Bouzy, pôle d’excellence rurale pour lutter contre la déprise démographique

Malgré l’augmentation globale de la population du Grand Est depuis les années 1960, près de la moitié du territoire compte en 2024 moins d’habitants qu’alors. Après les Hauts-de-France, c’est dans le Grand Est que la part de la population vivant dans les territoires en déprise démographique est la plus importante. C’est le cas par exemple de la population de la commune rurale de Bouzy, qui est passée de 1 009 habitants en 1982 à 839 en 2021. Pour tenter d’enrayer cette baisse démographique, Rachel Paillard, qui est maire de la commune depuis 2001, a engagé divers projets de revitalisation de son territoire qui visent à « attirer commerçants et habitants ». Cela passe par une amélioration du cadre de vie dans la commune en développant de nouveaux services, comme le « relais sport santé nature » mentionné dans le reportage ou en attirant de nouveaux commerces. Cet équipement dédié au bien-être qui fonctionne depuis 2010 a été labellisé pôle d’excellence rurale, puis ville active et sportive à partir de 2017, ce qui permet d’obtenir des subventions permettant d’étoffer l’offre de services et de financer des coachs sportifs. L’objectif est de créer du lien social autour de la pratique sportive. 

La loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018 a permis à Rachel Paillard, dans le cadre de la communauté des communes de la grande Vallée de la Marne, de lever de nouveaux fonds, destinés à la réhabilitation de 80 logements et à la construction d’un habitat pour personnes âgées. Quelques mois après ce reportage, le 20 février 2020, Bouzy et Ay Champagne ont signé la première convention d’opération de revitalisation du territoire (O.R.T) rurale de France avec l'État et d'autres partenaires. L’ORT est un outil nouveau à disposition des collectivités locales pour porter et mettre en œuvre un projet de territoire dans les domaines urbain, économique et social, pour lutter prioritairement contre la dévitalisation des centres-villes en facilitant la politique du logement grâce à des avantages fiscaux. 

La maire avait comme elle le dit dans le reportage d’autres « projets dans le tiroir ». Elle désirait créer une « Maison de Bouzy », qui aurait été une vitrine de l’oenotourisme champenois en présentant Bouzy comme « le village viticole durable de demain » comme elle l’évoque dans une interview au journal local L’Union en février 2020. Il était aussi prévu de créer une pépinière d’entreprises et des logements pour les jeunes dans les bâtiments rachetés par la commune à l’entreprise Moët et Chandon, ou encore la création d’un écoquartier. Mais le changement d’équipe municipale en 2020 n’a pas donné suite à ces projets pour l’instant. 

Cette politique volontariste de redynamisation des territoires ruraux par l’obtention de subventions et labellisations peut être mise en parallèle avec d’autres programmes similaires destinés aux petites villes ou villes moyennes sur notre territoire. On peut penser par exemple au programme « actions cœur de ville » qui vise à faciliter la rénovation urbaine sur l’habitat et les commerces des centres-villes des villes moyennes (Eparnay est par exemple concernée) ou encore le programme « Petites villes de demain » lancé en 2020 qui concerne « les communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralité sur leur bassin de vie montrant des signes de vulnérabilité, ainsi que leur intercommunalité » (source ANCT). Ces programmes ont été enrichis en 2023 de nouvelles priorités stratégiques, en particulier relatives à la transition écologique, pour toutes les communes désirant renouveler leurs conventions pour la période 2023 - 2026. 

La ruralité est abordée dans le reportage à travers les plans d’ouverture et de fin du reportage, qui nous donnent à voir le paysage agricole de la commune par un plan large pris en haut des coteaux de vigne. Le choix de la commune de Bouzy pour incarner une commune rurale dynamique en Champagne-Ardenne peut s’expliquer par la présence à sa tête d’une maire médiatisée car Rachel Paillard était au moment du reportage rapporteur de la commission des communes et territoires ruraux et vice-présidente de l’association des maires de France et des présidents d’intercommunalités. Sa place est d’ailleurs centrale dans le sujet puisqu’on la suit dans plusieurs lieux de la commune, de la boulangerie à la mairie, en passant par la médiathèque, la salle de sport ou la station d’épuration de la commune inaugurée en 2012 lors de son second mandat à la tête de la commune. Elle y est interviewée à diverses reprises et elle rappelle que mener autant de projets ne peut être possible qu’en s’appuyant sur de nombreuses personnes ressources pleine de bonne volonté, ainsi que sur ses administrés. Elle aspire à « réinventer la vie communale avec des ateliers participatifs si elle se représente aux élections municipales en 2020 ». Elle s’est déjà engagée dans cette démarche en 2019 en organisant des ateliers participatifs avec les habitants de Bouzy et Aÿ-Champagne pour préparer la convention de l’opération de revitalisation urbaine.  Le reportage manque cependant d’objectivité puisqu’aucune voix discordante de la politique menée n’est entendue dans ce sujet. Il n’est par exemple pas mentionné, au moment de l’interview réalisée devant la station d’épuration de la commune, que l’agence régionale de santé a interdit la distribution de l’eau du captage communal depuis avril 2015, en raison de la présence de traces de déséthyl-terbuméton, un herbicide longtemps utilisé en viticulture et interdit depuis 1998. Le choix des habitants de la commune s’est d’ailleurs largement tourné vers une liste concurrente aux élections municipales de 2020 (39 % des voix pour l’élue sortante seulement). Les travaux de la rue-jardin évoqués dans le reportage n'auraient notamment pas « été du goût de tous, certains estimant qu'ils étaient longs et mal pensés », selon les dires dans un journal local de Jean-François Sainz, le nouvel édile de la commune.

Il aurait été intéressant que les journalistes donnent aussi la parole à certains viticulteurs du village (autre que Madame Paillard, qui est aussi viticultrice de métier), pour montrer qu’au-delà de l’action politique, le vignoble participe également à la renommée et au dynamisme de la commune. En effet, en Champagne, Bouzy fait partie des 17 communes sur les 300 répertoriées bénéficiant de l’appellation A.O.C. grand cru. Le Bouzy Rouge (AOP Coteaux Champenois), vin rouge le plus septentrional de France et pinot noir mondialement connu et reconnu, fait partie du patrimoine des vins de France. Il a notamment été servi lors des banquets des sacres des rois de France à Reims.