Portraits de néo-paysans en Alsace
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Ces néo-paysans alsaciens mettent en avant une agriculture respectueuse de l’environnement et en phase avec leurs propres valeurs. Ils sont représentatifs du mouvement plus large des néo-ruraux : des citadins qui font le choix de changer de vie pour un « retour à la terre ».
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Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
06 sept. 2018
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- 00284
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d’histoire-géographie au lycée Scheurer-Kestner de Thann
Publication : 01 sept. 2021
Le 15 avril 2021 sort en kiosque un nouveau trimestriel, au titre révélateur, Néoruro. Il vise à accompagner ces néo-ruraux, que l’INSEE définit comme les Français de 15 ans et plus, habitant une commune rurale de moins de 2 000 habitants, y résidant depuis moins de cinq ans, et ayant leur précédent domicile dans une commune de plus de 2 000 habitants, située à plus de 50 kilomètres de leur commune actuelle. Si la crise sanitaire du Covid 19 a mis en lumière le changement de vie radical de certains citadins, qui ont fait le choix d’un « retour à la terre », cet exode urbain s’inscrit dans une histoire qui commence dans les années 1970.
Les travaux de la géographe Catherine Rouvière ont montré que la première vague de ces néo-ruraux correspond à l'installation en communautés de certains hippies de la génération post 1968 dans les moyennes montagnes de l’Ardèche, de l’arrière-pays provençal ou des Cévennes. Même si ce mouvement de retour ou « recours » à la terre a été marginal, il a néanmoins montré la nouvelle attractivité des espaces ruraux. Et il marque le début d’un retournement démographique entre les villes et les campagnes, qui a permis au géographe Bernard Kayser de parler de « renaissance rurale » dans un ouvrage éponyme en 1989. Plusieurs vagues d’installation de citadins à la campagne se sont ensuite succédé, très diverses dans leur composition sociale et dans leurs motivations (retraités britanniques ou néerlandais qui s’installent dans le Périgord, « rurbains » qui viennent habiter à la campagne tout en continuant à travailler en ville, altermondialistes ou militants écologiques, artistes, etc.).
Les portraits proposés par le reportage mettent en avant spécifiquement les « néo-paysans ». Ce sont des personnes qui ne comptent pas d’agriculteurs dans leur famille et qui décident après une première vie professionnelle ou bien après leurs études de devenir paysans. Bertrand Tournaire a ainsi « quitté les bancs de Sciences Po » et les époux Schueller travaillaient auparavant dans l’industrie et dans la grande distribution. Les néo-paysans sont en quête d’une agriculture qui tourne le dos au modèle productiviste et défendent des pratiques comme la traction animale, la permaculture, l’agriculture biologique ou biodynamique ; ils développent des circuits courts de commercialisation de leurs produits (vente au marché pour les époux Schueller par exemple). Ils cherchent littéralement un « retour sur terre », à donner sens à leurs convictions profondes avec des pratiques agricoles s’inspirant de l’agroécologie. Les néo-paysans interrogés dans le reportage évoquent le besoin « d’un autre rapport agricole à la terre », mais aussi d’une « volonté d’agir, de s’impliquer directement dans le changement ». Ceux que l’administration qualifie d’agriculteurs hors cadres familiaux sont préoccupés par la question de la résilience alimentaire, à savoir la capacité des territoires à offrir une alimentation de qualité en quantité suffisante à tous. Ils trouvent souvent un soutien dans leur démarche auprès d’autres néo-ruraux qui ont fait le choix de l’habitat à la campagne car le foncier y était moins cher qu’en ville. Des néo-ruraux adeptes d’un mode de vie plus écologique à travers la consommation de produits locaux, comme en témoigne le succès des AMAP dans lesquelles s’inscrivent certains néo-paysans.
Ces néo-paysans représentent aujourd’hui un tiers des agriculteurs qui s’installent chaque année en France. Le secteur agricole a besoin de ces citadins qui deviennent paysans : chaque semaine en France, 200 fermes disparaissent et, dans les cinq ans qui viennent, la moitié des agriculteurs vont prendre leur retraite.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d’histoire-géographie au lycée Scheurer-Kestner de Thann
À l’évidence, les « néo-paysans » sont un sujet qui intéresse beaucoup les médias depuis plusieurs années. Les équipes de France 3 Alsace ont décidé de traiter cette thématique en allant à la rencontre d’un jeune trentenaire installé dans une microferme collective à Wintzenheim depuis quelques mois, et d’un couple de trentenaires reconvertis dans le maraîchage au pied du Petit Ballon d’Alsace il y a huit ans. Le reportage est constitué d’images montrant le travail au quotidien de ces néo-paysans (attelage du cheval, cueillette des légumes du jardin et des fruits du verger, quelques vues d’ensemble de la microferme Saint-Gilles ou de la « mini-exploitation » de la famille Schueller). Quelques animaux de la ferme ont aussi été filmés et intégrés au montage pour couvrir les propos du journaliste. Le cœur du sujet est constitué d’interviews de ces néo-paysans. On découvre des personnes investies, convaincues de s’être engagées dans un métier en phase avec leurs valeurs. Mais on devine aussi en creux qu’on ne s’improvise pas paysan et que les difficultés sont nombreuses.
La petite taille des exploitations au démarrage est un obstacle à l’obtention de subventions étatiques. Pourtant, la dotation jeunes agriculteurs (DJA) est accessible à tout le monde à condition de présenter un projet solide. Le demandeur doit s'engager sur une durée de quatre ans. Les régions, les Chambres d'agriculture peuvent aussi accorder des aides, mais il y a beaucoup de projets qui ne sont pas soutenus, considérés comme trop utopiques et pas assez viables. On constate ici un réel décalage entre les discours officiels valorisant la transition agricole et la réalité sur le terrain. À défaut d’un soutien officiel, ces néo-paysans s’appuient souvent sur des plateformes de crowdfunding, sur internet, qui font appel aux particuliers pour financer des projets.
Parfois, il faut aussi choisir de se partager le terrain, comme c’est le cas pour Bertrand Tournaire qui est « hébergé gracieusement à la ferme Saint-Gilles », une microferme collective créée par une jeune ingénieure agronome. Cette dernière a repris la maison de campagne de ses parents pour faciliter le démarrage de l’activité agricole dans une région où, nous rappelle la journaliste, les terres s’arrachent à prix d’or. Si des exploitations agricoles se vendent en Alsace suite à des dépôts de bilan ou des départs en retraite, elles sont souvent trop vastes par rapport aux attentes des porteurs de projets en agriculture durable. Ces conditions d’installation précaires obligent donc les néo-paysans à développer la pluri-activité. On apprend ainsi que le jeune maraîcher « travaille encore à côté et compte vendre ses légumes à l’automne, pour vivre de son activité dans quelques mois ». Même constat d’une fragilité économique pour le couple Schueller qui, huit ans après avoir décidé de se reconvertir, espère « à terme se verser un SMIC ». On comprend ainsi pourquoi la journaliste conclut le reportage en rappelant la nécessité de « rendre ces projets viables et de dépasser l’utopie » aux vues des contraintes rencontrées, malgré l’engagement et la sincérité de ces jeunes néo-paysans dans la mise en œuvre de leur projet. Des reportages de ce type peuvent aussi constituer un coup d’éclairage médiatique salvateur pour ces néo-paysans en quête de visibilité et d’un marché pour leurs produits.
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