Quand l’art contemporain investit la cathédrale de Metz
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La cathédrale de Metz, remarquable pour sa surface de vitraux, accueille les œuvres exceptionnelles de trois grands créateurs du XXe siècle : Roger Bissière, Jacques Villon et Marc Chagall. Les deux premiers se révèlent à tort moins valorisés et connus.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
19 août 2013
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La construction de la cathédrale de Metz s’étend de 1240 à 1252. Surnommée « la lanterne de Dieu », l’édifice présente la plus grande surface verrière gothique d’Europe, soit 6500 m2 et la voûte culmine à 93 mètres. Avec sa nef haute de 41, 41 mètres, la cathédrale Saint-Etienne se classe en troisième position après celles d’Amiens et de Beauvais pour sa hauteur. Construite en pierre de Jaumont, elle présente une couleur ocre-dorée, caractéristique de ce matériau.
De 1878 à 1914, alors que la Moselle est allemande, la cathédrale est restaurée selon l’esthétique néo-gothique de style médiéval. Premier édifice classé en 1955 au titre des monuments historiques, elle figure parmi les dix cathédrales les plus visitées de France et attend son classement au Patrimoine mondial de l’Unesco.
La façade occidentale est ornementée d’une rose monumentale de 350 m2 qui habille le grand portail et illumine tout l’accès principal. Le chœur est éclairé par les vitraux de Valentin Bousch, maître-verrier de la Renaissance (1521-1527), artiste présent également dans la croisillon sud avec une deuxième immense verrière. Le croisillon nord est décoré par un autre grand maître de la Renaissance, Théobald de Lixheim (1455-1555). Les deux verrières de ces deux artistes constituent à elles seules les plus grandes surfaces verrières du monde, chacune de 424 m2 de dimensions.
Mais la particularité de la cathédrale Saint-Etienne de Metz est d’accueillir, suite aux destructions consécutives à la Seconde Guerre mondiale, des vitraux réalisés par des artistes contemporains. Choix qui était loin d’aller de soi à cette époque. Sous l’impulsion d’André Malraux, c’est l’architecte Robert Renard, soutenu par Jacques Dupont, inspecteur des Monuments historiques, qui mène à bien cette entreprise. Nommé architecte des monuments de France dès 1938, il devient architecte en chef des Monuments historiques entre 1946 et 1974, chargé initialement de la Sarre puis de la Moselle, il initie dès 1950 la restauration de la cathédrale Saint-Etienne de Metz.
Si l’édifice fait place au très connu Marc Chagall, il accueille également la travail d’artistes moins reconnus, encore aujourd’hui, Roger Bissière et Jacques Villon, frère aîné du célèbre artiste aux ready-made, Marcel Duchamp.
Dès 1957, les vitraux de Jacques Villon ornent la chapelle du Saint-Sacrement située sur le côté sud de la nef. Le thème central en est la Crucifixion du Christ. La chapelle comprend cinq vitraux aux thèmes imposés par les commanditaires : « La Pâque de l’Eternel », « La dernière Cène », « La Crucifixion », « Les Noces de Cana » et « Le rocher de l’Horeb ». Ces vitraux marquent un moment important de la carrière de l’artiste, elles sont quasiment les seules œuvres de ce type qu’il réalisa. Un grand nombre de spécialistes s’accordent pour accorder la prééminence à ces œuvres de Jacques Villon sur tous les autres maîtres présents, y compris les plus anciens. En effet, peintre adepte du nombre d’or, Jacques Villon réalise une Crucifixion très remarquée, basée sur une construction savante et sensible aux innovations de l’esthétique cubiste, vision ici pyramidale et triangulaire au service d’un message théologique. Très influencé par sa lecture assidue de Léonard de Vinci, l’œuvre est en quête d’harmonie visuelle et de mesure dans les proportions. L’artiste réalise également un travail important sur les couleurs et notamment les nuances de bleus dans la représentation de la Sainte Vierge. Fidèle à l’école cubiste de Puteaux, l’artiste place au centre une vision mathématique des proportions suivant l’héritage d’un Kupka ou d’un Kandinsky.
A son tour en 1960, Roger Bissière, peintre représentant de la Nouvelle Ecole de Paris, réalise les deux maquettes pour les deux verrières situées aux tympans nord et sud qui illustrent le quatrième jour de la création, moment clef de la séparation du jour et de la nuit. Le choix est audacieux, car Roger Bissière est un peintre abstrait et réalise des vitraux inédits à cette époque pour une cathédrale. Ils sont placés en-dessous des deux tours de la cathédrale (Tour du Chapitre et Tour de la Mutte) et dialoguent dans deux espaces qui s’opposent. Extrêmement exposés à la lumière, les vitraux irradient dans toute la cathédrale et rappellent les débuts de la Création : au quatrième jour apparaissent les deux luminaires qui vont présider à la séparation du jour et de la nuit. Ces deux temps évoquent aussi la symbolique de la naissance et de la mort, comme le chromatisme le suggère également. En effet, la verrière du tympan nord est réalisée dans des tons bleus froids alors que la tympan sud avec ses ocres et dorés, figure la lumière du jour et de la naissance. La voûte en ogive des deux tympans de Bissière évoque également la Sainte-Victoire, à l’image de l’admiration sans bornes que l’artiste voue à Cézanne. Chacune des rosaces figure une couronne, sorte d’accession à un nouveau monde. On peut y distinguer d’étranges pictogrammes de formes humaines qui ne sont pas sans rappeler les formes initiées par Picasso notamment dans sa Dryade de 1908.
