La BNU de Strasbourg, française, allemande, universelle et moderne
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A l’occasion de l’ouverture de l’exposition Impressions d’Europe. Trésors de la BNUS entre France et Allemagne à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg en novembre 2003, le reportage revient sur le contexte de naissance, tout particulier, de la bibliothèque, et les collections exceptionnelles qu’elle abrite.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
25 oct. 2003
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Contexte historique
ParProfesseur agrégée d’histoire-géographie au Gymnase Jean Sturm à Strasbourg
En 1870, la guerre franco-prussienne éclate et le bombardement de la ville dans la nuit du 24 août 1870 par les Prussiens vient ravager la Bibliothèque municipale située dans le Temple Neuf, à l’emplacement de l’ancienne église des Dominicains. Cette destruction, totale et irréversible, de biens culturels majeurs engendre un véritable traumatisme pour les Alsaciens et au-delà. Il est urgent de réparer car, pour les Allemands, les enjeux sont grands : en reconstruisant la bibliothèque il s’agit à la fois de remplir un devoir moral et de ne pas s’aliéner l’opinion publique strasbourgeoise. En effet dans le cadre de l’annexion de l’Alsace au Reich, entérinée par le traité de Francfort de 1871, il est important de convaincre les Strasbourgeois que la souveraineté des Allemands est plus souhaitable que celle des Français. C’est dans ce contexte que Karl August Barack, bibliothécaire des princes de Fürstenberg et futur directeur de la bibliothèque, lance un large appel aux dons de livres pour peupler une nouvelle bibliothèque, la Kaiserliche Universitäts und Landesbibliothek, ancêtre de la BNU actuelle.
Les collections ainsi rassemblées (plus de 200 000 ouvrages en quelques mois) se retrouvent dès lors hébergées à partir de 1871 au Palais Rohan. Or le lieu s’avère exigu et peu adapté aux usages. Un nouvel espace doit être envisagé, mais lequel ? Certains veulent conserver l’implantation au palais. D’autres proposent l’ancienne gare française. Mais ces idées, jugées très françaises, sont peu conformes aux attentes allemandes et on leur préfère la Kaiserplatz, place impériale achevée en 1887 à la jonction du cœur historique et de la Neustadt, la ville nouvelle voulue par le pouvoir en place. Plusieurs architectes travaillent sur le projet dont Hartel et Neckelmann qui avaient déjà en 1886 remporté de concours pour le Landesausschuss ou parlement du Reichsland (aujourd’hui le TNS). Pour intégrer le bâtiment, ils prennent d’ailleurs en compte le style Renaissance déjà choisi pour le Palais de l’Empereur (actuel Palais du Rhin) alors en construction, conjuguant ainsi monumentalité et éclectisme en vogue à l’époque. Par contre, le plan et les volumes intérieurs s’avèrent plus novateurs.
Sous l’Ancien Régime, les bibliothèques étaient essentiellement des bibliothèques de cour ou de monastère. Les premières bibliothèques nationales publiques apparaissent à la fin XVIIIe s. voire au XIXe s. en France, ainsi que les premières bibliothèques municipales nées de la transformation de bâtiments ou édifiées à part entière. Deux bibliothèques étaient alors perçues comme des modèles : celle de Grenoble et Sainte-Geneviève à Paris. Ce sont en général des bibliothèques-salles comme celle de Roubaix. Or celle de Strasbourg devait comporter des magasins, un type qui se développe dans la deuxième moitié du XIXe s. Par conséquent les architectes proposent un plan compact qui implique une forte centralisation du bâtiment. C’est à Londres qu’il faut chercher un parallèle et le modèle le plus probant avec la bibliothèque du British Museum. La distribution en salles de travail thématiques s’inspire, quant à elle, des conceptions développées par le bibliothécaire américain W. F. Poole. L’exploitation des niveaux de stockage, qui repose sur un ensemble de rayonnages (dont on peut régler la hauteur grâce à des crans) conçu et réalisé à Strasbourg par Robert Lipman, se signale par son efficacité et sa grande rationalité : d’ailleurs ce système, particulièrement adapté se diffusera ensuite dans une bonne partie de l’Empire allemand.
