50 ans après le début de la guerre d’Algérie, témoignages de rapatriés et harkis
- Vitesse de lecture: 1 x (normal)
Infos
Résumé
50 ans après le début de la guerre d’Algérie, les mémoires des rapatriés (Européens d’Algérie ou pieds-noirs et harkis) sont encore marquées par le ressentiment vis-à-vis des pouvoirs publics et de la société en raison des conditions de leur accueil en 1962, et de leur place dans l’histoire officielle dans les deux pays.
Langue :
Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
01 nov. 2004
Éclairage
- Contexte historique
- Éclairage média
- Articles utilisant cette vidéo
- Pistes pédagogiques
- Parcours thématiques
Informations et crédits
- Type de média :
- Type du document :
- Collection :
- Source :
- Référence :
- 00159
Catégories
Niveaux - disciplines
Thèmes
Personnalités
Éclairage
Éclairage
- Contexte historique
- Éclairage média
- Articles utilisant cette vidéo
- Pistes pédagogiques
- Parcours thématiques
Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le 1er novembre 1954 marque le début de la guerre d’indépendance algérienne ou guerre d’Algérie. 50 ans après, en 2004, certains groupes sont porteurs de mémoires en conflit avec d’autres mémoires dont la mémoire officielle, elle-même en évolution.
A la fin de cette guerre, près d’1 million de personnes sont « rapatriées » d’Algérie vers la France. Ce terme de rapatriés englobe des situations très variées. Il s’agit le plus souvent de personnes qui n’ont jamais connu la métropole. On peut distinguer deux groupes. Il y a d’abord ceux qui ont été progressivement identifiés sous le terme générique de pieds-noirs, à savoir les Européens d’Algérie, les plus nombreux. Mais également les supplétifs de l’armée française identifiés par la suite comme harkis (sur les harkis, voir 25 ans après la fin de la guerre d’Algérie, appelés et harkis se souviennent).
Les Européens d’Algérie sont les descendants des personnes originaires de métropole ou d’autres pays européens (Malte, Espagne, Italie, Allemagne…) installées en Algérie après la colonisation entamée en 1830. Cette installation, encouragée par la France, a fait du nord de l’Algérie une des rares colonies de peuplement de l’empire. Même s’il n’ont jamais représenté beaucoup plus de 10% de la population de la colonie, ils ont localement constitué une part importante, en particulier dans les grandes villes, et ont acquis un poids économique et politique majeurs. La domination de l’Algérie par les Européens, les colons, était basée sur une inégalité de statut engendrant de nombreuses discriminations à l’égard des autres populations. A partir de 1870, les Juifs d’Algérie ont obtenu la pleine citoyenneté française par le décret Crémieux. En revanche, l’application du code de l’indigénat de 1881 aux musulmans n’ouvrait l’égalité en droit qu’à des individus renonçant à leur statut personnel. Cette situation et l’absence de volonté de changement chez la plupart des Européens est une des causes majeures du désir grandissant d’indépendance chez les Algériens victimes de cette situation. Les efforts individuels de certains Européens comme Camus (partisan d’une “trêve civile”) se sont heurtés à l’aveuglement et à la résistance des partisans du statu quo s’appuyant sur la force armée manifestée avec brutalité lors de la répression des manifestations du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma.
Le début de la guerre et les massacres du Constantinois à l’été 1955 par le FLN marquent un point de non-retour malgré les tentatives désespérées des partisans du maintien de l’Algérie française. L’insurrection du 13 mai 1958, la semaine des barricades en 1960 et le putsch des généraux de 1961 n’inversent pas la tendance. Malgré les succès militaires de l’armée française dans sa lutte contre l’ALN, de Gaulle se résigne à négocier avec le GPRA. La création de l’OAS en février 1961 à Madrid marque une radicalisation des ultras de l’Algérie française qui utilisent le terrorisme pour frapper les symboles de l’Etat, le FLN et les modérés des deux camps.
