Maria Casarès joue Lady Macbeth à Avignon dans la mise en scène de Jean Vilar
Notice
Maria Casarès interprète le rôle de Lady Macbeth, dans Macbeth de William Shakespeare, mis en scène par Jean Vilar, dans la cour d'honneur du Palais des Papes en 1956, pour le 10ème festival d'Avignon. La mise en scène est une reprise : elle a été créée en 1954, toujours au Festival d'Avignon.
Éclairage
Jean Vilar (1912-1971) marque profondément le théâtre français de l'après-guerre. Formé par Charles Dullin (1885-1949), il mène vite de front le métier d'acteur et celui de metteur en scène. En 1947, à l'occasion d'une exposition montée dans le Palais des Papes d'Avignon, Jean Vilar est invité par René Char, Yvonne et Christian Zervós à organiser en septembre « une Semaine d'Art en Avignon », où il monte plusieurs spectacles dont Richard II de Shakespeare, pièce très peu connue en France. L'idée est reprise l'année suivante, mais cette fois en juillet : le Festival d'Avignon est né. Dès 1951, Jeanne Laurent, sous-directrice des spectacles et de la musique à la Direction générale des Arts et Lettres, donne à Jean Vilar la direction du Théâtre National de Chaillot à qui il redonne le nom de Théâtre National Populaire et qu'il dirige jusqu'en 1963. Le TNP et le Festival d'Avignon – qui présente alors au plus six spectacles – ont alors le même directeur et sont servis par la même troupe (Gérard Philipe, Maria Casarès, Jeanne Moreau, Michel Bouquet, Alain Cuny, Daniel Sorano, Philippe Noiret, Monique Chaumette...). Nous sommes loin alors des dizaines de spectacles présentés dans le Festival « In » et le « Off » n'existait pas encore ! Jean Vilar défend – à Paris comme à Avignon et dans toutes les villes de province et de banlieue qu'ils parcourt – l'idée d'un théâtre engagé, populaire, de grande qualité, alternant les chefs d'œuvre classiques comme le répertoire contemporain : « Inscrire Brecht à côté de Kleist, c'est accepter dans l'art du théâtre les contradictions de ce temps et donc ici d'être l'interprète de ce temps » (Jean Vilar)
William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme le plus grand auteur dramatique anglais du XVIe siècle (début du XVIIe). Il est la référence absolue lorsqu'on évoque le théâtre élisabéthain. Sa capacité à user de toutes les ressources de la poésie et de la scène, son aisance dans le mélange des genres et des registres de langues, sa liberté avec l'espace et le temps font de son œuvre éclectique « une source vive » [1] : des textes théâtraux d'une très grande richesse qui ne s'épuise pas, ne cessent de questionner le théâtre et d'attirer les metteurs en scène de toutes générations et d'univers artistiques très différents.
Représentée en 1605-1606, Macbeth de William Shakespeare est une tragédie inspirée des chroniques de Holinshed (c. 1525-1580) et traite de l'usurpation du pouvoir. Sur la lande, trois sorcières prédisent à Macbeth un destin royal et à son ami Banquo une filiation royale. Dès lors l'ambition, l'envie et la peur vont ronger de plus en plus Macbeth qui, soutenu et aidé par sa femme Lady Macbeth, va assassiner le roi Duncan et ordonner la mort de son ami Banquo, du fils de celui-ci et de bien d'autres (« le sang appelle le sang »). Lady Macbeth deviendra folle à cause du sang versé et Macbeth sera finalement tué au combat par Macduff, dont Macbeth avait fait poignarder la femme et le fils.
Le passage que nous voyons ici est un extrait de la scène de somnambulisme de Lady Macbeth : hantée par les crimes qui l'ont mise sur le trône, l'esprit vacillant sous le poids de la culpabilité, elle erre dans son sommeil, tentant désespérément d'ôter de ses mains le sang qui entache sa conscience.
Espagnole exilée en France depuis 1936, Maria Casarès (1922-1996) s'impose dans tous les registres, comiques ou dramatiques, classique ou contemporain (elle participe notamment à la création controversée des Paravents de Jean Genet en 1966 à l'Odéon dans la mise en scène de Roger Blin), tant au théâtre qu'au cinéma. Cependant on se souvient plus particulièrement d'elle dans les rôles tragiques et dramatiques. Elle a interprété notamment Elvire (Dom Juan de Molière) Chimène (Le Cid de Corneille), et les rôles-titres de Phèdre (Racine), Marie Tudor (Victor Hugo), Médée (Sénèque). L'extrait de la scène du somnambulisme de Lady Macbeth est tout à fait révélateur de l'engagement physique dont faisait preuve la comédienne, ainsi que de sa déclamation particulière qui s'harmonisait parfaitement avec le timbre de sa voix.
[1] Louis Lecoq / Catherine Treilhou-Balaudé, « Shakespeare », in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, dirigé par Michel Corvin, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2000.