La vigne alsacienne face aux maladies : un terroir en danger

Les maladies de la vigne se multiplient et se propagent dans les vignobles français. L’Alsace, notamment, fait face à ces maladies. Le taux de progression moyen des maladies du bois est de l’ordre de 0,5% à 1% en moyenne par an. Le changement climatique pourrait être une cause de la progression de ces maladies. Ces maladies ont un impact sur les cultures : les vignes malades ne produisent plus de raisin. Elles représentent donc un risque qui pose la question de l’enjeu environnemental, afin de préserver la biodiversité, mais également de l’enjeu économique pour les exploitations.

L’Alsace est un terroir traditionnellement tourné vers la vigne, qui représente une base solide de son économie, tant du point de vue du tourisme que des commerces intérieur et extérieur. La vigne constitue un système productif agricole essentiel. Selon le recensement général agricole, 30 % des exploitations alsaciennes sont spécialisées dans la viticulture. La vigne représente 15 639 hectares de la surface agricole utile (SAU), soit environ 5 % de la SAU alsacienne. La quasi-totalité des parcelles viticoles sont labellisées par une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). L’AOC est délivrée par l’INAO au niveau national. Elle s’applique à « tous les vins et produits agroalimentaires dont la production, la transformation et l’élaboration sont réalisées dans une zone géographique déterminée, selon un savoir-faire reconnu et un cahier des charges particulier » (selon l’INAO). Les AOC permettent la mise en valeur des terroirs agricoles : elles sont garantes de la qualité du vin.

De plus, la vigne dans les espaces ruraux alsaciens est un élément de paysage important : elle constitue un patrimoine pour la région. La vigne est une culture durable et permanente (un pied de vigne peut vivre plus de 100 ans) qui est représentée sur les cartes topographiques par un figuré particulier. Les paysages ruraux de l’Alsace sont marqués par cette culture et le tourisme rural est fondé sur elle. Les espaces ruraux alsaciens sont en effet multifonctionnels : le vignoble est une activité agricole patrimonialisée et mise en tourisme. En effet, la route des vins ou la visite des caves sont d’autant d’activités proposées aux touristes, nationaux ou étrangers. La valorisation du territoire alsacien passe ainsi par la valorisation de son vignoble : il est un élément du marketing territorial. La vigne apparaît alors comme une culture à valoriser et à soutenir pour le développement local des espaces ruraux alsaciens.

La vigne alsacienne est également importante dans l’économie mondialisée. La France est le deuxième producteur mondial de vin en volume, derrière l’Italie. Elle produit 17 % de la production mondiale. Les vins alsaciens sont des vins qui s’exportent à l’international : deux tiers s’exportent dans l’Union européenne et un tiers dans le reste du monde. Cette ouverture à l’internationale est accompagnée notamment par la Chambre de commerce et d’industrie de l’Alsace. Les espaces ruraux alsaciens sont donc pleinement intégrés à la mondialisation des produits agroalimentaires. La France est, de fait, une grande puissance agricole, notamment grâce aux vins de qualité qui contribuent beaucoup aux exportations en termes de valeur.

La puissance agricole française prend ses racines dans l’intensification de la production dès les années 1960. Le vignoble français, et alsacien en particulier, reste en marge de cette dynamique, même s’il bénéficie des avancées techniques agricoles (intrants, mécanisation). La baisse de la demande au niveau national amène les vignerons à se tourner vers la production de produits de qualité. Pour se faire, ils abandonnent l’ajout de sulfites ou se tournent vers une agriculture biologique ou raisonnée. En Alsace, en 2019, près de 20% de la vigne est produite selon les normes de l’agriculture biologique. Ce tournant vers une production plus qualitative est une évolution majeure de la viticulture française et alsacienne.

Ce reportage de 5 minutes, diffusé le 1er mai 2018, traite des maladies des vignes dans les terroirs alsaciens. A travers la présentation de plusieurs maladies, les conséquences économiques de la perte de rendements sont décrites. Selon le reportage, le vignoble alsacien perd 30 millions d’euros par an du fait de la maladie du bois. Sur certaines parcelles, plus de 10% des pieds sont atteints. La solution d’arracher et de replanter n’est pas satisfaisante puisque la vigne met du temps à pousser. Ainsi, l’accent est mis sur la baisse de compétitivité du terroir alsacien par rapport aux autres terroirs français ou étrangers. 

Afin de lutter contre ces maladies (l’esca, qui est une maladie du bois, et le court-noué, qui est un virus) et, par extension, des risques induits comme la baisse du rendement agricole, un ensemble d’acteurs se sont saisis de la question. Les Universités d’Alsace et l’INRA s’allient pour trouver des solutions techniques. L’INRA est un institut de recherche en agronomie qui est sous la tutelle des ministères chargés de la Recherche d’une part, et de l’Agriculture d’autre part. Il agit à travers des centres régionaux. Les vignerons ne sont pas en reste dans la recherche de solutions. Deux vignerons présentent leurs méthodes de lutte contre les maladies. Ces techniques sont caractéristiques du tournant qualitatif des productions viticoles : l’accent est mis sur la qualité du sol, les rendements modérés et des techniques de taille renouvelées (on laisse davantage de branchages sur le pied afin de favoriser la circulation de la sève). De même, la diversification du couvert végétal autour du vignoble permettrait de réduire les populations de parasites. Le vigneron souligne que « faire que de la chimie, on en est au bout ». Le discours est ainsi en faveur d’une mutation de la viticulture alsacienne vers une agriculture plus raisonnée. Cet agriculteur se place ainsi en défenseur d’une agriculture raisonnée par rapport à une agriculture productiviste.

Le reportage alterne entre plans larges sur les paysages viticoles et plans resserrés sur les parcelles de vignes malades. Le premier type de plan permet de mettre en valeur la typicité du paysage rural alsacien : on y voit des parcelles de vignes mais également des villages typiques. Le plan à 1’17’’ est notamment intéressant. La vigne est visible au premier plan. Au second plan, on aperçoit un village, puis, à l'arrière-plan, les Vosges. Cet image est typique d’un paysage agricole alsacien : la vigne y est partie prenante. Plus qu’un élément structurant pour le paysage, elle est également un moteur de la vie rurale alsacienne puisqu’elle participe de l’économie des villes et villages alsaciens. Ce plan en particulier véhicule un image de terroir rural patrimonialisé, véritable image d’Epinal de l’Alsace. Un terroir peut être défini comme la combinaison entre le milieu local et le savoir-faire qui donne ses spécificités à une production. Ces plans mettent ainsi l’accent sur la nécessité de préserver la vigne, dans la mesure où elle est structurante pour le paysage.