Agriculture : le plein d’énergie pour l’économie de la Champagne

La filière agricole française, allant de l’amont (les intrants, la formation, le financement) à l’aval (la commercialisation des produits après transformation notamment par les industries agro-alimentaires) est souvent présente dans les médias au travers de ses difficultés internes ou des critiques environnementales. On en oublierait presque qu’elle reste une activité essentielle de gestion des territoires dans un pays où les espaces de faible densité sont plus nombreux qu’ailleurs en Europe, mais aussi de production et d’exportation assurant une part de la présence mondiale de la France. Elle occupe encore aujourd’hui une place symbolique très forte dans la société française. On oublie surtout que c’est une activité qui connaît depuis les années 1960 une révolution quasi-permanente : les petits paysans français ont disparu ou se sont mués en chefs d’exploitation ou d’entreprise, auxquels la société a assigné la mission essentielle de produire pour nourrir le pays et le monde. Puis la surproduction, la mal-bouffe et la demande d’écologie ont entraîné des attentes différentes à leur égard, avec de nouvelles méthodes de production plus respectueuses de l’environnement, une alimentation de meilleure qualité et à un prix accessible pour tous, sans compter la mission de ‘’jardiniers’’ de l’espace dans les régions de déprise agricole et de dépopulation. Bref, les agriculteurs ont dû réinventer très largement leur place dans la société et dans l’appareil productif. C’est peut-être ainsi que l’on peut le mieux comprendre que la bioéconomie constitue aujourd’hui un tournant stratégique, en particulier dans une région comme Grand Est, dont l’agriculture occupe encore une place centrale. 

La bioéconomie englobe l'ensemble des activités de production et de transformation de la biomasse qu'elle soit forestière, agricole et aquacole. Elle relève de l'économie verte, c'est-à-dire une économie respectueuse de l'environnement et qui utilise de façon plus efficace les ressources naturelles. Elle regroupe une diversité d’activités de production : bien sûr notre alimentation mais aussi les produits biosourcés (la chimie du végétal dont relève la filière chanvre), l’énergie issue de la valorisation des déchets organiques (compostage) et les bioénergies visent l'utilisation de l'énergie stockée dans la biomasse (bois énergie, méthanisation, biocarburant comme le bioéthanol ou le biodiesel). Pour le monde agricole et l’économie française en général, la bioéconomie constitue des enjeux considérables : réduction de la dépendance économique et géopolitique aux énergies fossiles, réalisation des objectifs de décarbonation, maintien d’une agriculture économiquement viable pour les producteurs, réindustrialisation du pays avec une montée en compétences technologiques car la bioéconomie nécessite une forte activité de recherches et d’innovation. On a donc ici un secteur qui est au cœur des dispositifs de transition rendus nécessaires par le changement global. 

La Région Grand Est est très active dans la bioéconomie car elle dispose d’un potentiel de production agricole très important mais aussi d’une tradition d’organisation de la filière agricole vers la recherche de nouveaux débouchés, portés par les acteurs publics mais surtout par les professionnels eux-mêmes qui sont depuis un siècle regroupés dans de puissances coopératives. C’est cette culture de valorisation innovante des productions agricoles qui a d’ailleurs permis à la région (associée à la Picardie) d’obtenir le label de pôle de compétitivité Industries et agro-ressources dès leur mise en place par le gouvernement de Villepin en 2004 - 2005. Le site de Pomacle-Bazancourt dont il est question dans le reportage est ainsi devenu un des premiers centres européens de recherche dans ce secteur et le cerveau de la bioéconomie régionale. 

Le reportage sur la bioéconomie en Région Grand Est est diffusé en juin 2018 dans le journal régional de France 3 Champagne-Ardenne, à l’occasion de la tenue à Châlons-en-Champagne d’un forum des acteurs locaux de la filière. Il met en avant par son titre l’enjeu de ce secteur pour l’économie régionale : c’est ‘’l’or vert’’. 

Les images du reportage se concentrent sur deux lieux qui sont les plus emblématiques pour le sujet : la région de Troyes avec sa filière chanvre et le site de Pomacle-Bazancourt pour son rôle de catalyseur. On notera que le reportage fait l’objet d’une construction soignée. Les quatre minutes sont partagées à parts égales avec la définition du Ministère de l’Agriculture pour changer de site. Le reportage utilise un changement d’échelle puisque l’on part d’une parcelle agricole, donc de la production, pour finir dans un laboratoire de recherches en évoquant les enjeux stratégiques de la filière, avec plusieurs personnages aux rôles distincts : l’agriculteur (car tout part de lui), les chercheurs et le dirigeant qui dégage les enjeux. C’est l’occasion de montrer que l’agriculture actuelle est aussi une activité de pointe, porteuse d’avenir et de solutions face aux difficultés de nos sociétés, loin des clichés accolés au monde agricole. On aura pourtant noté quelques-uns de ces clichés en début de reportage avec des images qui justifient le titre du sujet en étant prise de façon à montrer un océan de chanvre (les plans très serrés se succèdent), comme si l’Aube en était recouverte (ce n’est pourtant qu’une faible part de la SAU), avec un arrière-plan une éolienne qui rappelle l’importance de la production électrique de notre région en particulier dans la plaine de Champagne. On notera enfin le caractère très pédagogique des interventions : chacun des acteurs cherche à donner des informations positives sur la filière en utilisant un vocabulaire simple et en dégageant les enjeux : on est bien sur un reportage qui s’adresse au grand public pour lui présenter une activité encore mal connue mais de plus en plus importante. 

La première partie du reportage met donc en valeur la filière chanvre avec deux intervenants : le producteur qui est par ailleurs le président de la coopérative la Chanvrière qui regroupe les agriculteurs locaux, et le responsable de la transformation. Le premier explique en quoi le chanvre est porteur de qualités environnementales, avec l’absence d’intrants chimiques et d’irrigation (on désamorce deux critiques récurrentes faites au monde agriculteur : polluer et s’approprier la ressource en eau), et présente de façon très didactique la plante qui est largement méconnue. Le second, en montrant un lieu de recherche et du chanvre transformé avec différents stades et différents usages, permet de comprendre en quoi on a là une production d’avenir. Il met en avant deux domaines au cœur du discours sur la transition : l’amélioration de l’habitat et l’automobile, ce qui touche la totalité du public qui apprend que le plastique de sa voiture sera bientôt en fibres végétales. 

La seconde partie du reportage, avec la définition de la bioéconomie en guise de transition pour commencer à prendre de la hauteur sur le sujet, montre la recherche sur les matériaux biosourcés avec comme exemple la production de bio-carburant (le E de l’essence dite E85 ou E10) et le plastique, deux produits d’usage courants et associés au pétrole polluant. Le dernier intervenant vient conclure le reportage en tant que dirigeant du pôle de compétitivité. Il replace le développement de la filière dans une perspective locale : les coopérateurs de notre région ont depuis très longtemps mutualiser leurs efforts pour chercher de nouveaux débouchés rémunérateurs à leurs productions, alliant économie et écologie, avec des activités peu délocalisables. Le journaliste conclut d’ailleurs le sujet en soulignant le vivier d’emplois que représente la bioéconomie.