient l'irriguer : à côté des vielles familles qui poursuivent la tradition minière, les immigrants polonais, de la Ruhr ou de campagnes lointaines, lui donnent un autre visage.