La bibliothèque, qui ouvre ses portes en 1895 avec 600 000 ouvrages, tient ainsi toutes ses promesses jusqu’en 1950 quand un premier réaménagement permet l’extension des magasins désormais saturés et modernise les méthodes de rangements. Mais la véritable mue intervient en 2016 avec des capacités de stockage et d’accueil considérablement accrues et une accessibilité numérique totale et ce, dans le respect du classement « monument historique » de 2004.
Éclairage média
ParProfesseur agrégée d’histoire-géographie au Gymnase Jean Sturm à Strasbourg
Après un retour en arrière sur les conséquences tragiques du siège de 1870 (300 000 volumes ont brûlé en une nuit…) la vidéo retrace le projet architectural et ses caractéristiques en s’appuyant sur diverses archives : une élévation de la façade et un plan du rez-de-chaussée signés Olivier Pavelt, datés de juillet 1881 et qui constituent l’avant-projet, dont les architectes Hartel et Neckelmann ont repris la centralité et la coupole.
Des photographies anciennes viennent élargir le point de vue et situer l’édifice parmi les autres bâtiments construits au temps du Reichsland et qui jouxtent la bibliothèque. Tous s’articulent autour de la Kaiserplatz (aujourd’hui la place de la République) centrée sur la statue équestre en bronze de Guillaume Ier abattue en 1918 et dont la tête, le seul vestige, est aujourd’hui exposée au Musée historique de Strasbourg. Une des photographies met bien en valeur cet axe impérial qui reliait la place où siège le Palais de l’Empereur (actuel Palais du Rhin) au Palais universitaire et ainsi associait le pouvoir et le savoir. D’autres clichés plus rares et très intéressants de l’intérieur de la bibliothèque illustrent le caractère imposant de l’édifice et des volumes intérieurs qui se développent autour d’une salle de lecture centrale sous une coupole et sur laquelle ouvrent les magasins à plusieurs niveaux avec les fameuses étagères Lipman.
Le reportage part ensuite débusquer les trésors cachés de la bibliothèque et destinés à être présentés au public dans le cadre de l’exposition Impressions d’Europe. Trésors de la BNUS entre France et Allemagne. Il s’attarde d’abord sur les papyrus (la deuxième collection en France derrière celle du Louvre) dont un certain nombre en grec ont été ramenés d’Egypte à la demande des professeurs pour enseigner, ce qui vient rappeler la vocation universitaire de la bibliothèque. La bibliothèque recèle aussi de nombreuses cartes anciennes dont une datée de fin 1750 et visant à cartographier le cours du Rhin et à restituer le paysage environnant. Elle rassemble également, de par son origine, de nombreuses revues en allemand comme Simplicissimus ainsi que des affiches en allemand de la Première Guerre mondiale. Cependant le fonds ne se limite pas à sa vocation régionale, au monde germanique et à l’espace français : son ambition demeure universaliste avec, parmi les manuscrits les plus précieux, un exemplaire enluminé de La Cité de Dieu de Saint Augustin et datant du XVe s.
Enfin le reportage souligne le fonctionnement, alors moderne, de la bibliothèque. C’est d’ailleurs la partie obsolète de la vidéo (les catalogues des collections étaient encore sur support cartonné dans des meubles à tiroir en bois…) qui date, rappelons-le, de 2003. Par contre on s’interrogeait déjà sur l’avenir de la bibliothèque aux locaux vétustes et trop exiguë, incapable d’accueillir un public étudiant, toujours plus nombreux, à l’heure de la massification de l’enseignement supérieur et de la révolution numérique. Il a même été question de déménager les collections ou d’en délocaliser une partie. Finalement, dans le cadre du contrat triennal Strasbourg ville européenne de 2003-2005, 17 millions d’euros ont été alloués à la rénovation. Cette contribution financière de l’Etat et des collectivités partenaires (région, département et municipalité) est là pour favoriser le rayonnement européen de Strasbourg. Or les travaux, qu’il était prévu de débuter en 2005 n’ont commencé qu’en 2010 pour s’achever en 2016... Mais c’est une autre histoire.
Transcription
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