Jean Giono à Serre-Ponçon
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Les travaux du barrage de Serre-Ponçon battent leur plein, les engins de chantier sont les héros du combat contre les flots de la Durance, ils se lancent à son assaut au son de la Walkyrie. Le reportage annonce le triomphe des hommes contre les deux fléaux que sont les crues et la sécheresse. La construction du plus grand barrage en terre d'Europe va commencer le lendemain. L'écrivain Jean Giono observe le ballet mécanique, dubitatif, sans doute inquiet, mais certainement en repérage pour le film qu'il est en train de préparer.
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04 avr. 1957
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En avril 1957, voilà plus d'un an que les travaux du barrage de Serre-Ponçon ont commencé. C'est la pièce maîtresse de l'aménagement de la Durance qui a été déclaré d'utilité publique le 5 janvier 1955. Il doit régulariser le débit d'une rivière soumise à des variations considérables entre les hautes eaux de printemps, dues à la fonte des neiges, et l'étiage. Financé en partie par le ministère de l'Agriculture, il doit permettre aussi de créer un réservoir pour l'irrigation des terres en aval, en même temps qu'il fournira de l'électricité à la région grâce à l'escalier de centrales que l'on a commencé à construire sur son cours et que l'on va prolonger jusqu'à la fin des années soixante-dix.
Le barrage de Serre-Ponçon est situé au confluent de l'Ubaye et de la Durance, entre les Hautes et ce que l'on appelle alors les Basses Alpes. Il va créer un lac de retenue de 2 830 ha, soit la dimension du lac d'Annecy. Deux villages, Savines et Ubaye, et treize hameaux seront submergés et 1 200 personnes, vivant pour l'essentiel de l'agriculture et de l'élevage, évacuées (voir La Nouvelle Durance : la conquête de l'eau en Provence et La mise en eau du barrage de Serre Ponçon). La digue elle-même, dont les travaux vont débuter, est un ouvrage gigantesque, haut de 123 mètres, situé à un étranglement de la vallée entre le Serre-Ponçon (Rousset, Hautes-Alpes), qui va donner son nom à l'ensemble, et le Serre de Monge (La Bréole Alpes-de-Haute-Provence). Il sera l'ouvrage de ce type (barrage-poids en argile compactée) le plus important d'Europe. La digue renfermera une centrale électrique souterraine, creusée sous plus de 100 mètres de rocher, dans le Serre de Monge. Les moyens mis en oeuvre sont évidemment considérables. De 2 à 3 000 ouvriers travaillent sur ce site et manipulent des engins de chantier, d'origine le plus souvent américaine, dont le gigantisme frappe bien plus à l'époque qu'aujourd'hui.
Le reportage, dithyrambique, comme il se doit à l'époque, joue sur le contraste entre le ballet mécanique infernal qui bouleverse la nature et le regard de Jean Giono, dont on sait l'attachement au monde rural et la méfiance à l'égard du progrès technique. L'écrivain, qui est la gloire de Manosque, n'a cessé de mettre en scène les paysages de Haute-Provence, les bergers et les paysans qui l'habitent. Le barrage bouleverse un univers qui, en grande partie, est le sien. Pourtant il a accepté de participer à un projet financé par EDF qui consisterait à filmer pendant quatre ans des travaux dont on sait qu'ils seront spectaculaires. Il le justifiera en disant : "Bien entendu, je ne suis pas partisan du barrage, mais j'ai trouvé là une vérité respectable et je m'y suis intéressé". Le projet d'une série de courts métrages, produite par les Films Caravelle qui ont déjà travaillé pour la Compagnie du Rhône, s'est transformé finalement en un long métrage que François Villiers réalisera et dont Giono a écrit le scénario avec Alain Allioux. La commande enjoint de filmer les grands travaux, mais laisse les auteurs libres de construire leur récit. Ce sera l'histoire à la fois des travaux que l'on voit s'échafauder au fur et à mesure des allers-retours de la transhumance entre La Crau et Montgenèvre et du combat d'une jeune femme - symbolisant la Durance - qui résiste à la cupidité des hommes, tandis que l'eau envahit le village d'Ubaye. Ce film, qui portera le titre d'un recueil de nouvelles que Giono a publié en 1943 (L'Eau vive), sera présenté au Festival de Cannes de 1958.
En avril 1957, on se trouve en plein tournage. Giono n'est pas là par hasard, mais pour repérer des scènes qui pourront être intégrées. La jeune héroïne du film, Hortense, ne refuse pas le progrès (elle va même jusqu'à acheter une télévision !). Elle représente en quelque sorte une paysannerie moderne qui va investir dans l'exploitation que son bien aimé tient dans la Crau (comme les eaux de la retenue qui bénéficieront au bas pays). Elle reflète peut-être la position partagée de Giono. Il n'en reste pas moins perplexe, peut-être effrayé, sans doute meurtri. Il écrira en 1958 en commentant les premières images du film : La Durance "est maintenant aux prises avec des gens qui parlent un langage d'Apocalypse, car les raisons qu'on veut lui faire entendre sont d'une audace qui aurait terrorisé les anciens et simples bâtisseurs de ponts et de digues. Il n'est plus question de la laisser faire à sa tête. Ce caractère qui s'est exprimé librement pendants des milliers d'années, on veut le briser. Celle dont on ne discutait pas le bon plaisir, on va la faire entrer en usine, la barrer, la canaliser, la turbiner, exiger d'elle non plus sa beauté, mais son travail. On la fouaillera, on la déchirera, avec des engins effrayants, surgis du plus dur d'une époque sans pitié".
Bibliographie : Jean Giono en collaboration avec Alain Allioux, Hortense ou l'eau vive, Paris, France-Empire, 1958.
Jacques Meny, Jean Giono et le cinéma, Paris, Ramsay poche cinéma, 1990.
Filmographie : L'Eau vive, Films Caravelle, réalisateur François Villiers, 1958.
Transcription
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