Le village de Goncourt : faire rayonner le patrimoine littéraire en région
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Résumé
Petit village de Haute-Marne peuplé de 279 habitants, Goncourt est devenu célèbre grâce aux deux frères qui donnèrent son nom à l’illustre prix. L’enjeu est de continuer à faire rayonner ce berceau littéraire afin de dynamiser le territoire.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
31 juil. 2018
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Contexte historique
Par
Antoine Huot, garde-marteau des Eaux-et-Forêts à Bourmont, acquiert en 1786 la propriété familiale située à Goncourt, en Haute-Marne. Louis XVI confirme en 1787 par lettres patentes l’acte de vente de la seigneurie dont la famille tire son nom. Il est l’arrière-grand-père des célèbres frères qui continuèrent à fréquenter la région, les fermages dont ils étaient propriétaires et leur famille même une fois célèbres. Journalistes au départ, auteurs de théâtre, de romans et d’un célèbre journal, cette fratrie offre l’exemple unique dans l’histoire de la littérature d’une écriture à quatre mains. Le célèbre prix fut créé par le testament d’Edmond de Goncourt, en 1892. Dès 1862 les deux frères décident qu’après leur mort, leurs biens (collections de livres et d’objets d’art), une fois vendus aux enchères, permettront de financer la création d’une “académie” dont les membres seront rémunérés par les intérêts du capital qui aura fructifié. Dix hommes de lettres membres de cette académie pourraient ainsi toucher une rente annuelle et décerneraient le fameux prix lors d’un dîner en décembre, récompensant de 5 000 francs le lauréat.
Un nouveau testament est établi en 1892 par Edmond de Goncourt suite au décès de son frère, Jules, en 1870. L'Académie ne voit le jour qu’en 1900 car une longue procédure judiciaire est engagée par la famille qui s’oppose à sa création. Fondée officiellement en 1902 (après la publication de ses statuts), la société littéraire des Goncourt remet son premier prix, qui récompense « le meilleur ouvrage d’imagination en prose, paru dans l’année », le 21 décembre 1903. Le prix Goncourt est le plus ancien des prix littéraires français et aussi le plus prestigieux en terme de tirages : de l’ordre de 300 000 à 400 000 exemplaires. S’il ne rapporte qu’un chèque symbolique de 10 euros, il permet en général une reconnaissance et un rayonnement important au lauréat.
Sorte de « gémellité littéraire » inédite dans l’histoire de la littérature française, les deux frères se faisaient appeler Juledmond. Il semblerait que la vocation littéraire était davantage le propre de Jules. Au moment de sa mort, Edmond poursuivit la rédaction de leur Journal, description satirique de leurs contemporains. Il entreprit également de collectionner un certain nombre d’œuvres d’art, une passion héritée de son grand-père, Jean-Antoine Huot de Goncourt et dont la vente financera en partie l’Académie dans ses premières années. Edmond s’illustra surtout dans la découverte de l’art japonais.
Le village d’origine des deux frères s'efforce de perpétuer la mémoire de ce berceau littéraire. Ainsi, commerces, médiathèque, cafés font rayonner l’illustre nom des Goncourt. Le reportage aborde la question de la valorisation du patrimoine artistique et ici littéraire, dans les territoires de la région Grand Est, où l’on peut également visiter la maison natale de Paul Verlaine à Metz, ou encore le château de Cirey-sur-Blaise, ancienne demeure de Voltaire et d’Emilie du Châtelet.
C’est par le volontarisme politique d’André Malraux, alors ministre d’Etat des Affaires culturelles, qu'un cahier des charges est fixé par le décret d’Inventaire des monuments et des richesses artistiques de la France en 1964. Il s’agit de comptabiliser les œuvres du territoire national et de favoriser leur rayonnement. Mais cet inventaire doit naturellement s’ancrer dans une politique régionale. En 1982, la Champagne-Ardenne est ainsi dotée d’un service régional de l’Inventaire.
La mise en valeur du patrimoine comporte ainsi quatre fonctions essentielles : inventorier (sauver la mémoire du patrimoine national), protéger, conserver et valoriser. La valorisation du patrimoine culturel en région peut passer par diverses stratégies, notamment des expositions ou aussi des publications et des outils pédagogiques (comme le montre le reportage à la médiathèque de Goncourt). Ainsi, l’Inventaire Général va développer une collection d’ouvrages scientifiques et grand public pour favoriser le tourisme culturel, des Indicateurs et des Images à la fin des années soixante-dix, des Cahiers puis des Itinéraires. Il s’agit aussi de développer les partenariats entre services régionaux de l’Inventaire et collectivités locales.
