La Vendée, fief historique de la droite française
Présentation
Parmi tous les départements qui possèdent de solides traditions politiques de droite, la Vendée se distingue par la permanence et l’ampleur des succès électoraux remportés par ce courant dès l’avènement du suffrage universel (masculin) au milieu du XIXe siècle ainsi que par l’héritage historique qui en est le fondement. C’est cette spécificité qu’il faut évoquer brièvement dans ce parcours.
D’impressionnants succès électoraux
Commençons par rappeler que, sous la Ve République, Charles de Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d‘Estaing y ont obtenu quelques-uns de leurs meilleurs scores nationaux ainsi que des bains de foule particulièrement réussis. Si Jacques Chirac (en 1995) et Nicolas Sarkozy (en 2007), cédèrent du terrain au premier tour des élections présidentielles, ce fut au profit d’un candidat plus à droite qu’eux : Philippe de Villiers.
Valéry Giscard d'Estaing à La Rabatelière
Soulignons enfin que, depuis 1958, les partis de droite ont réalisé le grand chelem à neuf élections législatives sur douze, les trois exceptions(1981, 1988 et 2012) correspondant à l’élection d’un président de gauche ; leur plus mauvais résultat, celui de 2012, leur donnait encore trois députés sur cinq.
L’hégémonie dans les élections locales est également frappante. Les présidents du Conseil général ont toujours été des hommes de droite. Lorsque, en 1982, la loi Deferre élargit considérablement leurs compétences, Michel Crucis (1970-1988), Philippe de Villiers (1988-2010), puis Bruno Retailleau (2010-2015) deviennent les véritables « patrons » du département, disposant de majorités de droite et du centre, souvent écrasantes. Ainsi en 2015, 32 conseillers départementaux sur 34 ont-ils voté en faveur de Bruno Retailleau.
Election du président du conseil général de Vendée
Election du nouveau président du conseil général de la Vendée
La grande majorité des villes se sont donné également des maires de droite ou du centre ; parfois, mais parfois seulement, avec quelques interruptions au profit d’une gauche modérée. Enfin, en 2016, sur les 29 présidents des intercommunalités à fiscalité propre, un seul, André Ricolleau, maire depuis 1989 de Saint-Jean-de–Monts, est classé Divers Gauche.
La grande exception a été longtemps constituée par la ville chef-lieu : La Roche-sur-Yon, qui, pendant trente sept ans, jusqu’à 2014, a eu un maire socialiste, Jacques Auxiette, à qui Pierre Regnault a succédé brièvement.
L’ancrage mémoriel : la guerre de Vendée
Cette orientation s’enracine dans une histoire particulière. L’insurrection vendéenne de 1793 et la sévère répression qui s’est ensuivie ont marqué les mémoires et créé des clivages durables repérables jusque dans la vie quotidienne, comme le montre la longue querelle autour des écoles publiques et religieuses.
Le refuge de Grasla
Les traditions de mobilisation ont façonné les sociétés du Bocage (notamment le Haut Bocage, c’est-à-dire l’arrondissement des Herbiers, proche des Mauges angevines) mais aussi du Marais breton. Ces engagements que la guerre de Vendée a cristallisés autour de la défense du catholicisme et de l’identité régionale prenaient eux-mêmes la suite des forts conflits pendant les guerres de religion et tout le XVIIe siècle.
La bataille de Riez contre les Huguenots
Enfin l’emprise de l’Etat et sa volonté de contrôle a culminé avec la création de la ville nouvelle de La Roche-sur-Yon, décidée par Napoléon, expliquant qu’une tradition bonapartiste existe dans le sud du département.
Pourquoi une statue de Napoléon à La Roche-sur-Yon ?
Ainsi les oppositions entre royalistes et républicains, ou républicains et bonapartistes catholiques et laïcs, ou catholiques et protestants, n’ont-elles pas cessé de mobiliser les populations autour de leaders locaux et nationaux.
Réconciliation nationale et affirmation du souvenir
C’est cependant le souvenir des guerres de Vendée qui a prévalu sur tous les autres. L’ampleur de la dévastation, mais aussi les enjeux politiques et religieux de la guerre de Vendée expliquent que le département se soit, comme ses voisins, recomposé autour de cet épisode. Celui-ci n’a pas cessé d’être ravivé au gré des grands événements nationaux, notamment lors de l’installation de la IIIe République, moment qui a suscité nombre de mémoriaux.
Les Lucs-sur-Boulogne
Au XXe siècle, après les deux guerres mondiales qui ont démontré que l’unité, incarnée notamment par les deux grandes figures de Clemenceau et de De Lattre de Tassigny, prévalait entre la Vendée et la France, le rappel de la guerre de Vendée a été particulièrement vigoureux. Il a été porté dans les années 1980 par le succès de la Cinéscénie du Puy du Fou ainsi que par de nombreuses édifications de mémoriaux et de grandes manifestations. La plus significative a été indiscutablement l’allocution prononcée par Soljenitsyne en 1993, illustrant la diffusion internationale de l’histoire de la Vendée.
