Répondre aux enjeux du développement durable : l’exemple du pôle de compétitivité agro-ressources de Pomacle-Bazancourt

Le JT régional de France 3 revient sur le contexte de crise agricole depuis au moins 2015, la sinistrose du monde agricole mais souligne que le système productif agricole français n’est pas uniquement à bout de souffle, et met en avant les atouts de la région : les agro-ressources, éléments de transitions de ce monde agricole.

Le contexte global est celui d’une situation critique des agriculteurs, évoquée à la rentrée de septembre 2016 par Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, et la Mutualité sociale agricole, MSA, qui assure la sécurité sociale des exploitants. Ils considèrent que si 30 % des agriculteurs français imposés au régime réel avaient eu des revenus équivalents à 354 euros par mois en 2015 contre 18 % en 2014, le seuil des 50% des agriculteurs recevant moins de 350 euros par mois pourrait être franchi pour l’année 2016. C'est notamment à cause de la dégradation de la situation agricole : crise des prix du lait, concomitance de la crise des prix de la viande, mauvaises récoltes historiques subies par les céréaliers en raison des intempéries du printemps, etc. Cette crise protéiforme a des conséquences sociales dramatiques puisque les craintes majeures concernent les suicides des agriculteurs (605 pour l’année 2015), phénomène largement relayé par la presse nationale et locale.

Néanmoins, le système productif agricole français possède des ressources. Ce reportage montre les transitions écologiques et énergétiques en cours dans le cadre des politiques menées en lien avec le développement durable, défini en 1987 dans le rapport Brundtland, Notre avenir à tous, et défendu à la suite lors des Sommets de la Terre, notamment celui de Rio de Janeiro en 1992 ou celui de Johannesburg en 2002 au cours duquel le Président de la République Jacques Chirac avait dit : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

La question des énergies, et notamment la réduction de l’emploi des énergies fossiles, est un enjeu majeur dans le cadre du développement durable qui doit permettre la poursuite des activités humaines, la croissance économique, le développement humain sans entamer les ressources de la planète de sorte à permettre aux générations futures de satisfaire leurs besoins.

Le pôle de compétitivité IAR (Industries et Agro-ressources) réparti entre Picardie et Champagne s’intègre pleinement dans cette dynamique de développement durable tout en intégrant la politique gouvernementale élaborée dès 2004 et définie par la loi de finances de 2005 visant à la création de pôles de compétitivité résultant de la mise en réseau sur un territoire restreint des acteurs de l'innovation (entreprises, centres de recherche et établissements de formation) sur une thématique donnée et un territoire identifié tel que le définit la journaliste de terrain dans le reportage.

L’objectif premier des pôles de compétitivité est de développer des synergies et des coopérations autour d’une thématique et en direction d'un marché, à travers des projets collaboratifs innovants. L’objectif final est de créer des emplois d’avenir par le gain de parts de marché sur des secteurs à fort potentiel. L’IAR répond à ces critères en devenant le pôle français de la Bioéconomie comme l’indique le sous-titre de son logo. L’IAR est un des 71 pôles de compétitivité définis en 2005, est aujourd’hui (2020) l’un des 56 pôles de compétitivité labellisés et l’un des dix pôles de compétitivité dont les activités relèvent directement du ministère de l’Agriculture car centrées sur l’agriculture, l’agroalimentaire, la filière forêt-bois, la pêche, l’aquaculture, le cheval ou la bioéconomie, sachant qu’une dizaine d’autres pôles ont des activités qui relèvent en partie de ce même ministère.

Au cœur du reportage est abordée une problématique majeure qui se pose à l’échelle mondiale mais ayant des impacts locaux, démontrant les enjeux multiscalaires de la question des agro-ressources et de la bioéconomie. L’ingénieur de l’entreprise Futurol interviewé par la journaliste évoque en effet la « concurrence avec l’alimentation » et de ce fait la concurrence dite des 5F quant à l’utilisation des surfaces agricoles utiles. En effet, un propriétaire terrien est confronté à des choix à opérer quant à la mise en valeur de son terrain et au choix des productions à y opérer : les 5F, c'est-à-dire food, feed, fiber, fuel, forest (alimentation humaine, alimentation animale, fibres textiles, biocarburants, filière bois).

En mettant en œuvre la bioéconomie et en survalorisant les ressources agricoles, le pôle de compétitivité diminue la concurrence entre les 5F puisqu’une même parcelle, grâce aux étapes de recyclage des agro-ressources permet de conjuguer plusieurs de ces F.

Le reportage est diffusé au début du mois de septembre, traditionnellement marqué dans le département de la Marne par la « foire de Châlons », considérée comme l’une des plus grande foire agricole de l’Hexagone. Cette 70ème foire de Châlons a ainsi comptabilisé près de 237.000 visiteurs, pour environ 700 exposants parmi lesquels Vivescia (société coopérative agricole, née en 2012 de la fusion de deux coopératives agricoles régionales : Champagne Céréales et Nourcia) qui possède sur la foire de Châlons l’un des plus grands stands extérieurs. Elle est aussi, au moment du reportage, actionnaire principal de l’usine Chamtor de Bazancourt – revendue en avril 2017 à la firme transnationale étasunienne ADM (Archer Daniels Midland).

La foire de Châlons constitue pour la presse régionale un marronnier mais les rédactions, et notamment celle des journaux télévisés régionaux diffusés sur France3 les midis et soirs, cherchent à renouveler leurs approches puisque durant la durée de la foire (pour 2016, cela correspond aux onze jours compris entre le 26 août et le 5 septembre) pratiquement quotidiennement des reportages prenant appui sur la présence de la foire de Châlons trouvent une place dans le JT.

Celui du 2 septembre 2016 s’intéresse donc au pôle de compétitivité agro-ressources mais le lancement se fait sur une transition mettant en avant la crise agricole du moment et le rôle des politiques dans le règlement possible de cette crise. En effet, tout comme le Salon de l’Agriculture, à Paris, la foire agricole de Châlons-en-Champagne est un rendez-vous politique incontournable de la rentrée.

La veille de la diffusion de ce reportage, l’ex-Premier ministre François Fillon, candidat annoncé des primaires de la droite qui doivent se dérouler les 20 et 27 novembre 2016 en vue de l’élection présidentielle de 2017, a serpenté dans les allées de la Foire. Le même jour, Emmanuel Macron, démissionnaire de son poste de Ministre de l’Économie du gouvernement Valls moins de deux jours avant, utilise cette Foire de Châlons pour faire sa première apparition publique et politique en sa qualité de chef de file du mouvement transpartisan En Marche !. Il se positionne alors, sans le déclarer officiellement, comme un potentiel candidat aux élections présidentielles des 23 avril et 7 mai 2017 en déclarant à la presse locale et nationale, que cette venue à la foire de Châlons lui permet « [d’être] là au contact, en immersion » même s’ « il n’y a pas encore de campagne » ; que son objectif est la rencontre avec le monde rural pour « comprendre le pays », « essayer de rassembler », « entendre et écouter » pour pouvoir « demain efficacement proposer » (Source : Le Parisien).

En sortant du cadre politique, en dépassant l’idée de la crise agricole, le JT de France 3 choisit de mettre en avant des fleurons de l’agro-industrie, pleinement intégrée dans le système productif agricole, afin de montrer les atouts que possède la région pour surmonter la crise agricole dans le but d’opérer une transition autour de la question de la bioéconomie, élément intégrant la transition écologique.

Ce reportage permet donc d’aborder utilement les notions de système productif (géographie Première), de ressources et de transition (géographie Seconde) tout en abordant la question centrale des acteurs.