Le respect de la loi littoral en Languedoc-Roussillon
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Résumé
Pour lutter contre la disparition de la plage, la municipalité d’Agde fait aménager un brise-lames : une solution qui, selon les experts, ne fera que déplacer le problème. Prenant le contrepied du « mur de béton » aménagé sur la Côte d’Azur, la loi littoral est adoptée en 1986 pour stopper le phénomène… puis appliquée.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
16 mai 2003
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Contexte historique
ParDirecteur de recherche CNRS, Laboratoire ART-Dev UMR 5281
Plage du Grau d’Agde dans l’Hérault, mai 2003. Une musique sourde accompagne le ballet incessant d’un camion benne et d’une pelleteuse. Cette dernière s’applique avec une précision mécanique à positionner inlassablement des blocs de rochers les uns sur les autres afin d’achever la construction de l’un des trois nouveaux brise-lames programmés sur cette portion du littoral communal. Construits avec le soutien de fonds européens, ces aménagements de 100 mètres de long pour 15 de large sont situés en mer et érigés à quelques dizaines de mètres du rivage. Ils ont pour objectif de réduire considérablement l’effet des vagues responsables de l’érosion de la plage et permettre ainsi le rechargement en sable de cette zone. Gilles d’Ettore, maire d’Agde récemment élu [1], vient inspecter l’état d’avancement des travaux avec ses adjoints. La satisfaction est grande et la raison en est simple. Ces brise-lames doivent permettent de restituer de 50 à 70 mètres de plage pour, selon l’édile, accueillir dans de meilleures conditions les 300 000 touristes durant l’été. L’intérêt est d’une importance majeure pour la commune dont l’économie touristique est la principale source de revenus.
En effet, les plages du Grau d’Agde sont situées à une encablure plus à l’ouest du Cap d’Agde, l’une des huit stations balnéaires construites ex-nihilo dans le cadre de la Mission Racine. Le rechargement des plages en sable est donc un enjeu de tout premier ordre et la construction de brise-lames masque difficilement le fond du problème. Comme le souligne l’expert, l’urbanisation « les pieds dans l’eau » a considérablement fragilisé les systèmes de dunes et supprimé leur capacité à réduire l’énergie des vagues. Il en découle des problèmes de sécurité des biens et des personnes. Les vagues viennent lécher les propriétés et les habitations et, en cas de tempête, détruisent des pans entiers d’aménagements comme des murs de clôture éloignés des flots il y a encore quelques années. Ces aménagements ponctuels répondent à des préoccupations au cas par cas, sans coordination d’ensemble, dont la conséquence est de repousser l’échéance, de déplacer voire de renforcer le phénomène, ce que déplore la journaliste condamnant la disparition des plages sous le béton.
Malgré tout, le littoral du Languedoc-Roussillon n’est pas celui de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il possède encore de vastes espaces préservés, dans les interstices des territoires urbano-touristiques. Ces coupures vertes, prévues par les planificateurs et urbanistes de la Mission Racine, ont été progressivement consolidées par les acquisitions foncières répétées du Conservatoire du littoral, crée en 1975. En complément, depuis 1986, la France a renforcé sa capacité d’action avec l’adoption d’une loi littoral. Lucien Chabason, haut fonctionnaire et principal rédacteur du texte, en rappelle les triples objectifs : lutter contre les fronts massifs d’une urbanisation souvent anarchique, contre la privatisation parfois sauvage du domaine public, et favoriser les logiques de protection et de conservation de ces milieux naturels littoraux. Le cœur de cible était avant tout la limitation des formes agressives d’urbanisation. Il s’agissait ainsi de gérer les tensions entre préservation et mise en valeur du littoral et moins la prise en compte et la limitation des risques littoraux. Votée dans le cadre de la mise en œuvre des premières lois de décentralisation, la loi a renvoyé aux acteurs et élus locaux les modalités de régulation de ces tensions avec des avantages et des inconvénients.
Avec l’exemple du Grau d’Agde, l’application de la loi littoral dans l’Hérault, en prise avec l’inertie puissante des logiques de développement et d’aménagement du territoire littoral, reste difficile près de 20 ans après son adoption. Ces dernières sont désormais confrontées avec acuité non seulement aux problématiques de protection de l’environnement, mais également à celles liées aux différents types de risques (érosion, submersion...). La loi littoral, bien que nécessaire, demeure insuffisante. Il apparaît ainsi clairement que le recours à des solutions uniquement de nature technique n’est pas à la hauteur des enjeux et des défis à venir en termes de gouvernance, d’échelles et de moyens financiers et juridiques à mobiliser.
