Les Ungerer : artiste de père en fils
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Résumé
À l’occasion de la publication en 2002 de son ouvrage De père en fils, Tomi Ungerer (1931-2019), peintre, dessinateur, illustrateur et auteur alsacien, montre diverses œuvres de son père et de ses aïeux. Il souligne les ressemblances avec ses propres œuvres et s'interroge sur l'hérédité du talent.
Langue :
Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
28 mars 2002
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- 00273
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Éclairage
Contexte historique
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
Publication : 01 sept. 2021
Lors de la réalisation de ce reportage, Tomi Ungerer est âgé de 71 ans. C’est alors un artiste connu et reconnu qui a commencé sa carrière près de cinquante ans plus tôt et dont les œuvres se comptent par milliers. Alors qu'il partage son temps entre l’Irlande et Strasbourg, il redécouvre à la fin des années 1980 les créations de ses ancêtres et se lance progressivement dans la rédaction de sa biographie familiale. Les différents documents montrés dans le reportage permettent de revenir sur l’œuvre et la carrière protéiformes de l’artiste.
Candidat malheureux aux Arts décoratifs de Strasbourg, il devient par nécessité dessinateur publicitaire pour des entreprises alsaciennes d’abord, puis aux États-Unis où il arrive en 1956. Après des débuts difficiles, ses dessins rencontrent un succès foudroyant. Il se lance alors dans la création de livres illustrés pour enfants dont les plus connus sont Les Trois Brigands en 1961 ou encore Jean de la Lune en 1969. Ces deux albums ont été traduits dans 40 langues et publiés sur tous les continents. Ses publications dans de prestigieuses revues new-yorkaises rencontrent autant de succès. Dans le même temps, il commence aussi à réaliser des dessins critiques à l’encontre de la société américaine. En 1971, il quitte les États-Unis pour le Canada, puis s’installe définitivement en Irlande en 1976. Auteur de centaines d’affiches politiques, publicitaires ou culturelles, il se taille une réputation de dessinateur satirique avec des publications percutantes d’une rare force graphique. Ses représentations sans concession révèlent son engagement contre toutes les formes de dictature et d’injustice : la ségrégation, le militarisme ou encore le nucléaire. Les dessins érotiques, également produits par centaines, constituent un autre domaine de prédilection de l’artiste, confirmant encore son imaginaire débridé. Dans les années 1980, Tomi Ungerer renoue avec son passé alsacien et publie des recueils de dessins revisitant la culture alsacienne mais aussi germanique dont il se sent également proche.
Ses œuvres sont aujourd’hui en grande partie visibles au musée Tomi-Ungerer de Strasbourg, inauguré en 2007. Sa collection, qui comprend des milliers de dessins originaux et estampes mais aussi des jouets, provient de plusieurs donations effectuées depuis 1975 par l’artiste à sa ville natale.
Ce portrait de Tomi Ungerer se prête avec pertinence à l’étude du thème « Histoire et mémoire » du programme d’« Histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques » en classe de terminale, et ce à double titre. D’une part, l’artiste a été marqué dans son enfance par la Seconde Guerre mondiale. Annexée par le IIIe Reich, l’Alsace a été brutalement nazifiée, contraignant les écoliers, dont Tomi Ungerer, à subir un endoctrinement systématique dans leurs apprentissages. Toute sa vie, Tomi Ungerer s’est souvenu des chants nazis appris avec ses camarades d'instituteurs zélés. D'autre part, l’ouvrage Otto (1999) permet d’appréhender l’histoire et les mémoires du génocide des Juifs. Otto, un ours en peluche, raconte comment il est confié par un petit garçon juif à son meilleur ami allemand le jour où toute sa famille doit partir avec « des hommes en manteau de cuir noir ». Puis l'ours vivra de multiples péripéties et sera confronté au nazisme, à la guerre ainsi qu'au retour outre-Atlantique des soldats noirs et à la misère des grandes métropoles américaines.
Éclairage média
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
Les réalisateurs ont choisi de montrer Tomi Ungerer sans commentaire journalistique, privilégiant son témoignage, qu'ils illustrent d'œuvres et photos nombreuses et variées. Les premières images montrent l'artiste dédicaçant Erotoscope (2001), un recueil de dessins érotiques ; dans sa signature, ce dernier intègre un phallus. D’emblée, c’est cet axe de la production de l’artiste qui semble privilégié. L’ouvrage est feuilleté à plusieurs reprises au fil du reportage, contribuant à souligner la créativité et la prolixité de l'auteur. L’objet en verre posé sur la table basse du séjour témoigne aussi des talents de sculpteur de Tomi Ungerer. Il représente une langue ou un phallus, selon la position dans laquelle il est posé.
Viennent ensuite des photos renvoyant à l’enfance de l’artiste dans une famille bourgeoise alsacienne, comme le révèlent l’environnement et la tenue des personnages. Des clichés représentant Tomi Ungerer avant la mort de son père, entouré de ce dernier, de sa mère ainsi que de son frère et de ses sœurs, visent à souligner le traumatisme vécu par le jeune garçon. Non légendé, le portrait d’enfant au bord de l’eau doit vraisemblablement dater d’après 1935, quand la famille s'installe dans la maison familiale maternelle près de Colmar.
Succèdent une série de croquis d’horloges réalisés par Ungerer père et d’images filmées de l’horloge astronomique de Strasbourg pour rappeler la dynastie d’horlogers dont l’artiste est issu. Son intérêt pour la mécanique se retrouve dans sa passion pour les jouets, en premier lieu mécaniques. La boîte à musique qu’il actionne avec émotion à la fin du reportage en atteste. Les plans de la maison familiale située dans le quartier des Contades à Strasbourg permettent de rappeler les compétences architecturales mais aussi esthétiques du père tout en suggérant la nostalgie de l’artiste pour la demeure de son enfance.
