Témoignages de membres du FLN sur la traque parachutiste de juillet 1961 et les manifestations d’octobre à Metz
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Résumé
Plusieurs anciens membres du FLN vivant dans la région de Metz témoignent des tensions de l’année 1961 dans l’agglomération, en lien avec le conflit en cours en Algérie. Ils évoquent différents événements dont la traque parachutiste de juillet et les manifestations d’octobre 1961.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
17 oct. 2001
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
La manifestation du 17 octobre 1961 constitue un temps fort de la répression qui frappe les Algériens à Paris et en France pendant la guerre d’Algérie ou guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Maillon essentiel pour les nationalistes algériens dans le financement de la lutte et objet d’une compétition féroce entre ses différents courants au début de la guerre (FLN contre MNA de Messali Hadj), les migrants sont nombreux à travailler en métropole. Vivant dans des conditions misérables (bidonvilles comme à Nanterre, cafés-hôtels souvent tenus par des Kabyles immigrés entre les deux guerres), ils travaillent dans les usines et mines des régions industrielles et les grandes villes du nord et de l’est.
Metz, siège d’une région militaire, est une ville de garnison où résident également de nombreux Algériens, pour beaucoup venus travailler dans le nord de la Lorraine. Les deux départements de Moselle et Meurthe-et-Moselle comptent en 1958 au moins 30 000 Algériens dont environ 1800 pour la seule ville de Metz (en vieille-ville et dans le quartier de Pontiffroy avant sa transformation). Dans la continuité des logiques à l’œuvre en Algérie, les Algériens, bien que Français, subissent les mesures d’exception discriminatoires qui les privent de leurs droits élémentaires, justifiées par la lutte contre le FLN et les attentats commis contre des militaires et des policiers en métropole.
La guerre elle-même entre dans une phase nouvelle à partir de la fin de 1961. Si la domination militaire française ne fait plus de doute, de Gaulle s’est résigné au changement et a entamé des négociations avec le GPRA (gouvernement provisoire de la république algérienne). Cette politique a été approuvée par référendum en janvier 1961, malgré les résistances dans une partie de l’armée (putsch des généraux en avril, auquel a participé le régiment de parachutiste stationné à Metz et impliqué dans les violences de juillet).
Le FLN appelle à manifester pacifiquement le 17 octobre à Paris pour plusieurs raisons : A Paris, il s’agit de protester contre le couvre-feu imposé le 5 octobre aux Algériens par le Préfet de police Maurice Papon. Plus généralement, le FLN souhaite dénoncer la répression dont sont victimes les Algériens. Enfin, il affirme aussi, par l’ampleur souhaitée de la mobilisation, sa force dans le contexte des négociations entamées avec le gouvernement français. Basés à Cologne, les dirigeants de la Fédération de France du FLN (Wilaya 7), ont donc lancé une mobilisation dont la manifestation du 17 n’est qu’un volet.
Chauffés à blanc par le préfet de police qui leur laisse entendre qu’ils seront couverts quoi qu’ils fassent, les policiers ont pour instruction d’arrêter tous ceux qui bravent le couvre-feu. Des milliers d’Algériens (30 000 ont répondu à l’appel) sont arrêtés, plusieurs centaines sont blessés (frappés ou par balle) et des dizaines tués voire plus (le bilan exact est difficile à établir encore aujourd’hui). Certaines des victimes sont jetées à la Seine.
La mémoire du 17 octobre 1961 a longtemps été occultée en France comme en Algérie. Dans ce dernier pays, les luttes de pouvoir à l’indépendance ont entraîné la mise à l’écart des dirigeants de la Wilaya 7. Leur rôle dans la lutte a logiquement été mis de côté par la mémoire officielle, reflétée par les Associations de travailleurs algériens en France organisées par les consulats d’Algérie comme celui de Metz. En France, le pouvoir gaullien a habilement masqué l’ampleur du nombre de victimes alors que la gauche anticoloniale a mis en avant les morts de la manifestation de Charonne en février 1962, massacre dont la mémoire a recouvert celle du 17 octobre. Il a fallu attendre les années 1990 et la mise en cause de Maurice Papon pour son rôle dans la déportation des Juifs de Gironde durant la Seconde Guerre mondiale pour que son action de préfet de police resurgisse dans la mémoire collective. S’il n’y a pas eu de reconnaissance officielle par l’Etat, le maire de Paris Bertrand Delanoë a fait poser une plaque sur les quais de Seine en 2001 à la mémoire des Algériens tués le 17 octobre 1961.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le reportage est diffusé à l’occasion du quarantième anniversaire de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Le sujet mêle des documents d’archives sur la répression de la manifestation à Paris, et sur Metz et la Lorraine industrielle des années 1960, à des prises de vues contemporaines à Metz.
Avant le reportage proprement dit, le sujet démarre par des images de l’inauguration à Paris d’une plaque à l’angle du pont Saint-Michel, par le maire de Paris Bertrand Delanoë. Les journalistes partent ensuite à la rencontre « d’ex-militants du FLN installés en Lorraine ». La Lorraine est en effet un des théâtres du conflit qui se déroule en métropole, à la fois entre les composantes du nationalisme algérien et entre le FLN et l’Etat français. Rappelons que la femme de Messali Hadj, fondateur du MNA et adversaire du FLN, vient de Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle). On voit ces anciens militants dans les locaux de l’Amicale des Algériens de Metz. Les témoignages recueillis parlent très peu du 17 octobre à proprement parler puisqu’il nous est dit qu’ils étaient « dans l’impossibilité de se déplacer sans se faire arrêter, ils n’ont pu se rendre à Paris le 17 octobre 1961 ».
Le témoin Mohammed Adjal raconte la manifestation des femmes et des enfants qui se déroule à Metz (le 19) comme dans le reste du pays (à Paris le 20). Il évoque leur arrestation dans les « paniers à salades » (les fourgonnettes de la police) et leur garde à vue pendant plusieurs heures au commissariat du centre de Metz situé rue des Trois-boulangers (fermé en 1986). La référence aux femmes et aux enfants révèle la féminisation progressive de l’immigration même si les femmes ne représentent encore que 10% des immigrés algériens au début des années 1960.
Le reportage évoque ensuite l’importance de l’immigration dans le nord de la Lorraine. Les Algériens, déjà présents avant la Seconde Guerre mondiale (en particulier des Kabyles), s’installent en nombre dans ces années 1950-1960 pour travailler dans les mines, les fonderies, la sidérurgie. Sur fond de sirène, le reportage évoque les lieux dans lesquels vivent les Algériens (dont il est justement précisé qu’ils sont alors citoyens français) et les brimades et discriminations dont ils sont victimes (« rafles, fouilles et invectives racistes, chaque Algérien est suspect »).
Lakhdar Hanni relate de manière un peu confuse les « descentes de parachutistes » que le journaliste date de 1962. La mention de parachutistes et la référence à des « rumeurs » sur des Algériens « jetés à la Moselle » ne semble pas correspondre à des événements précis de l’année 1962. Il s’agit sans doute d’un événement de juillet 1961 un peu tombé dans l’oubli mais que des travaux (de l’historien Lucas Hardt), un webdocumentaire (de Jean-Baptiste Allemand et Laura Tared) et un collectif (Juillet 61) ont contribué à faire resurgir. Ces parachutistes, arrivés début juillet d’Algérie après l’échec du Putsch des généraux d’avril, auquel leurs chefs ont adhéré, ont rapidement multiplié les exactions contre les Maghrébins de Metz (comme à Nancy où deux Algériens sont tués par d’autres paras). