Le massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944
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Le 10 juin 1944, un bataillon de la 2e division SS « Das Reich » massacre la population du village d’Oradour-sur-Glane en Haute-Vienne, faisant 643 victimes, avant de mettre le feu aux bâtiments. Devenu un symbole des souffrances de la France, cette mémoire a générée des tensions en raison de la présence d’incorporés de force dans les rangs des bourreaux.
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Date de publication du document :
09 déc. 2024
Date de diffusion :
29 sept. 1944
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
En 1944, l’armée allemande est encore un outil de combat relativement puissant, bien qu’il montre des signes de fatigue. L’année 1944 voit en outre une dégradation de sa situation stratégique. Avec le débarquement de Normandie, la guerre à l’Ouest change de dimension et une violente campagne militaire commence. En même temps, cela provoque une augmentation significative des activités de la résistance, afin de ralentir les manœuvres allemandes.
Le commandement allemand décide l’intervention d’unités blindées parfois éloignées du front, notamment la 2. SS-Panzer-Division « Das Reich » qui doit rejoindre la Normandie pour le 11 juin. Cette division a été lourdement endommagée lors des batailles de Koursk puis de Kiev. Envoyée en France pour être rafraîchie, elle vient de recevoir un renfort de 9 000 hommes principalement constitué « d’Allemands par le sang » : des Hongrois, des Roumains, ainsi que des Alsaciens, incorporés de force. Tous sont de nouvelles recrues de vingt ans dont la formation n’a pas excédé trois mois. En revanche, une partie de l’effectif, notamment ses cadres, est expérimenté de la guerre d’anéantissement à l’Est. Le général Lammerdig, commandant de la division, a été le chef d’État-Major du général Von Dem Bach-Zelewski, connu pour avoir été un rouage clef de la répression dans les territoires annexés.
À la fin du printemps 1944, la « Das Reich » est engagée dans la « lutte contre les partisans », ce qu’elle exécute avec zèle. Assimilés aux bolcheviques, ces ennemis non conventionnels apparaissent aux yeux des nazis comme un danger prioritaire pour la survie du peuple allemand. S’il le faut, en vertu de l’ordre Sperrle de février 1944, des mesures d’intimidation envers la population, même extrêmes, peuvent être prises afin de mener à bien cette mission. Dans son sillage vers la Normandie, la division « Das Reich » aurait fait 4 000 victimes, autant dans les rangs de la résistance que chez les civils. À Tulle le 9 juin 1944, elle fait preuve de brutalité où 99 civils sont pendus dans la ville et 149 autres sont déportés en représailles à une attaque des Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Après l’hécatombe de Tulle, Helmut Kämpfe, commandant de bataillon apprécié, est capturé par des FTP de Georges Guingouin. En même temps, Lammerding plaide auprès de ses supérieurs pour une « prise en main brutale » contre le « nouvel État communiste » en train de naître dans le Massif central, et propose d’intervenir avec sa division.
Modeste commune de Haute-Vienne, Oradour-sur-Glane est située à quelques kilomètres au nord-ouest de Limoges. En début d’après-midi, la 3e compagnie du 1er bataillon du régiment « Der Führer », dirigée par Adolf Diekmann et Otto Kahn, pénètre la localité, boucle le village puis regroupe les civils. Les hommes, répartis en trois groupes, sont mitraillés puis leurs corps brûlés. Les 450 femmes et enfants sont enfermés dans l’Église où les SS font sauter une caisse de grenades asphyxiantes. Certains soldats tirent à travers les vitraux puis le bâtiment est incendié. Une poignée de victimes réussissent à s’échapper. Avant de partir, les SS pillent puis incendient le village puis reviennent le lendemain pour détruire les corps. Ce massacre a coûté la vie à 643 personnes.
