Guerre d'Algérie : le rapatriement des harkis
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Au printemps 1962, les hommes du 7e régiment de tirailleurs algériens débarquent à Épinal. Parmi eux, des militaires qui, selon les ordres, n’auraient jamais dû y arriver : ce sont les harkis, ces supplétifs de l’armée française dont nombre ont, depuis, fait souche dans la préfecture des Vosges.
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Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
01 mars 2003
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie au collège Elsa Triolet à Thaon-les-Vosges
Publication : 01 sept. 2021
Entre le cessez-le-feu (19 mars 1962) et la proclamation de l’indépendance de l’Algérie (3 juillet 1962), plusieurs dizaines de milliers de personnes vont traverser la Méditerranée pour se réfugier en France. Parmi elles, on trouve militaires, fonctionnaires, « pieds-noirs » et FSNA, ces Français de souche nord-africaine comme l’on désignait pudiquement les musulmans – et certains juifs – de l’ex-colonie française. Les Vosges accueilleront chacune de ces communautés, mais c’est celle des harkis qui a le plus marqué l’histoire du département.
Derrière le terme générique de « harki », on désigne plusieurs réalités. Début 1961, en plus des 68 000 FSNA combattant dans les unités régulières de l’armée française (engagés et appelés), on trouve des supplétifs au statut diversifié en fonction des missions qui leur sont assignées. Les moghaznis jouent ainsi le rôle de force de l’ordre sous le commandement d’un officier de SAS, ces « sections administratives spécialisées » créées en 1955 qui permettent à l’armée de fournir aux populations rurales de nombreux services (scolaires, médicaux, agricoles,…) tout en collectant du renseignement. À côté des 20 000 moghaznis, plus de 60 000 harkis forment de véritables groupes combattants : les harkas. Rattachées aux unités de l’armée française, elles composent notamment une grande partie des commandos de chasse chargés de pourchasser les soldats de l’Armée de libération nationale, le bras armé du FLN. Tous ces supplétifs, généralement des ruraux, s’engagent pour des contrats de courte durée et sont payés sur les fonds civils ou avec les propres ressources des régiments. À la veille du cessez-le-feu, à Barika, au sud de Sétif, est basé le PC du 7e régiment de tirailleurs algériens (RTA) sous le commandement du colonel Breil. Ses trois bataillons opèrent dans la région de Batna et ils sont appuyés par trois sections de harkis, dont un commando de chasse.
Alors que les accords d’Évian s’apprêtent à être signés, le ministre des Armées propose aux supplétifs l’engagement dans le contingent pour les plus aptes – ce qui assure le rapatriement – ou le retour à la vie civile ; 90% ont choisi cette seconde option, espérant que les promesses de clémence du FLN seraient garanties. Dans tous les cas, les ordres du gouvernement et de l’état-major sont de désarmer tous les harkis et de ne pas les embarquer, à l’exception de ceux qui se sont engagés. Pour le colonel Breil du 7e RTA, cet abandon est inenvisageable : il décide donc de ramener tous ses hommes en métropole et charge le capitaine Alévêque de préparer l’arrivée du régiment à Épinal où nombre de casernes sont désaffectées. C’est ainsi qu’à côté des 1 200 tirailleurs du 7e RTA débarquent à la gare d’Épinal, en mai 1962, environ 200 harkis avec leur famille. Ces derniers sont aussitôt envoyés au camp de Bitche sous le commandement du capitaine Alévêque afin de préparer leur intégration parmi les militaires du rang. Très rapidement, ils seront rejoints par d’autres supplétifs, souvent arrivés en France par leurs propres moyens : c’est ainsi que de nombreux harkis du 22e régiment de tirailleurs, dissous dès 1962 dans le 51e régiment d’infanterie, intègrent le 7e RTA. Au total, les Vosges auront accueilli prêt de 2 000 de ces hommes qui, s’ils étaient restés en Algérie, auraient été massacrés comme 60 000 à 80 000 de leurs anciens compagnons d’armes.
Dans l’immédiat, à Épinal, le principal problème à gérer pour garantir l’installation des harkis est celui de leur logement. Dans un premier temps, les célibataires sont installés dans la caserne Haxo (Golbey) ; celle de Courcy est réservée aux familles. Des baraquements en préfabriqués seront ensuite construits à La Louvroie (Golbey), dans l’ancien parc à ballons de l’armée ; puis les familles pourront bénéficier des premiers logements HLM du Plateau de la Justice à partir de 1965. Par ailleurs, alors que les vacances scolaires approchent, le sort des enfants préoccupent le commandement. Devant l’absence de solutions proposées par les services de l’État, le colonel Breil entre en contact avec Jean-Marie Compas, responsable des services sociaux chez Boussac, qui met à disposition des enfants le château de La Forge, à Rambervillers, pour y passer l’été 1962. Ils sont pris en charge par des militaires du 7e RTA.