Dès 1960, les départs d’Européens vers la métropole commencent (150 000 en 1960-61). Un secrétariat d’Etat aux rapatriés est créé en août 1961. Bien que les accords d’Evian prévoient leur maintien en Algérie, le mouvement s’accélère en 1962 qui voit près d’un million de personnes quitter l’Algérie. Au cours de cette année, c’est bien davantage la violence de l’OAS pratiquant une politique de la terre brûlée qui contribue à attiser les tensions et la violence entre communautés. L’échec de l’insurrection tentée par l’OAS à Alger fin mars, qui se termine par la fusillade de la rue d’Isly (plusieurs dizaines de civils tués par l’armée), est un tournant. L’exil s’accélère. Début juin, 12 000 départs ont lieu chaque jour. Pourtant, tous ne partent pas. Le journaliste Pierre Daum a établi que plusieurs dizaines de milliers sont restés, au moins jusqu’en 1965 (Ni valise, ni cercueil, Actes Sud, 2012). En métropole, c’est l’improvisation qui préside à l’accueil des rapatriés. Ils sont nombreux dans les départements méditerranéens où ils ne sont pas toujours les bienvenus (le maire de Marseille Gaston Defferre déclare alors « Marseille a 150 000 habitants de trop, que les pieds-noirs aillent se réadapter ailleurs »). De par ses effets économiques notamment, l’intégration de ces migrants est plutôt un succès sur le long terme mais la mémoire des pieds-noirs est logiquement faite de nostalgie pour le pays perdu autant que de ressentiment vis-à-vis des autorités et de la mémoire officielle.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le reportage est réalisé le 1er novembre 2004, cinquante ans après le début de la guerre d’Algérie qui n’est sans doute pas « célébré » par les harkis et les pieds-noirs. Au travers d’une commémoration locale à Châlons-en-Champagne, il permet d’aborder deux mémoires du conflit marquées par l’exil. Celle des Européens d’Algérie, souvent appelés pieds-noirs et celle des harkis.
Le reportage commence par une interview de Sylvain Navarro, né en Algérie qu’il a quittée. On le voit feuilleter un album qu’il a constitué « pour ses enfants » avec des documents personnels et des photos. On y voit des vues d’Alger et de son quartier de Belcour. Son intention est qu’ils puissent « voir ce que c’était le pays de leurs parents », « parce que tout est déformé à l’heure actuelle ». Ce témoignage, ainsi que celui d’une autre rapatriée, Jocelyne Arbassette, à la fin du reportage, illustre ce « sentiment d’abandon » et la nostalgie qui habite encore, après un demi-siècle, ceux qui ont dû quitter leur terre natale dans cet exil forcé. Les rancœurs sont toujours présentes dans leur bouche (« on nous ignore complètement »).
Ce témoignage est suivi d’images d’une cérémonie organisée au cimetière du Sud à Châlons. C’est là que se trouve une stèle à la mémoire des victimes civiles et militaires d’Afrique du Nord, érigée en 1969 et sculptée par l’artiste Roland Irolla, lui-même né à Philippeville (aujourd’hui Skikda) et appelé pendant la guerre. On aperçoit une plaque posée par les rapatriés en mémoire des morts d’Afrique du Nord et d’Outre-mer. La cérémonie, en présence d’anciens combattants, rassemble des rapatriés « européens » et harkis. Un rapatrié non identifié lit un message plein d’émotion et d’amertume qui permet de comprendre les sentiments habitants ceux qui ont connu cet exil. Il évoque « un lieu de pèlerinage, un lieu sacré pour nous déracinés ». En fleurissant ce monument, « ce sera fleurir les tombes qu’on nous a obligé d’abandonner là-bas ». Ce monument n’est pas recensé par les sites officiels ce qui semble refléter le caractère revendicatif d’un monument qui est plutôt porteur d’une contre-mémoire.
