La Marne à la pointe de la recherche sur les produits biosourcés

La Marne, en Région Grand Est, est avant tout connue pour être la terre du vin de champagne et la viticulture occupe une part importante des terres et des actifs agricoles, surtout dans l’ouest du département entre Reims, Châlons-en-Champagne, le nord-ouest de l’Aube et la Seine-et-Marne. Mais l’essentiel des terres agricoles, autour de la grande plaine crayeuse de la Champagne (autrefois la ‘’campagne’’) est le domaine des grandes exploitations végétales, dominées par les cultures industrielles comme la betterave ou la pomme de terre, par les céréales et les oléagineux comme le colza. La mise en place de la Politique Agricole Commune (PAC) à partir de 1962 a fait de cette région au sol pauvre (de la craie) une des plus productives plaines agricoles en Europe avec le recours massif aux intrants chimiques, le remembrement, la mécanisation et la formation des agriculteurs. La question des débouchés est donc devenue un enjeu essentiel dans une région qui n’est pas la mieux localisée pour exporter via les grands ports français. Un atout a joué en faveur des agriculteurs qui avaient très tôt développé des coopératives, notamment dans le secteur de la betterave et des céréales (aujourd’hui Cristal Union et Vivescia). 

Ces coopératives ont permis de dégager des moyens financiers et humains, une vision stratégique qui a abouti à la labellisation en 2004 - 2005 d’un pôle de compétitivité (avec la Picardie) intitulé Industries et agro-ressources (IAR) qui a pour vocation de trouver des débouchés industriels non alimentaires à l’agriculture locale. C’est le site de Pomacle-Bazancourt, qui accueillait déjà une sucrerie et une distillerie, qui est devenu le cœur de ce pôle. Dédié aux produits biosourcés et à la bioraffinerie, ce cluster industriel mondial regroupe plus de 400 membres : entreprises de toutes tailles, centres de Recherche et Développement, universités, investisseurs, partenaires publics, groupes coopératifs comme Vivescia et Cristal Union. Ce sont d’ailleurs eux qui à la fin des années 1980 ont initié la création d’ARD, Agro-Industrie Recherches et Développements qui est de fait la structure de recherches qui joue un rôle moteur au service des entreprises, en ayant notamment déposé 80 brevets en 20 ans autour du bio-raffinage et des bio-énergies, donc de la chimie verte. Cette chimie permet l'extraction des différents composants de la plante pour la production de bio-carburants, de bio-molécules (cosmétique, hygiène et pharmacie), ou encore de bio-matériaux (bâtiment, emballages, automobile ou aéronautique). Le Pôle IAR réunit toutes les étapes d'extraction, de transformation jusqu'au développement industriel. 

Le site de Pomacle-Bazancourt est donc dédié à la bioéconomie. Celle-ci englobe l'ensemble des activités de production et de transformation de la biomasse qu'elle soit forestière, agricole et aquacole. Elle relève de l'économie verte, c'est-à-dire une économie respectueuse de l'environnement et qui utilise de façon plus efficace les ressources naturelles. Elle regroupe une diversité d’activités de production : bien sûr notre alimentation mais aussi les produits biosourcés (la chimie du végétal), l’énergie issue de la valorisation des déchets organiques (compostage) et les bioénergies visent l'utilisation de l'énergie stockée dans la biomasse (bois énergie, méthanisation, biocarburant comme le bioéthanol ou le biodiesel). Pour le monde agricole et l’économie française en général, la bioéconomie constitue des enjeux considérables : réduction de la dépendance économique et géopolitique aux énergies fossiles, réalisation des objectifs de décarbonation, maintien d’une agriculture économiquement viable pour les producteurs, réindustrialisation du pays avec une montée en compétences technologiques car la bioéconomie nécessite une forte activité de recherches et d’innovation. On a donc ici un secteur qui est au cœur des dispositifs de transition rendus nécessaires par le changement global. 

Le reportage de France 3 Champagne-Ardenne date d’avril 2017. Il appartient à une collection intitulée Complètement à l’Est, donc on peut penser, compte tenu de la date récente de création des grandes régions, dont Grand Est, qu’elle avait vocation à faire mieux connaître cette nouvelle collectivité. 

Le reportage est d’une certaine façon ludo-informationelle : un sujet sérieux traité avec une pointe d’humour pour en masquer une certaine aridité. Il est coprésenté par deux journalistes : l’une sur le terrain met en scène le sujet et l’autre en voix off apporte une touche de sérieux dans les informations données. Le reportage débute par une succession très rapide de plans alternant le site industriel (le symbole de la cheminée) et des productions agricoles. Une carte apparaît, classiquement sur la chaîne régionale, permettant de localiser un lieu inconnu au-delà de la Marne et mal connu dans la Marne. C’est d’ailleurs tout l’enjeu du reportage : donner une notoriété à ce site qui est potentiellement un moteur économique de demain. La journaliste introduit alors le sujet par l’enjeu : le passage de la chimie du fossile (le pétrole en particulier) à la chimie du végétal (la chimie verte), dont tout le monde comprend aisément l’intérêt dans le contexte de changement global mais dont la journaliste rappelle au moyen d’une infographie reprenant les codes du sport l’excellence de la Marne dans diverses productions agricoles. Cela permet assez facilement de resituer le contexte de la création du pôle Industries et agro-ressources, en s’appuyant sur la parole d’un des acteurs les plus importants du site avec le dirigeant d’ARD, le centre de recherches. 

A partir de là, le reportage entre dans les bâtiments que l’on voyait seulement de l’extérieur et on rencontre des acteurs importants qui témoignent en faisant découvrir leurs activités et leur process industriel. On y découvre ainsi que chacun essaie avant tout de transformer la part non-alimentaire de la production agricole qui était jusqu’alors peu valorisée. Le reportage alterne donc une vision d’ensemble du site et des exemples significatifs. La vision d’ensemble correspond aux plans larges, aux images en extérieur surtout et une infographie vient montrer le site et son fonctionnement dans sa globalité. On y apprend ainsi que les acteurs présents sont de nature très différente : entreprises, centres de recherches, universités (Université de Reims-Champagne-Ardenne mais aussi AgroParisTech et Supelec, des références dans leur domaine), donc des acteurs publics et privés de taille très différente travaillent en synergie à la fois pour acquérir de la connaissance, expérimenter et bien sûr produire. Le reportage insiste sur le fait que c’est ce qui fait la force du site. Par ailleurs, il énumère au travers de quelques exemples ce qui est cherché ou produit sur place. On y découvre donc des entreprises (et leur responsable). Parmi elles, trois sont mises en avant. Il y a Chamtor, une création de la coopérative céréalière Vivescia, dont le métier est justement le fractionnement du blé pour en extraire du glucose ou de l’amidon, les usages industriels étant évoqués par son directeur général. Est présenté aussi Futurol, un projet collectif de recherches sur la production d’éthanol à partir de différents végétaux, mais aussi de plastique d’origine végétale. Enfin, Cristanol, la bio-raffinerie du site, produit de l’éthanol, notamment en valorisant toutes les matières issues des autres entreprises du site. 

En guise de conclusion, la journaliste revient à l’écran dans une zone en cours d’aménagement qui se prépare à accueillir de nouvelles entreprises et une ferme expérimentale. Une façon de souligner que le site de Pomacle-Bazancourt est au début de son aventure agro-industrielle et que les perspectives sont nombreuses.