Après une 1ère phase de combats appelée Guerre de mouvement, marquée en 1914 par l'avancée des troupes allemandes à travers la Belgique et le Nord-est de la France sur le front occidental, la Première Guerre mondiale entre dans une nouvelle phase au début de l’année 1915 intitulée Guerre de position et qui durera jusqu’à la fin de 1917. Fin 1914, les Alliés ont réussi à stabiliser le front sur une ligne défensive de 800 km, allant de la Suisse à la Flandre en passant par Verdun, et la guerre devient guerre d’usure, éprouvant les forces matérielles et humaines de chaque camp.
Les hommes creusent des tranchées pour se protéger des bombardements, dont l’usage massif est rendu possible par une mobilisation industrielle sans précédent, dans le cadre d’une guerre totale mobilisant tous les aspects des sociétés. Des tirs d'artillerie en passant par les offensives meurtrières lancées pour prendre les tranchées adverses, les hommes sont éprouvés tant physiquement que moralement dans un conflit qui dure et dont la brutalisation est sans précédent.
A Vauquois en Argonne, village meusien construit au sommet d’une butte dominant les plaines environnantes, les Allemands s’installent à l’automne 1914. Ils en font un observatoire et un point de repère pour le réglage des tirs d’artillerie. Cela leur permet de bombarder l’unique voie de ravitaillement entre Paris et la ville fortifiée de Verdun, distante de 25 km. A l’initiative de l’armée allemande qui veut fixer et user l’armée française, la ville est le théâtre d’une bataille du 21 février au 18 décembre 1916, qui fait plus de 700 000 morts, dont 80% par l’artillerie (près de 50 millions d’obus sont tirés). Durant plusieurs mois, une seule voie de communication permet côté français le ravitaillement de la ville : la voie sacrée, visible depuis Vauquois.
Malgré des assauts répétés et meurtriers dès octobre 1914, les Français restent en bas de la Butte. C’est seulement en février 1915 qu’ils parviennent difficilement au pied du village, mais ils ne parviennent pas à faire partir les Allemands et d’avril 1915 à avril 1918 les combats vont se poursuivre et prendre une nouvelle forme : la « Guerre des mines ».
Chaque camp constate son incapacité à prendre victorieusement d’assaut la Butte : les hommes creusent des tranchées, aux multiples rameaux de combat, mais les assauts restent infructueux. Emerge alors l’idée de creuser des galeries sous les lignes ennemies pour les faire exploser. Les plus profondes galeries sont creusées 100 mètres sous les restes du village, entièrement détruit. La lutte devient souterraine. Des spécialistes repèrent les bruits de pioche pour savoir où creuse l’ennemi. Le silence devient plus angoissant que le son du métal des pelles et des pioches : il indique le retrait de l'ennemi des galeries où les charges ont été positionnées, pour faire exploser le camp adverse.
Sapeurs français et pionniers allemands rivalisent et le 14 mai 1916 voit la plus importante explosion du lieu avec une mine de 60 tonnes qui ensevelit 108 soldats français présents dans les tranchées de 1ère et 2nde lignes, creusant un cratère de 100 mètres de large et 25 mètres de profondeur. En 1917 émerge alors côté allemand l’idée d’araser la butte pour lui enlever tout intérêt stratégique, mais faute de temps et de moyens, ce projet n’aboutit pas. En trois ans, 519 explosions retentirent dans les 17 km de galeries creusées, et près de 14 000 soldats moururent en combattant ou en étant ensevelis. La guerre des mines s’achève en avril 1918, face à l’impuissance de chacun, malgré l’emploi massif d’explosifs (plus de 1000 tonnes) à s’emparer de la Butte. Cette démesure de moyens est à relier à la guerre totale et industrielle que mènent les deux camps. Les troupes américaines s’emparent du lieu le 26 septembre 1918, découvrant un décor lunaire, cratérisé où le village a entièrement disparu.
