Incitation au vote pour le référendum constitutionnel du 28 septembre 1958
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Documentaire présentant la situation institutionnelle avec la valse des gouvernements malgré la volonté réformatrice – jusque-là sans aboutissement – de nombreux hommes politiques alors aux affaires. Il incite les Français à se rendre aux urnes pour s’exprimer sur la question, et s’achève par un zoom sur le visage de La Marseillaise de François Rude (sur l’Arc de Triomphe) au son de l’hymne national.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
24 sept. 1958
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Le 28 septembre 1958, les Français sont appelés à se prononcer par référendum sur la question « Approuvez-vous la Constitution qui vous est proposée par le Gouvernement de la République ? ». Aboutissement du processus politique trouvant son origine dans la crise algérienne ouverte le 13 mai par le Coup d’État, ou putsch d’Alger, fomenté par le Groupe des Sept soutenu par une partie de l’armée, cette question demande aux Français s’ils veulent poursuivre l’aventure de la Quatrième République. Celle-ci est marquée par l’instabilité ministérielle, comme le souligne en incipit le documentaire en demandant au téléspectateur « comment la France aurait-elle pu peser de tout son poids sur les grandes décisions internationales alors qu’en douze ans vingt-quatre gouvernements se sont succédés à sa tête, avec une moyenne d’existence de six mois à peine », et sur le serpent de mer de la révision constitutionnelle.
Celle-ci est en passe de se produire, si les électeurs répondent affirmativement à la question posée par le chef du gouvernement. Il faut dire que le politicien Charles de Gaulle est depuis la fin du GPRF strictement opposé aux projets de Quatrième République tels qu’ils ont été proposés par les assemblées constituantes en 1946. Déjà, dans le discours prononcé à Bayeux le 16 juin 1946, Charles de Gaulle énonce son point de vue. Favorable au bicamérisme, il estime que « du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder, sous peine d’aboutir à cette confusion des pouvoirs dans laquelle le Gouvernement ne serait bientôt plus rien qu’un assemblage de délégations ». De ce parti pris politique naît un antagonisme avec l’assemblée constituante dominée par le MRP, la SFIO et le PCF. Les partis voudraient, par le système parlementaire, mettre sous tutelle l’exécutif comme sous la Troisième République ; or, de Gaulle, lui, veut un « chef de l’État, placé au-dessus des partis. » C’est là une forme de renversement des valeurs que ces partis ne sont pas prêts à opérer.
Jusqu’en juin 1958, les mêmes coalitions partidaires sont aux manettes et pour que le discours de Bayeux puisse être considéré comme un acte fondateur d’une Cinquième République, Charles de Gaulle doit avoir un blanc-seing pour agir. Pour cela, trois conditions minimales sont nécessaires : qu’il soit au pouvoir, qu’un texte constitutionnel soit rédigé puis que les Français approuvent par référendum – puisque les chambres ne peuvent se mettre d’accord – le projet de révision.
La première condition est validée quand René Coty fait appel à « l’homme providentiel » pour régler la crise algérienne engagée depuis le 13 mai et après la déclaration de Charles de Gaulle du 15 mai dans laquelle il annonce être prêt à assumer les plus hautes fonctions ministérielles et la conférence de presse du 19 mai dans laquelle il déclare « Moi seul, je peux sauver la France » mais qu’il ne le ferait pas « selon les rites habituels » tout en rassurant la presse et les Français en disant « pourquoi voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? ». Le 1er juin 1958, le vote de confiance est accordé (par 329 voix contre 224) au cabinet de Gaulle par l’Assemblée nationale. La seconde condition est confiée à Michel Debré à qui incombe la lourde tâche de rédiger le projet constitutionnel évoqué dans le documentaire. Pour obtenir la dernière condition, de Gaulle s’appuie sur Paul Reynaud, président du comité consultatif constitutionnel, un fin politicien dont il est très proche puisqu’il a été le premier à défendre ses idées au parlement dès 1935 (dans le débat autour de l’arme blindée et de sa professionnalisation).
