"Emile Gallé et l'affaire Dreyfus", un exposition en 2006 au musée de l'École de Nancy
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En 2006, cent ans après la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, l'exposition "Emile Gallé et l'affaire Dreyfus", au musée de l'Ecole de Nancy, restitue l'engagement de l'artiste en faveur de Dreyfus.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
20 oct. 2006
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ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
En 2006, cent ans après la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, l'exposition "Emile Gallé et l'affaire Dreyfus", au musée de l'Ecole de Nancy, restitue l'engagement de l'artiste en faveur de Dreyfus. A partir de 1898, la France se divise autour du sort d’Alfred Dreyfus, officier alsacien juif. Accusé à tort d’espionnage au profit de l’Allemagne, dans le contexte d’une France revancharde et nationaliste après la défaite de 1870-1871, le capitaine est dégradé publiquement et condamné au bagne en 1894 par un tribunal militaire. En 1898, de plus en plus de Français sont convaincus que Dreyfus est innocent mais que l’armée cache la vérité et ne souhaite pas réviser son jugement. Avec la tribune de Zola “J’accuse” dans L’Aurore en janvier, la demande de justice et les droits de l’homme sont solennellement affirmés. Cette cause est relayée à Nancy par plusieurs artistes dont Emile Gallé (1846-1904), verrier et ébéniste qui a acquis une grande notoriété par ses œuvres, notamment lors de l’exposition universelle de 1889.
Nancy est depuis 1871 une ville-frontière, marquée par le sort des “provinces perdues” dont elle a accueilli les habitants désirant rester français. L’essor de la ville, dont la population double en trente ans, est alors considérable, stimulé par l’arrivée d’une partie importante des élites économiques alsaciennes et mosellanes et par la présence de nombreux militaires. Si la famille d’Emile Gallé est nancéienne, de nombreux membres de la future « école de Nancy » (groupe d’artistes s’inscrivant dans le style art nouveau et déclarant s’inspirer de la nature, officiellement structuré en 1901 avec Gallé comme président) sont issus de ce vivier (les frères Daum, Grüber). La femme de Gallé, Henriette Grimm, est elle-même d’origine alsacienne.
En même temps qu’une grande prospérité, cet afflux contribue à engendrer une atmosphère pleine d’un nationalisme soupçonneux qui va faire de la ville un lieu d’affirmation des oppositions à la République (mouvement autoritaire et antiparlementaire autour de Boulanger) et un des bastions de l’antisémitisme. Ce tropisme est illustré par la figure de l’écrivain lorrain Maurice Barrès, ami de Gallé avant l’Affaire. Nancy est donc majoritairement antisémite et antidreyfusarde comme le démontrent tous les jours la plupart des quotidiens de la ville. En janvier 1898, de violentes manifestations antisémites ont lieu dans la ville comme à Lunéville.
Issu d’une famille protestante, Gallé est très sensible au sort des minorités et développe une œuvre engagée. Par la famille de sa femme, il est en contact avec plusieurs dreyfusards de la première heure comme Charles Keller (ingénieur et ancien communard) et le plus connu Scheurer-Kestner, Alsacien et vice-président du Sénat.
Gallé est un véritable « intellectuel » dans le sens qui émerge alors avec Zola. Il appuie sa prise de position sur sa notoriété et met son art au service d’une cause. Il est donc bien un « homme du culturel mis en situation d’homme du politique » (Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France. De l'Affaire Dreyfus à nos jours, 1986).
Les modalités de son intervention sont multiples. Gallé signe de nombreuses pétitions en faveur de la révision du premier procès qui a condamné Dreyfus en 1894 et pour Picquart, écarté par l’armée pour avoir identifié le vrai coupable. Il participe activement au débat au travers de la presse locale. Tout au long de l’Affaire, il entretient une correspondance abondante avec les grandes figures du dreyfusisme (Louis Havet, Joseph Reinach, Auguste Scheurer-Kestner, Émile Zola et Alfred Dreyfus lui-même). Il y exprime son sentiment d’injustice après que le second procès à Rennes en 1899 a de nouveau abouti à la condamnation de Dreyfus, « le plus grand martyr du siècle '' et son « frère en humanité ». Dans la presse, il polémique et ferraille avec ses critiques, souscrit à des monuments en faveur des dreyfusards. Dans ses lettres comme dans ses œuvres, il met constamment en opposition les ténèbres du mensonge et de la calomnie et la lumière de la vérité. Vases et meubles de cette période viennent appuyer son combat. Mettant en regard motifs et citations, il fait de ses œuvres des manifestes en faveur de la justice et de la vérité. Participant à l’exposition universelle de 1900, il y installe un four, orné d’objets, qui constitue une véritable tribune en faveur de Dreyfus, gracié par le président de la République en 1899 mais toujours officiellement condamné.