[1] Originaire d’Agde, élu maire en 2001 et président de l’agglomération Hérault Méditerranée en 2003
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(Bruit)
Véronique Nizon
Chaque année, ce sont des tonnes de rochers déversés en Méditerranée.Dans le Sud de la France, au Cap d’Agde, la commune érige des barrières en mer pour lutter contre la disparition des plages.Ce jour-là, des élus inspectent les travaux.Cent mètres de long, quinze mètres de large, le maire est fier de son nouveau brise-lame financé par l’Europe.
Gilles d'Ettore
Nous allons retrouver des plages d’une largeur de 2,50 à 70 mètres, comme nous avions à peu près à l'époque.Parce qu’ici, l’été, nous avons quand même trois cent mille touristes qui viennent s’agglutiner sur ces plages, donc, bon c’est quand même notre moyen de subsistance.
(Bruit)
Véronique Nizon
Un peu plus loin, inexorablement le sable s’en va.Ici, les hommes ont bouleversé la nature en construisant massivement beaucoup trop près du bord de mer.Depuis, régulièrement, ces experts mesurent les dégâts.Le rivage recule sans cesse.Pour accueillir les touristes, les promoteurs ont remplacé les dunes par des immeubles.
Intervenant
Ces immeubles ne peuvent pas jouer le rôle des dunes.Ces immeubles ne tamponnent pas l’énergie de la mer, donc si on a mis ces immeubles à la place des dunes, on est obligé en suite de protéger ces immeubles et on perturbe encore un petit peu plus le système et on arrive à certains endroits à une absence totale de plage.
Véronique Nizon
À chaque tempête, les habitations sont menacées.Pour se protéger, les propriétaires se barricadent derrière de véritables murailles, mais ils ne font que déplacer et renforcer le phénomène.Ce riverain a fini par élever un mur de trois mètres de haut, une défense provisoire.
Inconnu
La mer avait tout emporté là, sur une dizaine de mètres.Elle était passée sous ce mur.Et donc il a fallu dans la matinée faire venir une pompe à béton et on a mis 6 m3 de béton sous le mur, pour conforter le mur.
Véronique Nizon
Au Cap d’Agde, les plages naturelles disparaissent sous le béton, le phénomène est irréversible.Sur des kilomètres du Languedoc-Roussillon, les mêmes causes produisent les mêmes effets.Ces grandes unités touristiques des années soixante avec port de plaisance gagné sur la mer, linéaires d’immeubles pieds dans l’eau, se vantaient d’être un idéal.L'État voulait retenir les estivants en route vers l’Espagne, le résultat, un littoral ravagé.
(Bruit)
Véronique Nizon
Voilà ce qui menace les côtes françaises :5 500 kilomètres de rivages en danger, convoités par le tourisme, convoités par les industries, les activités maritimes.Des enjeux économiques et financiers considérables.Un véritable mur de béton se profile au risque de voir disparaître les milieux naturels, un bord de mer privatisé par des constructions anarchiques.Pour arrêter ce massacre, enfin l'État se décide à agir, il imagine une loi, ce sera la loi littoral.Au début des années quatre-vingt, dans l’ombre, un homme travaille à la rédaction de cette loi.Lucien Chabason est haut fonctionnaire, pour lui, la Côte d’Azur sert d’exemple.
Lucien Chabason
Elle ne voulait plus ce que nous avons devant nous, c’est-à-dire l’urbanisation continue le long du littoral :sans aucune place réservée aux espaces naturels, aux paysages naturels,dont "le mur de béton", ce qu’on appelle "le mur de béton" à l’époque.Ce qu'on ne voulait plus non plus, c’était l’occupation des plages, du domaine public, des espaces très proches du littoral, une opération comme celle-là par exemple qui à l’époque a servi de révélateur à ce qui se passait sur le littoral.On voulait également la protection des sites les plus remarquables et qu’ils ne soient pas l’objet d’une colonisation aussi intense, qu’ils soient intégralement protégés.Et c’est cet ensemble qui a donné la loi littoral, c’est-à-dire qu’au fond on a fait une lecture de ce qui était en train de se passer sur le terrain depuis trente ans, et on en a pris le contre-pied.
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