Suite à la loi du 17 avril 1919, établissant la classification en zone rouge (nom donné aux champs de bataille où sont encore présents des cadavres et des munitions non explosées) du site, les autorités locales décident la reconstruction d’un nouveau village au pied de la butte sur son versant méridional, financé par la ville d’Orléans. Ce parrainage s’explique par la présence des soldats du 131e régiment d’infanterie orléanais à Vauquois. Au sommet de la butte se dresse un mémorial patriotique « aux combattants et morts de Vauquois » érigé en 1925, et marquant le début de la mémorialisation du site aujourd’hui entretenu par l’association des amis de Vauquois. Tandis que 4368 corps identifiés de soldats français sont enterrés à la Nécropole nationale de la Maize à Vauquois et 1970 restes non identifiés réunis dans l’ossuaire, les corps et ossements retrouvés des soldats allemands ont été déposés dans un cimetière allemand à 6 km à Cheppy, inscrivant dans le paysage une victoire symbolique de "ceux de Vauquois" sur les Allemands. A Vauquois se grave donc dans le paysage et les esprits un processus de mémorialisation massive de la société française, impulsé par les anciens combattants après guerre.
Ce reportage décrit la guerre des mines et l'âpreté de ses combats. La guerre souterraine éclate durant l’année 1915 sur la butte de Vauquois en Argonne dans département de la Meuse et se poursuit jusqu’en 1918. Présenté par le journaliste Laurent Parisot, cette émission est diffusée le 5 juin 2015 lors du journal télévisé régional de France 3 Lorraine. Elle fait partie d’une collection de 680 "Histoires de 14-18" réalisée par les équipes de France TV entre 2014 et 2018 dans le cadre des commémorations du centenaire de la Grande Guerre. Le choix du sujet très local est à appréhender dans le contexte de commémoration de ce conflit si présent dans les mémoires des Hommes, et dont de nombreuses séquelles se manifestent encore dans les paysages à travers les monuments aux morts et les cimetières militaires.
Le reportage commence par un générique rappelant la collection filmique consacrée à 1914-1918. Le journaliste commence par montrer l'intérêt stratégique du site, point d’observatoire et de contrôle de la route permettant le ravitaillement de la ville fortifiée de Verdun. Le journaliste présente son sujet depuis le sommet de la butte, dans un environnement paisible désormais patrimonialisé. Cette vue contraste avec le paysage lunaire visible dans les archives, où les combats et les explosions sont d’une violence inouïe.
Après deux photographies présentant les protagonistes français et allemands dans les tranchées, et tout en évoquant la chronologie des évènements entre avril 1915 et 1918, une carte nous indique la localisation de Vauquois par rapport à Verdun. Il s’agit de faire comprendre au téléspectateur que la guerre des mines de Vauquois est à relier à la bataille de Verdun. La carte est proposée avec un fond sonore grave marquant pour le téléspectateur l’importance de ce qui va suivre.
Le reportage alterne alors entre des photographies du quotidien des sapeurs dans les tranchées entre attente, écoute des bruits de l’ennemi et creusement des galeries parfois étroites, et de courtes vidéos d’archives d’explosion et d’hommes creusant les galeries. Le journaliste parcourt les galeries afin de rendre plus vivante sa narration. Le court extrait d’une explosion capte l'attention du téléspectateur, tout comme le son du marteau piqueur et l’étroitesse de certaines galeries. "Vauquoy est devenu une véritable termitière" où s’expriment la brutalité des combats et les conditions de vie extrêmes.
La mise en avant des spécialistes de l’écoute des sons provoqués par les creusements des galeries permet de mettre en évidence plusieurs aspects du conflit : la violence des combats mais aussi l’importance prise par la technologie et la science lors de cette guerre. La guerre est industrielle et totale. La brutalisation des combats, l’ampleur des pertes et des dégâts marquent durablement les esprits.
A la fin du reportage sont mentionnées les sources archivistiques : les membres de l’association des amis de Vauquois présidée par Alain Jeannesson, conseiller historique, et les archives de Pathé et Gaumont.
La dernière partie du reportage montre une galerie allemande vide, puis un cratère géant, comme pour mieux incarner ce que les Américains ont trouvé lorsqu’ils prirent la butte en septembre 1918. Le journaliste apparaît alors à proximité du même cratère, montrant ainsi que la vie ne s’est pas réinstallée sur le site. Sensation renforcée par l’évocation de la mort de 14 000 hommes sur le site et deux photographies du lieu sans végétation, entièrement dévasté par les explosions.
Cette dernière phrase « le village a disparu, 519 explosions l’ont transformé en un paysage lunaire où 14 000 hommes ont perdu la vie » se conclut par un indicateur sonore grave, qui résonne dans la tête du téléspectateur, invité à mesurer l'âpreté et la gravité des combats et leurs conséquences.