Pour tous ces harkis du 7e RTA – devenu 170e RIM en 1964 –, le régiment a donc joué un rôle essentiel dans leur intégration. Les derniers à le quitter le feront quand, en 1994, leur unité deviendra le 1er régiment de tirailleurs grâce à la ténacité du député-maire d’Épinal Philippe Seguin, hommage à son père, Robert, tué dans le Doubs en septembre 1944 alors qu’il combattait au sein du 4e régiment de tirailleurs tunisiens.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie au collège Elsa Triolet à Thaon-les-Vosges
Le reportage est un extrait du documentaire Harki père et fils diffusé le 1er mars 2003 dans l’émission « Caractère d’ici et d’ailleurs » sur France 3. L’essentiel des images est centré sur des témoins, harkis ou leurs enfants, qui prennent la parole avec encore, pour certains, une peur du regard des autres. Quant au lieu de tournage, il s’agit de la ville d’Épinal, préfecture des Vosges, un département qui, selon les autorités, a accueilli 3 000 harkis après 1962.
Aux premières images de personnes assumant leur héritage harki, la caméra passe sur le drapeau de l’Union régionale des anciens combattants français musulmans des Vosges, puis plonge le spectateur sur le site de l’ancienne caserne Courcy, en partie désaffectée. C'est là où nombre de harkis, à l’instar du futur couple Chouieb, a été hébergé en 1962. Ville dotée de nombreuses garnisons construites à la fin du XIXe siècle suite à l’annexion de l’Alsace-Moselle par l’Allemagne, Épinal était toute désignée pour recevoir une partie des unités combattantes de retour d’Algérie.
Après avoir survolé la cité, le reportage se poursuit dans l’ex-caserne Schneider, le long des voies ferrées, où vit Amar Chouieb qui revient sur son engagement forcé dans l’armée française après une arrestation dont on ne sait rien. De son côté, Mouloud Filali évoque l’engagement volontaire de son père suite à des événements « dramatiques » dans sa famille. Les deux hommes comptèrent parmi les 60 000 harkis combattant aux cotés des unités régulières de l’armée française.
La dernière séquence se déroule dans la caserne Varaigne, sur le Plateau de la Vierge, où est établi depuis 1994 le 1er régiment de tirailleurs, qui est l’héritier du 7e RTA. L’essentiel des images est tourné dans les salles de la caserne, qui retracent l’histoire des ex-régiments de tirailleurs qui ont combattu dans l’armée française depuis 1840. Parmi eux, on trouve les unités qui ont libéré le sud des Vosges à l’automne 1944 et dont l’histoire est évoquée dans le film Indigènes de Rachid Bouchareb (2006). Armes, drapeaux, uniformes, illustrations, emblèmes se succèdent dans un décor orientalisant aux arcs outrepassés et aux motifs géométriques typiques de l’architecture arabo-musulmane. On note au passage la symbolique des emblèmes des unités de tirailleurs : croissant de lune, main de Fatma, bélier. L’extrait du reportage se clôt sur un plan à l'extérieur de la caserne.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(Silence)
Belkacem Boutaguermouchet
Mon père, ben c’est mon père, et... il est harki, mais je ne connais pas l’histoire, et on en n’a jamais parlé quoi.
Fatia Madi
Mon père m’a dit qu’il était appelé dans l’armée française, voilà.
Fatima Choufi
Moi il ne m'en a jamais parlé de ça.
Fatia Madi
Seulement, il a été reconnu harki quand il était venu ici.Puisque le mot harki, ça veut dire, qu’est-ce que ça veut dire ?
Leïla Chouieb
C’est vrai que ça me manque que mon père ne nous ait pas raconté l’histoire des harkis.Oui, c’est vrai que l’histoire des harkis, j’aimerais bien la connaître.
Mouloud Filali
Oui, je revendique le fait d’être fils de harki. C'est évident.
(Musique)
Florida Sadki
Ces bâtiments désaffectés de la caserne Courcy ont accueilli ceux que l’on nomme communément les harkis.Ils ont été hébergés ici un jour de 1962.Et leur histoire reste liée à celle de l’armée, avec laquelle ils sont arrivés.
