Dynamitage des deux derniers hauts-fourneaux de Longwy
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Les deux derniers hauts-fourneaux du bassin de Longwy viennent d'être dynamités sous les yeux d'anciens sidérurgistes du site émus de voir disparaître ces vestiges du passé industriel du Pays Haut.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
19 juil. 1991
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Contexte historique
ParDoctorant en Histoire, Crulh, Université de Lorraine
Dans cette séquence du journal télévisuel Lorraine soir tournée en 1991 on assiste à la destruction des deux derniers hauts-fourneaux du bassin industriel de Longwy, situés sur l’ancien site de l’usine de Senelle. Le reportage s’ouvre sur le dynamitage et la chute d’une première cheminée. Mais tout ne se passe pas comme prévu indique le journaliste en voix off, puisque la seconde cheminée, quant à elle, refuse de céder. Ironie du sort commente le journaliste, voyant dans cette résistance à la démolition un symbole de « pugnacité » de la part du dernier vestige de « l’âge d’or » industriel de la région. Il ne faudra pas moins de trois tentatives pour venir à bout de l’ultime haut-fourneau de Longwy.
En 1978, le bassin de Longwy compte encore plusieurs milliers d’ouvriers sidérurgiques répartis sur trois sites industriels majeurs, la Chiers, la Providence-Réhon et Senelle. A cette période, les hauts-fourneaux, les tubes d’acier et la fumée épaisse quadrillent le paysage. Treize ans plus tard, en 1991, date à laquelle le reportage est tourné, la majorité des installations industrielles du bassin ont été démolies par les entreprises propriétaires des terrains. Entre-temps, à Longwy, prise dans la tourmente d’une crise de surproduction européenne, la sidérurgie a été démantelée. Cela s’est fait en deux temps, une première salve de fermetures en 1979 puis une deuxième en 1984. Ensuite, s’est posée la question du devenir des friches industrielles, laissées à l’abandon. Que faire de ces cathédrales d’acier rongées par le temps et l’inactivité, de ces hectares d’usines où plus rien ne se passe ? Rapidement, les pouvoirs publics optent pour la destruction des infrastructures sidérurgiques arguant du coût trop élevé d’une réhabilitation des bâtiments et d’une dépollution des sites. C’est d’ailleurs ce que souligne « le gestionnaire des friches d’Unimétal » à la fin du reportage, aucun repreneur, public ou privé, ne s’est présenté pour acquérir les terrains sur lesquels sont construites les infrastructures industrielles. La destruction des deux derniers hauts-fourneaux s’inscrit ici dans une politique globale de destruction des sites laissés à l’abandon. Dès 1986, l’usine de La Chiers est rasée et les démolitions vont scander la vie du bassin dans les années qui suivent. Cette politique de « remise à zéro » des friches se fait malheureusement en surface et de façon pragmatique : la ferraille est revendue, tout comme certaines pièces encore utilisables et les matériaux qui peuvent l’être, sont recyclés. Les sous-sols en revanche, ne bénéficient que rarement d’une procédure de dépollution. Bien souvent, les fondations et les réseaux de structures souterraines sont laissés en l’état. On comprend ici la dimension symbolique et politique de ces démolitions. L’action des pouvoirs publics répond à un double intérêt : effacer les stigmates rouillés de la crise industrielle pour ne pas donner à la région une image de « territoire sinistré » et surtout retirer les hauts-fourneaux de la tête des sidérurgistes lorrains
selon l’expression du Préfet à la réindustrialisation Jacques Chérèque afin de sortir du cycle de protestation social qui a accompagné les fermetures d’usines et ainsi amener les travailleurs à accepter la reconversion industrielle du territoire.
Après la démolition des deux derniers hauts-fourneaux en 1991, il ne reste plus que les grands bureaux de la Chiers et les Soufflantes pour témoigner du passé sidérurgique de la région. Une des deux cheminées sera néanmoins conservée couchée. Elle va demeurer ainsi, dernier vestige rouillé de l’immense usine de Senelle, épave vouée à la disparition, jusqu’à être intégrée à un parcours de golf en 2011. Cet événement polémique ravivera le débat autour de la mémoire industrielle de la région.
Après les images de destruction, le reportage donne la parole aux ouvriers et à leurs familles venues assister à ce qu’il considère être un enterrement
. C’est l’amertume et la tristesse qui domine dans ces témoignages. Une fille d’ouvrier dénonce l’absence de politique de conservation de ce patrimoine industriel, tandis qu’un homme déplore une spirale de destruction
. Quelques années seulement après la fin de l’activité sidérurgique à Longwy, le choix est fait de faire table rase de ce passé récent et ainsi espérer une rapide sortie de crise. Les pouvoirs publics misent alors beaucoup sur le Pôle Européen de développement, récemment crée sur l’espace des Trois Frontières, pour attirer de nouvelles entreprises qui viendront remplacer les hauts-fourneaux et les aciéries. Le temps n’est pas encore à la patrimonialisation de cette histoire si caractéristique du bassin de Longwy au XXe siècle. Pour autant, une concurrence mémorielle commence à poindre à propos de cette histoire de la sidérurgie, entre ceux qui y ont consacré leur vie et qui souhaitent la valoriser et d’autres pour qui la sortie de crise passe par la disparition de cette héritage devenue trop encombrant. Si, à Longwy, il faut attendre le début du siècle suivant pour voir émerger un processus de patrimonialisation menée par les pouvoirs publics, cette dynamique s’observe plus tôt sur d’autres sites de la région des Trois Frontières. C’est notamment le cas à Uckange dans la vallée de la Fensch, où un haut-fourneau, le U4, a été transformé en parc d’activité culturel dans les années 1990 après avoir été classé au patrimoine mondial de l’Unesco ; et à Esch-Belval au Luxembourg où l’ancienne usine sidérurgique de Belval a été intégrée à un nouveau quartier de la ville comprenant notamment le campus principal de l’université du Luxembourg. Ces deux exemples traduisent un rapport à la mémoire industrielle différenciée. En effet, si le projet U4 s’est fait en collaboration avec une partie des anciens ouvriers de l’usine qui officient aujourd’hui en tant que guides, le projet de Esch-Belval s’est quant à lui développé sans les communautés ouvrières. Les éléments de l’usine servent aujourd’hui de support architectural à des instituts de recherche technologique de pointe. L’histoire sociale des communautés ouvrières, constitutive de cette histoire industrielle, y a été en partie évacuée.
Bibliographie
- Jean-Louis Tornatore, L’invention de la Lorraine industrielle. Note sur un processus en cours, Ethnologie française, vol. 35, 2005, pp. 679 à 689.
Transcription
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