Cette politique est de nature à favoriser le développement économique et touristique d’une région. Des dispositifs tels que « Pôles d’Economie du Patrimoine » ou des labels du type « Villes et Pays d’Art et d’Histoire » permettent également cette mise en valeur. Des initiatives privées, comme nous le voyons également dans le reportage, telle l’association Goncourt, Histoire et Patrimoine ont également un rôle à jouer. La valorisation des Maisons des illustres acquiert par ailleurs ses lettres de noblesse officielles par la création en 2011, par le ministère de la Culture, d’un label dont la fonction est de conserver et transmettre la mémoire d’hommes et femmes illustres tant dans le domaine politique que social ou culturel, comme c’est le cas ici.Hormis la reconnaissance officielle de l’intérêt patrimonial de ladite maison, un certain nombre de règles président à l’obtention de ce label, comme l’ouverture au public un minimum de quarante jours par an ou sa vocation non essentiellement commerciale. Par ailleurs, ledit personnage célèbre doit y avoir vécu et bénéficier d’une certaine aura au plan national.
On peut dire que cette valorisation du patrimoine culturel régional est emblématique de la politique de décentralisation favorisée par de nouvelles dispositions législatives, entreprises dès 2001 par les protocoles de décentralisation culturelle, et dont le succès permit dès 2004 le transfert de la conduite des opérations d’inventaires de l’Etat (Direction Régionale des Affaires Culturelles) aux régions, effectif en Champagne-Ardenne dès février 2007.
Éclairage média
Par
Albert Ruiz, maire du village auquel le reportage donne la parole, explique l’arrivée de la famille Huot à Goncourt et l’achat par l’arrière-grand-père de la propriété au sud du village. Se construit alors à l’écran l’imagerie de tout un village, épicerie, café mais surtout médiathèque, centrée sur la valorisation de ce patrimoine littéraire. Le reportage titre bien « village littéraire » et la présentatrice parle d’un haut lieu touristique. En effet, inauguré en 2013, un espace de 158m2 abrite un hall d’accueil et d’information touristique et une salle de rencontre et d’exposition qui présente la collection complète des prix Goncourt abritée à la médiathèque. Cette structure a été créée avec le soutien de la Bibliothèque départementale de prêt et la médiathèque départementale de Haute-Marne qui y effectue régulièrement de nouveaux dépôts. Le rayonnement du site de Goncourt en Haute-Marne subit une rude concurrence car c’est plutôt l’ouest du département qui est visité, et notamment deux hauts-lieux où vécurent des hommes illustres : Colombey-les-Deux-Eglises, le site de la Boisserie où domine la figure du Général de Gaulle et son Mémorial, ainsi que Langres où naquit Denis Diderot. Les assises du tourisme de 2015 attestent d’une volonté d’accorder une part encore plus large à ces lieux déjà très fréquentés, vraisemblablement au détriment de sites plus confidentiels dont il n’est pas vraiment question. Par ailleurs, l’oeuvre des frères Goncourt présente le paradoxe d’être assez peu connu et lu du grand public, là où le prix est lui bien plus réputé.
Le deuxième témoin convoqué à l’image, Catherine Roumane, membre de l’association Histoire et Patrimoine de Goncourt, fondée en 1992, explicite le rôle de la médiathèque. Cette dernière expose et archive les œuvres des frères Goncourt eux-mêmes, de leurs textes de théâtre, généralement peu connus mais aussi du célèbre Journal en trois volumes rédigé d’abord à quatre mains des années 1850 jusqu’à la mort de Jules, puis jusqu’en 1896 par Edmond, ainsi que l’ensemble des prix Goncourt attribués depuis 1901.
Le reportage ouvre sur l’intérêt accordé par les académiciens au village et notamment celui d'Hervé Bazin, venu inaugurer un foyer de jeunes. Il décida à sa mort de léguer l’ensemble de sa bibliothèque au village. Hervé Bazin, connu pour ses romans autobiographiques, comme Vipère au poing ou La Mort du petit cheval, fut élu membre de l’Académie Goncourt en 1960, au couvert de Francis Carco. Il en devint le président en 1973 et contribua au rayonnement du prix en créant le Prix Goncourt des lycéens, en 1988.
Les statuts de l’Académie Goncourt datent de 1903. A partir de 1914, la réunion de l’Académie Goncourt se déroule chez Drouant, restaurant fréquenté à la fin de sa vie par Edmond de Goncourt. Ce n’est qu’en 1961, et pour faire pendant aux fauteuils de l’Académie française, que furent créés les légendaires dix couverts gravés au nom de leurs titulaires et de leur prédécesseur. Les archives de l’Académie Goncourt étaient conservées jusqu’en 1988 à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, et furent transférées à cette date à Nancy, ville de naissance d’Edmond de Goncourt, en 1822. Une autre marque de la politique de décentralisation culturelle entamée dans les années 60.
Transcription
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