Amar Chouieb
On s’est rencontrés ici il y a 38 ans.Je suis arrivé ici chez un cousin, et... la cousine, il m’a présenté ma femme donc… Voilà.C’était une jeune fille, il me l’a présentée et c’est là qu’on s’est connus.
Yamina Chouieb
C’était une caserne qui accueillait les musulmans qui venaient de là-bas, les harkis pour ainsi dire.
(Musique)
Yamina Chouieb
Moi personnellement, on est restés, moi je suis restée sept mois ici.Avant que mon père puisse retrouver quelque chose de plus convenable donc.
(Bruit)
Florida Sadki
La préfecture des Vosges estime que le nombre de harkis est de 3000 pour l’ensemble du département.Et c’est à Epinal que pour la majorité d’entre eux une nouvelle page de leur histoire commence.La ville étant par tradition une ville de garnison.Les raisons de leur venue sont variées, tout comme le sont les circonstances de leur engagement auprès de la France.
Amar Chouieb
J’ai essayé de rendre visite à ma soeur.Et c’est de là qu’ils m’ont arrêté.
Florida Sadki
Qui vous a arrêté ?
Amar Chouieb
Les militaires français.
(Silence)
Florida Sadki
Donc, ensuite ils vous ont demandé de vous, de devenir harki ?
Amar Chouieb
La première des choses, ils m’ont emmené à la prison, pour m'impressionner si vous voulez, pour me faire peur. Tout.Après, ils m’ont dit, bon, ben, il y a une place pour vous, si vous... On vous lâche.On vous sort de prison si vous voulez, si vous portez l’uniforme, le fusil comme harki.
(Coupe)
Mouloud Filali
Mon père était engagé dans les forces françaises en Algérie.Donc c'était un engagement volontaire, comme tous les engagements dans l'armée.Donc c'était le fruit d'un choix qui avait été...On ne peut pas dire longuement mûri puisque mon père s'est engagé à la suite d'évènements également dramatiques qui étaient survenus dans la famille...qui ont motivé son engagement.
(Coupe)
Florida Sadki
L’indépendance de l’Algérie entraîne également le rapatriement des derniers régiments de tirailleurs vers la France.C’est ainsi qu’en 1962, le 7e régiment des tirailleurs regagne Epinal.Il sera dissout en 1965, puis recréé en 1994.Il prend alors ses quartiers à la caserne Varaigne sous le nom de 1er régiment de tirailleurs.
(Musique)
Florida Sadki
Cette salle de la caserne Varaigne préfigure ce que devait être le musée des Tirailleurs.On y retrace l’histoire et les traditions des régiments algériens, marocains et tunisiens depuis leur création.Les régiments de tirailleurs ont été créés en 1841.Les combattants de ces unités d’infanterie étaient surnommés les turcos, car les premiers d’entre eux étaient à l’origine d’anciens mercenaires au service des Turcs pendant la régence d’Alger.Ces unités combattantes au même titre que celles des zouaves, des spahis ou des goums, se sont distinguées pour leurs faits d’armeset étaient de toutes les batailles, de Monte Cassino à Diên Biên Phu.C’est ainsi que dans la région, les tirailleurs ont marqué leur présence lors de la libération des Vosges à l’automne 1944.Aujourd’hui, le colonel Alévêque est venu rendre hommage à la mémoire de ces unités.Il a fait toute sa carrière avec les tirailleurs, et rapatrié en France le 28 mai 1962 avec le 7e régiment, il accueillera officiellement les premiers harkis en gare d’Epinal.
(Silence)
Florida Sadki
Le recours au supplétif indigène fut donc une pratique ancienne et constante des armées coloniales.Or, pour les engager, l’armée française, tout en étant un moyen de fuir la misère, représentait aussi une certaine forme d’émancipation.
(Silence)
Florida Sadki
Quelles que soient les motivations de leur engagement et les conditions de leur recrutement, il est juste que l’on intègre l’histoire de ces combattants à l’histoire des armées.En effet, ils appartiennent pour une part à la mémoire collective nationale.Car ils ont servi la France de 1841 à 1965, et 250 000 d’entre eux sont morts pour le drapeau français.
(Musique)
Florida Sadki
Tout comme il serait juste que l’on regarde en face la conduite de la France à l’égard des supplétifs.Même si en termes de droit, nombre de harkis ont fini par être considérés par l’administration comme d’anciens combattants, au même titre que les engagés ou les appelés.Et cela, d’autant qu’aujourd’hui, les récents débats sur la torture pendant la guerre d’Algérie éclairent le passé et relancent le besoin d’un travail de mémoire.
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