Le massacre d’Oradour-sur-Glane a rapidement été érigé en symbole des souffrances de la France dans la guerre par le général de Gaulle. Pourtant, il est loin d’avoir été un cas isolé, au contraire, il s’inscrit dans un contexte de répression accrue envers la population civile en Europe. Sur le front de l’Est, plus de 200 villages ont connu le sort d’Oradour-sur-Glane. La technique qui consiste à encercler un lieu puis à exécuter ses occupants avant d’y mettre le feu est courante depuis 1942. Les méthodes de la « lutte contre les partisans » constituent un « savoir-faire » que l’armée allemande a développé, essentiellement en Ukraine et Biélorussie, mais aussi dans les Balkans, en Italie, et dans une certaine mesure en France.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Ce document est un extrait de « France Libre Actualité » du 29 septembre 1944, qui devient, en 1945, les « Actualités françaises », diffusées jusqu’en 1969. Ces journaux hebdomadaires étaient projetés dans les cinémas avant les films, couvrant des sujets variés.
Ce reportage sur le massacre d’Oradour-sur-Glane a été réalisé quelques semaines après les faits. Avec ces images, la France découvre ce qu’a été le sort des Radounauds le 10 juin 1944. Toutefois, peu de détails sont encore connus. À cette date, le bilan humain est estimé entre 800 et 1000 morts, comme l’énonce le commentateur. Le chiffre officiel de 642 victimes, dont 207 enfants, n’est établi qu’en 1947. En octobre 2020, une victime supplémentaire a été retrouvée, portant le nombre à 643 tués. Ce massacre a été parachevé par une destruction matérielle considérable sur laquelle le reportage insiste. La quasi-totalité du village a été passée par les flammes, et au milieu des décombres gisent encore les effets personnels des victimes. Les images, impressionnantes, ont ici aussi une dimension démonstrative, servant le propos d’une barbarie insensé des SS, et plus généralement des Allemands, contre lesquels les Alliés — et notamment la France — sont encore en guerre. L’idéologie nationale-socialiste, le contexte du Débarquement, l’usage de la violence comme un langage, la transposition de méthodes développées sur le front oriental, les dynamiques sociales au sein de la troupe : tout cela est encore ignoré et ne sera mis en valeur que bien plus tard par les historiens. À cette date, il n’est pas question de comprendre les modalités qui ont conduit au massacre ni de l’objectiver. Ici, les Allemands sont tout juste présentés comme des fous qui assassinent « même les bébés », un topos dont l’imaginaire populaire aura du mal à se défaire, encore aujourd’hui.
En réalité, ce reportage témoigne des premiers jalons d’une mémoire qui va s’avérer extrêmement délicate. La République (re)naissante a largement utilisé l’image du « village martyr » d’Oradour-sur-Glane afin de nourrir le roman national d’une France souffrante, mais héroïque, unie face à l’oppresseur barbare allemand. La gerbe de fleurs déposée au nom du Gouvernement provisoire de la République que l’on voit à l’écran témoigne de cette insertion mémorielle très précoce dans le récit national. Le 28 novembre 1944, le gouvernement accepte l’idée du général de Gaulle de conserver en l’état les ruines du village dévasté. Le 5 mars 1945, le général de Gaulle se rend personnellement sur les lieux de ce qui a été le plus grand massacre commis sur le sol français pour y inaugurer une plaque. Oradour est dès lors devenu un gigantesque lieu de mémoire.
Cependant, cette façade d’unité ne résiste pas à la complexité historique. En 1953 s’ouvre le très médiatisé procès de Bordeaux pour juger de la culpabilité de vingt et un soldats, dont treize incorporés de forces et un volontaire alsaciens. Leur condamnation à des peines de prison ou de travail forcé entraîne l’incompréhension générale : les uns accusent le laxisme du jugement eu égard de la culpabilité des bourreaux, les autres l’injustice, défendant les incorporés de force comme des victimes du régime nazi. L’amnistie des condamnés ne résout rien, et un conflit mémoriel est ouvert pour de nombreuses années, qui n’a toujours pas été totalement résorbé. Avec les années, la situation s’est tout de même apaisée, les historiens ayant également grandement contribué à décortiquer la complexité de ce massacre, l’inscrivant dans son contexte de l’époque. Avec la disparition du dernier survivant du massacre, Robert Hébras, en novembre 2023, une page s’est définitivement tournée. Cela n’empêche pourtant pas qu’Oradour reste un objet politique : le président Emmanuel Macron en a fait un lieu de passage privilégié, notamment en juin 2024 à l’occasion des 80 ans de commémorations du massacre.
Transcription
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