La cinescenie du Puy du Fou
Alexandre Soljenitsyne en Vendée
Sur cette image de la Vendée, se sont greffées depuis d’autres évocations plus anecdotiques, mais qui participent de l’entretien de son identité historique.
Une droite originale
Reste à savoir de quelle droite il s’agit. La distinction classique proposée par l’historien René Rémond dans les années 1950 entre droites légitimiste, bonapartiste et orléaniste conserve ici une pertinence limitée. On ne voit guère qui peut incarner l’orléanisme, cette droite monarchiste libérale.
En revanche, la droite légitimiste a gardé tout son dynamisme. Elle se caractérisait par l’attachement à la monarchie et à l’Eglise ainsi que par son conservatisme social qui privilégiait avant tout le maintien des traditions religieuses. Dans la Vendée, elle avait aussi suscité un dynamisme industriel, précisément en mobilisant les habitudes collectives de défense, ce qui a donné naissance à la nébuleuse de petites et moyennes entreprises qui font toujours vivre le Haut-Bocage et maintenant tout le centre du département. Le « villiérisme » se rattache à cette sensibilité par son attachement à la défense de « l’héritage chrétien de la France » et son hostilité à toute forme de « collectivisme ».
Philippe de Villiers réélu député
Reclassements et innovations à droite
Le bonapartisme décrit par René Rémond n’a plus de réelle postérité, depuis la fin du XIXe siècle et l’élection des derniers députés se rattachant à ce courant. Sans doute ici, comme ailleurs en France, l’irruption sur la scène politique d’une personnalité d’exception, comme le fut de Gaulle en 1958, a rallié massivement les suffrages, brouillant provisoirement le clivage droite/gauche. Le voyage du général en Vendée avait montré cette rencontre entre des traditions différentes, tandis que l’élection de Valéry Giscard d’Estaing renouait les liens entre la République du centre et la Vendée catholique.
Voyage du général de Gaulle en Vendée
Cette élection de 1974 faisait écho au bref intermède MRP (Mouvement Républicain Populaire) qui, sous la IVe République, avait rallié beaucoup de catholiques. Dès le début de la Ve République, ce mouvement se fondra dans ce qui deviendra le Centre, sous diverses appellations dont la plus importante est l’UDF (Union pour la Démocratie Française).
A l’inverse, Philippe de Villiers illustre le cas d’un UDF (jusqu’à 1993) qui fonde son propre parti, le MPF (Mouvement pour la France), attirant à lui d’ex-gaullistes et centristes.
Création du Mouvement pour la France
À partir de 2010, cette dynamique s’est inversée, des personnalités, et non des moindres, quittant le MPF pour se présenter comme Divers Droite, avant d’adhérer ensuite à l’UMP devenu LR (Les Républicains).
Démission de Philippe de Villiers
Les fluctuations de la gauche
Si hégémonique qu’ait été la droite vendéenne depuis les débuts de la Ve République, la gauche a toujours pu maintenir quelques bastions cantonaux (dans le Marais et sur la côte) et municipaux dont le fleuron sera La Roche-sur-Yon contrôlée par le PS de 1977 à 2014.
Election municipale à La Roche-sur-Yon
À diverses reprises, lors des élections présidentielles de 1981 et 1988 et encore en 2012, comme à l’occasion des législatives de 1981 (Un député sur quatre), de 1988 (deux sur cinq) et en 2012 (deux encore), la gauche a engrangé des succès plus importants au point de faire rêver Jacques Auxiette, figure principale du PS en Vendée, à « la normalisation du département », c’est-à-dire l’avènement d’un équilibre droite/gauche semblable à la moyenne nationale.
Poussée de la gauche en Vendée
Mais les élections ultérieures - régionales, départementales et municipales - ont amorcé une décrue spectaculaire (notamment la perte de La Roche-sur-Yon). La vulnérabilité du PS sur le plan électoral est d’ailleurs accrue par la faiblesse permanente de ses alliés virtuels : écologistes et surtout communistes.
Fête du PC en Vendée
Des évolutions récentes
La seconde moitié du XXe siècle a vu la vie politique vendéenne s’unifier autour de son identité historique la plus connue en même temps qu’elle affrontait les défis multiples de la modernité : reconversion agricole, crise de la pêche, mutations industrielles et développement urbain et touristique.
Le paysage lui-même a été modifié pour tenir compte des nouvelles liaisons routières et ferroviaires. L’évolution est perceptible au cœur des familles, même quand elles gardent leurs propres traditions. Le personnel politique a radicalement changé depuis les années 1950 si bien qu’au début du XXIe siècle, le renouvellement de la classe politique a été effectué, en même temps que de nouvelles perspectives et de nouveaux enjeux concernent désormais le département.
Ce panorama historique aura fait le point sur une époque, alors que nous entrons sans doute dans un autre monde.