Boghanem Hamla, président d’Union droits et devoirs des rapatriés d’Algérie, est ensuite interrogé par le journaliste. Il retrace son parcours qui met en évidence ce que la trajectoire de nombreux harkis doit aux hasards et aux incertitudes de la guerre. Il n’avait que 14 ans en 1954 et a donc vraisemblablement été incorporé encore mineur. Cette situation d’enfant-soldat recruté sous la contrainte, pris entre la violence du FLN et celle de l’armée française, n’était pas exceptionnelle pendant la guerre. Elle rappelle l’histoire de Saïd Ferdi, enrôlé à 13 ans en 1958 après avoir été arrêté et torturé. Son livre Un enfant dans la guerre (Seuil, 1981), eut un grand écho en France pendant les années 1980 et a contribué à une meilleure connaissance et compréhension de la situation des harkis pendant la guerre. A la même époque en 1983, L’amère patrie, un documentaire de Bernard Martinot, au grand retentissement donnait la parole à 10 enfants de harkis de la région de Châlons.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Jérémy Durieux
Aujourd’hui, aussi, les Harkis et les « Pieds noirs » ont célébré le 1er novembre, synonyme pour eux du début de la guerre d’Algérie.Il y a tout juste 50 ans, le peuple algérien était réveillé par une soixantaine d’explosions et d’attentats.C’était l’amorce d’un conflit, qui allait mener à l’indépendance du pays, mais aussi à l’exil forcé de certaines familles.Les années ont passé, mais les tristes souvenirs sont restés.Reportage à Châlons-en-Champagne, de Michèle Pigeon et de Roland Grasset.
Sylvain Navarro
Oh oui, ça, c’est mon quartier ça.Je suis parti, j’avais 26 ans.
Michèle Pigeon
Originaire du quartier de Belcourt à Alger, Sylvain Navarro a précieusement rassemblé chez lui coupures de presse et photos des événements d’Algérie.
Sylvain Navarro
Pour les laisser en souvenir à mes enfants.
Michèle Pigeon
Pourquoi ?
Sylvain Navarro
Pour qu’ils puissent voir ce que c’était le pays de leurs parents.Pour donner une très bonne information, parce que tout est déformé à l’heure actuelle.
Michèle Pigeon
Ce qui a dominé pour Sylvain Navarro après son retour en métropole, c’est un sentiment d’abandon.
Sylvain Navarro
Vous avez donc tous les cimetières militaires de France, il y a énormément de Harkis et de Musulmans et de « Pieds noirs » morts pour la France.Dans tous les cimetières dont à Châlons.On n’en parle pas, on n’en parle pas du tout.C’est une chose qui est... c’est lamentable.On nous ignore complètement.
(Musique)
Michèle Pigeon
Ce matin, à Châlons, 50 ans après le début de la guerre d’Algérie, rapatriés et Harkis s’étaient rassemblés autour de la stèle à la mémoire des victimes civiles et militaires d’Afrique du Nord.
Inconnu
Ce sera un lieu sacré, un lieu de pèlerinage, de recueillement pour nous déraciner.Fleurissez-la souvent : ce sera fleurir les tombes qu’on nous a obligé d’abandonner là-bas.
Michèle Pigeon
Aujourd’hui, Harki à Châlons, Boghanem Hamla n’avait que 14 ans en novembre 1954.
Boghanem Hamla
On a été massacré par l’armée française d’abord, on était jeune, elle m'a frappé, même moi-même, elle m'a frappé l’armée française.On ne sait pas nous, hein, on était encore jeune.Il y a le FLN sur le côté, qui nous serre la gueule aussi, parce qu’il faut qu’on l’aide, lui ramener à manger, etc.Il faut lui montrer la route, tout ça.Et après ça, moi, je suis rentré à l’armée après, on est rentré à la ville, puis je suis rentré à l’armée française.
Michèle Pigeon
Beaucoup d’émotion dans la cérémonie de ce matin, chacun avait dans le cœur des souvenirs personnels liés aux événements, comme une plaie qui ne se referme pas.
Jocelyne Arbassette
On se remémore tout ça et puis ça fait mal, parce qu’on a laissé tout là-bas.Et puis, un pays comme l’Algérie, je crois qu’on ne le retrouvera jamais.