Au soir du 28 septembre, le résultat est sans appel : la participation – objet principal du documentaire – est très importante : 80,63 % des Français se sont présentés dans les isoloirs, à peine 1 % a voté blanc ou nul tandis que 82,60 % ont glissé dans l’urne un bulletin portant la mention « OUI », soit plus de 31 millions de Français.
Éclairage média
Par
Neutre a priori, même s’il souligne d’entrée les faiblesses constitutionnelles et la diversité des prises de position politiques en faveur du changement constitutionnel, ce documentaire est diffusé le 24 septembre 1958, soit quatre jours avant la date du référendum évoqué. Il incite, en effet, les Français à se rendre aux urnes pour décider s’il faut oui ou non changer de Constitution mais aussi pour qu’aucun citoyen ou aucune faction politique ne puisse crier au coup d’État, fusse-t-il démocratique.
En réalité, il ne faut pas oublier que la RTF (Radiodiffusion-télévision française) est dénuée d’autonomie propre et est une société nationale, avant de devenir EPIC – établissement public à caractère industriel et commercial – en février 1959. Cela signifie que l’État est le seul actionnaire, le seul décideur selon les prescriptions de l’ordonnance de 1945 sur le monopole d’État sur les ondes nationales (alors sous le nom de RDF – radiodiffusion française) et la loi du 7 novembre 1942, qui régissent cet établissement public particulier et sensible. La RTF est alors directement contrôlée par le ministre chargé de l’Information ; celui-ci est au moment de la réalisation et de la diffusion du documentaire, Jacques Soustelle, en poste depuis le 8 juillet 1958, nommé par René Coty (président de la République) sur la proposition de Charles de Gaulle (président du Conseil) comme le veut la constitution de 1946.
Jacques Soustelle est un proche de Charles de Gaulle mais bien plus que cela : c’est un Français libre de la première heure (aux côtés du général de Gaulle dès août 1940), il participe au Comité national français – qui tient lieu de gouvernement de la France Libre – et est en charge du Commissariat national à l’information en 1942-1943, il est par la suite ministre de l’Information dans le cadre du gouvernement provisoire de la République française de mai à novembre 1945, mais surtout il est secrétaire général du RPF (Rassemblement du Peuple Français – le parti politique fondé par Charles de Gaulle en 1947) de 1947 à 1951 et à ce titre il est la tête de proue du parti gaulliste.
Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’après les affiches très neutres appelant au vote des Français au référendum – et pour clore le sujet – les documentaristes aient « fait le choix » de centrer leurs images sur le visage de la Marseillaise de François Rude, lançant un appel au peuple – et qui porte également les titres de Le Départ des volontaires de 1792 ou encore Le Chant du départ ; œuvre sculptée datant des années 1830 et que l’on retrouve sur la façade Est de l’Arc de Triomphe, place de l’Étoile à Paris, qui sert d’inspiration à Auguste Rodin quand il réalise son œuvre La Défense, également appelée L’appel aux armes, en 1879 en réponse à un appel de l’État pour un monument à la République et la défense de Paris. En 1948, André Malraux choisit cette œuvre comme symbole du nouveau mouvement politique créé par de Gaulle. Cette Défense de Rodin, qui s’inspire largement de la Marseillaise de Rude, se retrouve alors sur de nombreux documents de communication du RPF : vignette-timbre, brochures, affiches (y compris des affiches électorales comme celles de la campagne des législatives de 1951), etc.
Cette référence, choisie par les documentaristes, permet un nouveau clin d’œil vers 1792, année de la levée en masse pour la défense de la patrie en danger et après la mention pendant le documentaire de la figure de Robespierre mais aussi de faire appel à l’imaginaire collectif des Français – et tout particulièrement des électeurs – qui ont forcément en mémoire cette association d’idée entre La Marseillaise de Rude et le RPF, donc de Gaulle. En achevant par ces images, les documentaristes incitent donc non seulement les Français à aller voter, mais implicitement à aller voter pour la position défendue par le chef du gouvernement : de Gaulle – avec la bénédiction, si ce n’est l’injonction, du ministre de l’Information.
Transcription
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