Enfin, en 1959, Marc Chagall accepte également de représenter les cartons de deux baies des déambulatoires nord et sud ainsi que le croisillon septentrional avec des thèmes issus de l’Ancien Testament. Peintre d’origine russe, il est le plus connu des trois artistes contemporains retenus. Les deux œuvres de Chagall se caractérisent par un gros travail sur la couleur. En particulier les tons de bleus, de rouge mais aussi de jaune, conformément au travail du peintre, viennent envelopper les figures. L’univers du peintre fait flotter les personnages avec une infinie poésie réalisant une synthèse étonnante entre culture yiddish et art populaire russe, judaïsme et christianisme, monde rationnel et univers fantaisiste.
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Le reportage s’ouvre sur une vue de la cathédrale Saint-Etienne de Metz puis suit un gros plan sur sa rosace, illustrant les propos du commentateur, l’édifice est en effet surnommé « La lanterne de Dieu », appellation qui témoigne d’une surface vitrée tout à fait exceptionnelle. Les images de la nef monumentale illustrent le propos : elles montrent le rôle central joué par la lumière ainsi que quelques vitraux. Les oeuvres vitrées de la cathédrale de Metz traversent en effet plus de sept cents ans d’histoire de l’art du moyen-âge à nos jours, puisque la restauration de la cathédrale, en partie détruite au cours de la Seconde Guerre mondiale, a fait appel à des artistes contemporains, selon les vœux d’André Malraux mais également de Robert Renard, architecte en charge des monuments en Moselle.
Le premier vitrail date de 1060 et orne l'abbatiale de Wissembourg, l'original est conservé au musée de l'oeuvre-Notre-Dame. Lieu d'expression artistique privilégiée dans l'architecture sacrée, la technique du vitrail a connu d'importantes évolutions : de tons gris, bruns ou noirs à ses débuts, ornementé de feuilles d'acanthes ou perlé, il témoigne à la fois d'orientations spirituelles mais aussi de progrès dans les techniques. Aux vitraux cisterciens qui bannissent tout ornement succèdent ainsi l’ornementation et la figuration gothiques : à l’élévation de la pierre correspond une audace nouvelle dans la composition. Les verrières se font alors dentelles et s’habillent de bleus, rouges et or. Jusqu’au XIXe siècle, le vitrail devient véritable « Bible d’images » destiné à la transmission du message véhiculé par les textes sacrés.
A l’âge d’or du vitrail dans les riches demeures privées mais aussi dans les bâtiments publics pendant la période Art nouveau, succède un renouveau du vitrail sacré dans les édifices religieux sous l’impulsion d’André Malraux et des travaux de reconstruction consécutifs à la Seconde Guerre. C’est donc, en 1945, une nouvelle ère du vitrail qui s’ouvre tant au plan technique qu’artistique. Les dalles de verre connaissent un âge d’or dans les années 50 et 60 : le vitrail devient plus clair et les motifs se font abstraits. L’aménagement intérieur des lieux de culte subit aussi les influences du Concile du Vatican, sous l’autorité du pape Jean XXIII. On y créé davantage de proximité avec les fidèles, l’espace gagne en volume et cela ouvre un vaste champ d’expérimentations à l’art du vitrail. Si les artistes verriers du Moyen-âge et de la Renaissance étaient souvent anonymes, c’est à partir de 1950 une démarche inverse qui est inaugurée, puisque l’on fait au contraire appel à des artistes contemporains de renom pour orner les cathédrales et églises en partie détruites.
Alors que défilent des images des vitraux de la cathédrale Saint-Etienne, Christian Schmitt, écrivain et historien de l’art, explique ainsi comment le choix s’est opéré. Tout d’abord Picasso était pressenti ; il fut écarté du fait de ses accointances avec le Parti Communiste. On connaît l’œuvre majeure qu’est la fresque La Guerre et la paix réalisée pour la Chapelle romane de Vallauris en 1959. Jean Cocteau, ami de Picasso, également pressenti, fut également écarté, vraisemblablement en raison de son homosexualité et de son goût pour les mondanités. Il décorera finalement l’église Saint-Maximin à Metz, où il réalisera quatorze baies vitrées d’une grande poésie entre 1961 et 1963, durant les trois dernières années de sa vie. C’est donc Roger Bissière qui fut choisi et ses vitraux abstraits sont majestueusement filmés : on y voit ce goût pour les petits rectangles d’inspiration quasi abstraite.
La vidéo s’achève sur l’œuvre magistrale de Jacques Villon, d’inspiration cubiste. De gros plans sur les formes valorisent le propos de l’historien d’art et la dimension géométrique des vitraux : losanges, déconstruction des formes pour faire émerger une nouvelle perspective et un nouveau rapport au réel.
Mais n’oublions pas le plus connu des artistes présents dans les verrières de la cathédrale, Marc Chagall, dont le choix ne fut pas si évident pour ces bâtiments catholiques, peut-être en raison de ses origines juives. Marc Chagall sera particulièrement célébré cette année à Metz en raison des festivités marquant les 800 ans de la cathédrale : son travail d’artiste sur le vitrail donne en effet lieu à une première exposition de ce type au centre Pompidou Metz : « Marc Chagall, passeur de lumières ».
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