Sur les mêmes niveaux - disciplines
Date de la vidéo: 08 mai 2000
Durée de la vidéo: 01M 47S
Robert Schuman et le cinquantenaire de la déclaration fondatrice du 9 mai 1950
Date de la vidéo: 01 mars 2003
Durée de la vidéo: 26M 0S
Guerre d'Algérie : le rapatriement des harkis
Date de la vidéo: 30 nov. 1944
Durée de la vidéo: 05M 09S
La libération de Metz, Belfort et Strasbourg
Date de la vidéo: 18 janv. 2007
Durée de la vidéo: 03M 03S
Les « Justes » alsaciens, entre histoire et mémoire
Date de la vidéo: 19 sept. 1990
Durée de la vidéo: 02M 32S
Le témoignage d’un Alsacien incorporé de force
Date de la vidéo: 14 sept. 2009
Durée de la vidéo: 01M 47S
Visite au cimetière américain de Saint-Avold en Moselle
Date de la vidéo: 13 avr. 2006
Durée de la vidéo: 02M 20S
Le Planning familial, 50 ans au service des femmes
Date de la vidéo: 19 mars 1987
Durée de la vidéo: 02M 46S
25 ans après la fin de la guerre d’Algérie, appelés et harkis se souviennent
Date de la vidéo: 02 janv. 2000
Durée de la vidéo: 06M 08S
L’abolition de la peine de mort en France, une histoire troyenne
Date de la vidéo: 24 sept. 1958
Durée de la vidéo: 03M 19S
Incitation au vote pour le référendum constitutionnel du 28 septembre 1958
Date de la vidéo: 20 nov. 2018
Durée de la vidéo: 04M 30S
Cultes et enseignement de la religion en Alsace-Moselle
Date de la vidéo: 16 févr. 2016
Durée de la vidéo: 01M 41S
Le régime local d’Alsace-Moselle face aux réformes nationales des assurances sociales
Date de la vidéo: 27 avr. 1998
Durée de la vidéo: 02M 16S
Hommage à Victor Schoelcher, l’homme qui a œuvré pour l’abolition de l’esclavage
Date de la vidéo: 30 mai 2005
Durée de la vidéo: 02M 27S
Le « non » au traité constitutionnel européen à Mulhouse en 2005
Date de la vidéo: 13 oct. 2003
Durée de la vidéo: 02M 53S
Défis et ambitions de la chaîne franco-allemande Arte
Date de la vidéo: 07 juin 2017
Durée de la vidéo: 01M 19S
Le mode de scrutin des élections législatives
Date de la vidéo: 30 mai 2005
Durée de la vidéo: 02M 27S
Le « non » au traité constitutionnel européen à Mulhouse en 2005
Date de la vidéo: 23 oct. 2018
Durée de la vidéo: 01M 50S
Au Parlement européen, Bruno Le Maire défend un projet de taxation des GAFA
Date de la vidéo: 17 mars 2003
Durée de la vidéo: 01M 43S
Comment perçoit-on l’acte II de la décentralisation en Alsace en mars 2003 ?
Date de la vidéo: 31 août 2015
Durée de la vidéo: 02M 30S
Le premier lycée musulman privé d’Alsace ouvre à Strasbourg
Sur les mêmes thèmes
Date de la vidéo: 22 avr. 1966
Durée de la vidéo: 03M 32S
L’intégration des Harkis à Reims dans les années 1960
Date de la vidéo: 01 mars 2003
Durée de la vidéo: 26M 0S
Guerre d'Algérie : le rapatriement des harkis
Date de la vidéo: 19 mars 1987
Durée de la vidéo: 02M 46S
25 ans après la fin de la guerre d’Algérie, appelés et harkis se souviennent
Date de la vidéo: 17 oct. 2001
Durée de la vidéo: 02M 43S
Témoignages de membres du FLN sur la traque parachutiste de juillet 1961 et les manifestations d’octobre à Metz
Date de la vidéo: 09 juin 2015
Durée de la vidéo: 05M 28S
Les conditions d’entrée actuelles dans l’espace Schengen
Date de la vidéo: 16 juin 1993
Durée de la vidéo: 02M 09S
Visages et temporalité de l'immigration en Lorraine
Date de la vidéo: 28 avr. 2018
Durée de la vidéo: 02M 27S
Un tramway pour l’agglomération Strasbourg-Kehl : quelles retombées économiques ?
Date de la vidéo: 04 févr. 2016
Durée de la vidéo: 01M 25S