C’est alors que sont enfin montrés des peintures, croquis, gravures et autres dessins des ancêtres de Tomi Ungerer, principalement de son père. Systématiquement, des pendants avec les œuvres propres de l'artiste sont établis, surtout pour les représentations féminines, plus ou moins équivoques.
Le reportage s’achève par une évocation du « beau jardin » dans lequel le père de Tomi Ungerer invitait son épouse à le rejoindre alors qu’il était mourant. L'artiste lui oppose une vision de « champ de bataille » révélant que l’un et l’autre ne partageaient pas les mêmes souvenirs des guerres endurées. Profondément traumatisé par les conflits du XXe siècle, Tomi Ungerer dénonça sans relâche le militarisme, s’engagea pour la construction européenne, le pacifisme et le rapprochement entre les peuples, à commencer ceux de France et d’Allemagne.
Transcription
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Journaliste
En partant aux Etats-Unis, le célèbre illustrateur alsacien Tomi Ungerer laisse derrière lui des caisses remplies des oeuvres de ses ancêtres.De retour au pays, et de retour sur lui-même, il explore ce patrimoine familial et se persuade qu’il existe une transmission génétique de la fibre artistique.
Tomi Ungerer
Tout le monde parle de moi, je suis célèbre, on connaît mes livres en Corée, en Chine.Mais mon père, on ne le connaît pas.Et sans mon père, sans mon grand-père, je ne serais pas ce que je suis.Chacun veut connaître son père, qu’on l’ait connu vivant ou qu’on l’ait connu mort.Moi, j’ai perdu mon père à l’âge de 3 ans et demi.Bon, moi je le connaissais, d’après ce qu’on m’a raconté dans la famille, évidemment tout était idéalisé, c’était l’homme parfait, c’était l’homme étonnant.Alors le grand chef d’oeuvre de mon père, ça a été l’horloge astronomique de Messine.Il était vraiment la continuation d’une dynastie de maîtres horlogers astronomes.
(Musique)
Tomi Ungerer
L’horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg, c’est connu.Elle n’a pas fonctionné pendant des siècles.Et c’est Schwilgué, ce génie, qui a décidé de remettre cette horloge astronomique en marche.Il avait deux assistants, deux frères Ungerer, c’était donc mes ancêtres.Dans cette famille, il y avait toujours un élément essentiellement mécanique.Mais, dans les papiers que j’ai redécouverts, il y avait aussi un élément artistique.Il faut voir que tous ces gens, tous mes ancêtres, ils ont tous dessiné.Ça c’est un dessin de mon grand-père ;ça c’est le dessin de mon arrière-arrière-grand-père qui, lui, était donc l’assistant de Schwilgué.Regardez ce dessin aussi, justement encore de mon arrière-arrière-grand-père, on dirait presque un Rodin.Moi, j’ai retrouvé donc [inaudible] il y a une dizaine, douzaine d’années justement ces boîtes avec ces dessins.Puis j’ai découvert donc tous les talents de mon père.Alors, il dessinait, constamment.Toutes les techniques y passaient :la gravure sur cuivre, l’aquarelle, la peinture à l’huile, c’était complètement un touche-à-tout.
(Musique)
Tomi Ungerer
Il était aussi architecte, il a vraiment conçu la maison où nous nous trouvons.Regardez son premier plan de la maison, c’était déjà un palace.Alors là, bon, évidemment il a dû réduire, il a dû réduire son format.Vous retrouvez des petites esquisses érotiques.Ce qui m’a beaucoup intrigué, c’est quand même cette femme avec son fouet et ses bottes.Alors là vraiment, je me demande comment mon père réagirait sur cette oeuvre de son fils.
(Musique)
Tomi Ungerer
Son grand sujet, c’était ma mère, c’est les tout premiers dessins de ma mère.Déjà, c’était très osé à l’époque une chose pareille, très osé.Mademoiselle, c’est comme un coup du ciel que je considère de vous avoir rencontrée ici à Colmar, car en vous j’ai trouvé mon idéal.
(Musique)
Tomi Ungerer
De là, il se dessine avec lui et maman, n’est-ce pas, ils se tiennent dans les bras.Alors, regardez le cadre, qu’est-ce qu’il y a au bout du cadre, il y a une chauve-souris, vous voyez ce que je veux dire ?C’est exactement le genre de chose que j’ai fait.En découvrant l’oeuvre de mon père dans son détail, eh bien je me suis quand même retrouvé moi-même.Par exemple, la silhouette de mon père, mais regardez l’affiche du chat, ça se retrouve.Alors là on voit un arbre par le père, et un arbre par le fils.J’ai vraiment l’impression que mon père est parti et il m’a laissé ses talents.
(Musique)
Tomi Ungerer
Et c’est vraiment très curieux dans la famille, parce que j’ai actuellement combien, trois, quatre, cinq nièces qui sont toutes auteures et illustratrices de livres d’enfant.Il y a vraiment là une génétique qui continue, qui continue.Est-ce que c’est héréditaire ou non, on ne le sait pas.Mais, d’hériter d’un père des talents, des caractéristiques qui se reflètent donc dans un talent, mais même dans un style, et dans un détail, dans des manies, alors là on se pose des questions.
(Musique)
Tomi Ungerer
Quand j’étais petit, c’était ma boîte à mémoire.Des fois je me mettais seul dans un coin et je l’écoutais et je pensais à mon père.Avant de mourir, mon père disait « Alice, viens te promener avec moi dans ce beau jardin ».Pour lui, la vie c’était un beau jardin.Et pour moi c’est un champ de bataille, c’est peut-être ça la grande différence, la différence entre le beau jardin et le champ de bataille.Je suis ému.
(Musique)
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