Le putsch des généraux : les débuts

26 avril 1961
03m 26s
Réf. 00224

Notice

Résumé :

Le samedi 22 avril 1961, les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud s'emparent d'Alger avec l'appui du 1er régiment de parachutistes. La résistance se met en place en métropole.

Date de diffusion :
26 avril 1961
Date d'événement :
22 avril 1961

Éclairage

Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, le 1er régiment étranger de parachutistes s'empare d'Alger, arrête le général en chef Gambiez et le délégué général Morin. Le plan initial comportait des coups de force simultanés à Alger et à Paris. Mais le général Challe ordonne au général Faure de ne rien entreprendre à Paris sans son ordre. A Alger, Challe, Zeller et Jouhaud, rejoints par Salan le 23, proclament un "Conseil supérieur de l'Algérie" pour tenir leur serment de garder l'Algérie française. Cette tentative de putsch échoue en quatre jours. A Paris, l'arrestation du général Faure décapite le complot dès le matin du 22 avril.

De Gaulle attend le soir du 23 pour improviser une allocution qui rappelle en termes énergiques les soldats du contingent à leur devoir d'obéissance. Peu après, le Premier ministre Michel Debré dramatise la situation en appelant les Parisiens à se rendre vers les aéroports, "à pied ou en voiture", pour empêcher le débarquement des parachutistes. Le 25, Challe se rend. Il sera condamné par le Haut Tribunal militaire à quinze ans de détention, comme le général Zeller qui se rendra plus tard. Salan et Jouhaud rejoignent l'OAS dans la clandestinité.

Pour l'historien G. Pervillé, "le putsch n'avait guère de chances de réussite, étant donné la forte personnalité du général de Gaulle et le soutien massif de l'opinion métropolitaine. De plus, il n'avait pas de perspective politique claire. Au plan initial consistant en la prise du pouvoir à Paris, Challe avait naïvement préféré utiliser l'armée française pour gagner la guerre en trois mois et remettre l'Algérie à la France sur un plateau d'argent" ["Le putsch des généraux", in Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, J-F Sirinelli (dir.), PUF, 1995].

Ce document est diffusé le lendemain de la reddition de Challe. Le putsch a échoué, tout danger est écarté. Pourtant, tout se passe comme si les esprits n'étaient pas encore remis de leur frayeur. C'est du moins l'impression qui se dégage du commentaire. Loin de dissiper l'angoisse des Français, il la réactive en évoquant, heure par heure, le "drame qui agite aujourd'hui la France", le "gouffre où risquait de s'enliser le pays". Les mots "drame" et "dramatique" sont répétés respectivement trois et deux fois. Portée par la musique, la dramatisation, atteint son comble avec l'appel à l'aide du général de Gaulle : "Françaises, Français, aidez-moi !". Puis, le commentateur fait revivre l'angoisse suscitée par la rumeur d'un débarquement des "paras" : "Pour compléter leurs chances, les rebelles tenteraient-ils un raid sur Paris ?"

Tout en jouant sur la peur, le commentateur rend hommage au civisme du "peuple de Paris" ("C'est par milliers qu'on put compter les engagements réclamés pour seconder les forces de l'ordre"), salue l'action efficace du gouvernement et le soutien apporté par les syndicats. Les Actualités Françaises vibrent à l'unisson des Français, comme le montre le commentaire final, exalté : "la France toute entière, en ces heures lourdes, a marqué qu'elle était d'accord avec son chef".

Œuvre de propagande destinée à ressouder la nation derrière le Général, en jouant sur la peur et la fibre patriotique, ce document témoigne de la fidélité des Actualités Françaises à la ligne gaullienne. Si la télévision a tenu un rôle, l'épisode du putsch d'Alger reste comme la "victoire du transistor" : l'échec du putsch est attribué à la radio, qui a assuré au général de Gaulle la fidélité du contingent. D'où un gros plan sur un poste à transistor, grâce auquel les soldats du contingent ont pu prendre connaissance de l'appel du Général.

Eve Bonnivard

Transcription

Commentateur
Le calme d'Alger était trompeur : soudainement Alger a basculé dans un drame qui agite aujourd'hui la France et, au-delà des frontières, le monde attaché à la solution du problème algérien mise en route par le général de Gaulle. Les Français ont soudain découvert le gouffre où risquait de s'enliser le pays lorsqu'à l'Elysée, à la sortie d'un conseil des ministres convoqué d'urgence, la nouvelle fut annoncée et que le ministre de l'Information, Monsieur Louis Terrenoire, déclara aux journalistes :
Louis Terrenoire
il a été décidé de déferrer à la justice militaire les généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller, ainsi que le colonel Godard.
Commentateur
A ce moment, le général Salan, en Espagne, combinait son départ pour Alger. Le pouvoir était tombé aux mains de 4 généraux qui s'étaient saisis d'Alger puis d'Oran, enfin de Constantine. Le délégué général, Monsieur Jean Morin, était prisonnier des rebelles ainsi que le général Gambiez, commandant en chef.
(Silence)
Commentateur
Monsieur Louis Joxe, ministre de l'Algérie, après une mission de 24 heures, revenait à l'Elysée faire son rapport. Et les Français, au soir du 23 avril, entendaient à la radio la voix du général de Gaulle.
Charles (de) Gaulle
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis : tous les moyens, soient employés partout pour barrer la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français, et d'abord à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres. Françaises, Français, voyez où risque d'aller la France par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir. Françaises, Français, aidez-moi !
Commentateur
Pour compléter leurs chances, les rebelles tenteraient-ils un raid sur Paris ? Dans la nuit, une dramatique partie se déroulait où le sort de la nation était en jeu. Des chars prenaient position aux points stratégiques et le peuple de Paris était appelé à tenir son rôle dans ce drame inattendu. C'est par milliers qu'on put compter les engagements réclamés pour seconder les forces de l'ordre. Le gouvernement avait pris ces mesures de sauvegarde et assuré la sécurité nationale.
(Silence)
Commentateur
Le jour se leva sur une floraison de titres dramatiques. Vide sur les aérodromes, tout trafic était suspendu ; il devait reprendre partiellement. Pistes qui demeuraient vides, prêtes à être encombrées de camions pour empêcher tout atterrissage. A la nuit de fièvre avait succédé une journée de fièvre : une grève d'une heure marquait la décision des centrales syndicales d'aider dans son oeuvre le chef de l'Etat ; et cette heure d'inaction fut le signe le plus évident de l'accord national. Pendant une heure, d'un consentement général, tout s'arrêta. Ce référendum valait les autres : la France toute entière, en ces heures lourdes, a marqué qu'elle était d'accord avec son chef.