Enfin il participe en 1899 à la création de la section nancéienne de la Ligue des Droits de l’homme dont il est le trésorier et Charles Keller le président. Les dreyfusards nancéiens prolongent leur engagement par la création de l’Université populaire, abritée dans la Maison du peuple que Charles Keller a faite construire et décorer par Louis Vallin et Victor Prouvé. Gallé, mort en 1904 d’une leucémie, ne verra pas la réhabilitation de Dreyfus en 1906.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le reportage du journal télévisé régional rend compte de l’exposition « Emile Gallé et l’Affaire Dreyfus », organisée en 2006 au Musée de l’Ecole de Nancy, à l’occasion du centenaire de la réhabilitation du Capitaine Dreyfus qui clôt l’Affaire. Son commissaire, François Parmantier, est interrogé par le journaliste Laurent Parisot sur l’attitude d’Emile Gallé pendant l’Affaire. Ses réponses donnent un aperçu des différentes formes de l’engagement dreyfusard du verrier-ébéniste nancéien.
Outre les propos de M. Parmentier, les œuvres filmées et aperçues brièvement peuvent faire l’objet d’une étude plus approfondie. La plupart d’entre elles sont conservées au Musée de l’Ecole de Nancy. En lien avec l’histoire des arts (étude du courant de l’Art nouveau au travers de l’exemple nancéien), elles permettent de montrer l’antisémitisme, le nationalisme et l’opposition à la République, au cœur de l’Affaire, notions importantes abordées dans les programmes d’histoire.
Le vase Calice Le Figuier, réalisé en 1898, ouvre le reportage. Il porte une inscription empruntée aux Contemplations de Victor Hugo (1854) : « Car tous les hommes sont les fils d’un même père/Ils sont la même larme et sortent du même œil. » C’est une manière pour Gallé de mettre en avant la commune humanité des Juifs et des non-Juifs. On retrouve cette idée dans une lettre de Gallé à Louis Havet, dans laquelle il se dit « frère en humanité d’un malheureux innocent ». Le terme de calice fait ici référence au Christ mais peut aussi servir à évoquer le martyre vécu par Dreyfus. Une manière d’inciter les chrétiens à lutter contre l’antisémitisme alors que celui-ci est commun à de nombreux catholiques dans cette Lorraine « barrésienne » qui « boude » Gallé.
Une des œuvres les plus ouvertement dreyfusistes montrée ici a été réalisée avec Victor Prouvé qui en a dessiné le projet. Il s’agit du vase Hommes Noirs, créé en 1900. Il porte l’inscription « Hommes noirs d’où sortez-vous ? - Nous sortons de dessous terre » inspirée de Pierre-Jean Béranger (Les Révérends Pères, 1819). Le vase oppose l’encre noire de la ciguë, représentant la calomnie et le mensonge, au lys de l’innocence et de la vérité. Gallé insiste dans ses œuvres sur la lumière, ou son absence, pour mieux dénoncer l’obscurantisme et le mensonge, « l’encre de la calomnie » de la presse antidreyfusarde.
Sur le rôle de la presse dans l’Affaire (qui constitue dans le programme de spécialité de première un jalon dans le thème « S’informer ») et la participation de Gallé à ces luttes, on aperçoit une coupure de L’Est républicain qui évoque le désabonnement de Gallé. Une polémique a en effet opposé l’artiste au quotidien, fondé en 1889, à propos de l’Affaire Dreyfus. Elle a conduit Gallé à se désabonner en dénonçant l’antidreyfusisme et le renoncement aux valeurs républicaines du quotidien. F. Parmantier évoque également la disparition en 1900 du Progrès de l’Est, seul quotidien dreyfusard et « révisionniste » de Nancy. En janvier 1901, Gallé contribue à créer son successeur L’Etoile de l’Est dont il dessine la manchette.
Plusieurs autres « œuvres de combat » dreyfusardes sont visibles au cours du reportage. La Table à thé à double plateau-Sicus Hortus, meuble marqueté de 1898, porte un extrait de la Bible : « De même que le jardin fait germer la semence, ainsi Dieu fera germer la justice. Isaïe. ». La Table Sagittaire d’eau, réalisée pour l’exposition universelle de 1900, affirme que «La grâce est une arme au combat pour l’idée ». Le vase Heracleum- La Berce des prés ou L’angélique (Angelica Archangelica), en cristal au décor gravé et marqueté (, fabriqué en 1900, semble moins clairement inspiré par l’Affaire mais le document préparatoire affirme : « Aimer l’idée avec tous ses aspects ; puissance, vérité, liberté, paix, justice, innocence ». Enfin le vase Flambe d’eau, 1900, est orné d’un vers du poète belge Émile Verhaeren, gravé sur le pied : « La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice, et j’élève mon cœur aussi, mon cœur déchiré ».
Une grande partie de ces œuvres ornait le four, dont une image est visible en arrière-plan, que Gallé avait installé pour l’exposition universelle de 1900 à Paris. Véritable manifeste dreyfusard, son stand multipliait les messages à qui voulait les voir.
Transcription
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