Douarnenez autrefois
Notice
Extrait de "Marin pêcheur à Douarnenez" de Raoul Girardet et Luc Favory. Le passé de Douarnenez raconté par ses habitants, journaliste, écrivain, marins et femmes de marins.
Éclairage
Les changements qui caractérisent les années 70 imposent à la cité sardinière de Douanenez un retour sur le destin de ses femmes, femmes des usines et femmes des marins.
Les usines de conserverie de sardines se sont installées à Douarnenez dès le milieu du XIXème siècle. La plus ancienne, Chancerelle, fut fondée en 1853. C'est alors que débute une intense vie industrielle dans les conserveries, qui connait son apogée vers 1880. Une vingtaine d'usines voient le jour sur le port de Douarnenez. Cette activité en fait la capitale européenne de la conserverie de poisson. Embauchant des milliers d'ouvriers, les conserveries se nourrissent non seulement d'une immigration rurale mais aussi du travail des femmes. C'est dès 12 ans que les filles de Douarnenez débutent dans les conserveries, et travaillent la sardine sous le regard des contremaîtresses.
On peut attribuer un rôle de pionnier à la cité sardinière dans l'émergence de la participation active des femmes dans la vie démocratique. La grande épopée des conserveries fut en effet marquée par l'action collective féminine. Dès 1905, une crise sardinière déclenche le premier mouvement social ouvrier de Douarnenez. Demandant d'être payées à l'heure, les ouvrières se soulèvent pour obtenir la conquête d'une dignité. Tandis que le socialisme demeure marginal en Bretagne dans les années 20, le grand port ouvrier de Douarnenez devient une ville communiste dès 1921, avec l'élection de Sébastien Velly, premier maire communiste de France. Il sera remplacé en 1924 par Daniel Le Flanchec, maire jusqu'à 1940.
C'est en novembre 1924 que la révolte et les espérances des Penn Sardines bénéficient à nouveau d'un retentissement national. Symbole de tradition, la coiffe des femmes, portée pour maintenir bien tiré les cheveux des ouvrières dans le respect des normes d'hygiène des usines, devient l'emblème des luttes sociales. Le mouvement des Penn Sardines nait de la volonté d'apporter une amélioration aux conditions de vie des ouvrières, avec l'obtention du salaire à un franc par jour. Les ouvrières de l'usine Carnaud déclenchent la grève, bientôt rejointes par l'ensemble des conserveries de la ville et soutenues par le maire communiste Daniel Le Flanchec. Les manifestations dans les rues de Douarnenez font face à un patronat intransigeant qui ne cède sous la pression que début janvier 1925. Parmi les diverses répercussions attribuées au mouvement social, on peut retenir l'élection de Joséphine Pencalet (1886-1972) au conseil municipal auprès de Daniel Le Flanchec en 1925. La responsable syndicale fut l'une des dix premières femmes élues en France. Dépourvues de droit de vote, les femmes ne pouvaient pas encore être élues à cette époque, Joséphine Pencalet n'exerça donc jamais ses fonctions.
À cette époque, Douarnenez n'est pas uniquement un centre industriel, c'est aussi un important port de pêche. On compte 5000 marins à Douarnenez au début du XXème siècle, pour faire face aux besoins des conserveries. Ce sont 5 000 tonnes de sardines que l'on voit débarquer dans le port dans une année normale à la fin du XIXème siècle. La pêche connaît de fortes variations au cours du XXème siècle et les crises sardinières imposent la diversification de l'activité avec le développement de la pêche au maquereau, à la palangre, mais surtout la pêche hauturière. En 1938, Douarnenez est devenu le troisième port thonier de France, ce qui marquera pour longtemps la ville de la culture des marins-pêcheurs. C'est par exemple l'importance du matriarcat qui apparaît à travers la partition traditionnelle des rôles féminin et masculin de ces foyers de marins-pêcheurs.
Toutefois, à partir des années 30, les usines ferment tour à tour leurs portes. Le déclin progressif de l'activité industrielle au cours du XXème siècle ne permet qu'à trois d'entre elles de se maintenir. L'activité se montre vieillissante et en 1962, près de 40% des femmes d'usine ont plus de 55 ans. De nos jours, 800 salariés assurent encore le maintien de l'activité des conserveries, désormais déconnectée du port de Douarnenez, le poisson provenant uniquement de l'étranger. Fière de ce parcours social et industriel, Douarnenez se présente aujourd'hui comme la capitale du patrimoine maritime breton.
Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2
Bibliographie :
LEBOULANGER, Jean-Michel, Douarnenez, histoire d'une ville, Plomelin, éditions Palantines, 2002.