L'essor immobilier du bassin de Longwy

Longwy, aux portes du Grand-Duché du Luxembourg et de la Belgique, a connu une histoire mouvementée liée à sa position frontalière et se situant au cœur du bassin ferrifère. Depuis la fermeture des dernières mines de fer et des aciéries, le bassin de Longwy a connu un lent déclin démographique et économique jusque dans les années 90. Le projet du Pôle Européen de Développement en 1985 qui prévoyait la création d’un Parc International d’Activité pour aider à la reconversion de ce bassin industriel transfrontalier, n’a pas apporté le renouveau économique escompté. En revanche, du côté luxembourgeois, le développement économique s’est poursuivi et le marché de l’emploi est devenu florissant et recrute aujourd’hui au-delà des frontières. Offrant des revenus bien supérieurs à ceux des pays voisins, le Luxembourg accueille près de 200 000 travailleurs frontaliers (en 2020), dont un peu plus de la moitié viennent de Lorraine (103 600), alors qu’ils n’étaient que 7 000 en 1968, 31 000 en 1990, 62 000 en 1997 et enfin 95 000 en 2007. Les communes à proximité de la frontière sont assaillies de demandes de logements. S’il n’y avait que deux agences immobilières à Longwy en 2000 puis une dizaine en 2004, il y en a 20 aujourd’hui. Se loger devient un vrai casse-tête pour ces Lorrains qui cherchent à se rapprocher de leur lieu de travail, mais aussi de plus en plus pour les Luxembourgeois qui viennent s’installer en France. Comme le souligne Marie-Pascale Hilaire, notaire à Longwy en  2005, cette clientèle spécifique recherche de l’immobilier ancien de grande qualité (comme des maisons de maître) ou bien présente des projets de logements ambitieux qui rompent avec l’habitat traditionnel. Dès 2005, les prix du foncier et de l’immobilier avaient déjà considérablement augmenté : une maison de cité qui coûtait 12 000 euros en 1990, en valait 100 000 en 2005 et le prix du terrain avait augmenté de 40 % entre 2000 et 2005. Les prix n’ont cessé de s’envoler et cela est devenu un vrai luxe de se loger, surtout pour les populations qui travaillent en France et qui ont des salaires moindres. Ces territoires urbains peuvent alors être confrontés à une ségrégation socio-spatiale importante laissant d’une part les logements des anciennes cités minières ou des grands collectifs des années 50-60 à des populations aux revenus modestes, voire sans emploi (taux de chômage à Longwy : 18,7 % en 2018) et créant d’autre part de riches quartiers pavillonnaires sur d’anciennes friches industrielles ou en périphérie.

Longwy la sinistrée serait ainsi devenue Longwy la belle endormie selon le journaliste, Eric Molodtzoff ; ce que soulignait déjà en 1996 Christian Schulz, l’agglomération fait de plus en plus ville dortoir à l’ombre de Luxembourg dans la Revue Géographique de l’Est (tome 36, n°2). 

Aujourd’hui, de nombreux projets changent le visage de Longwy pour la rendre plus attractive. D’ambitieux aménagements urbains sont en cours (embellissement du centre-ville où réapparaît la Chiers, rivière qui était jusque-là recouverte) et les réalisations se diversifient dans le domaine culturel, éducatif ou encore touristique avec la valorisation de son patrimoine architecturale militaire et industrielle (comme les fortifications de Vauban) pour faire de la cité « Longwy la belle attrayante ». Son développement ne devrait plus reposer que sur la fonction résidentielle, même si la demande de logements pourrait encore s’intensifier dans les années à venir puisque 320 000 emplois devraient être créés d’ici 2055 et le nombre de frontaliers lorrains atteindraient 135 000 d’ici 2030 et 220 000 d’ici 2055 ! Longwy peut espérer un bel avenir au sein d’une vaste agglomération transfrontalière en « sortant de l’ombre » et en s’associant au développement de sa proche voisine, l’écocité Alzette-Belval, autre projet ambitieux initié au début des années 2000 dans le cadre de la reconversion de friches sidérurgiques autour des communes d’Esch-sur-Alzette et Sanem du côté luxembourgeois et, entre autres, Villerupt et Audun-le-Tiche du côté français. 

• Christian Schulz, « L'agglomération transfrontalière du Pôle Européen de Développement (P.E.D.) Longwy-Rodange-Athus. Expériences et perspectives d'un programme trinational de restructuration économique », Revue Géographique de l’Est, tome 36, n°2, 1996.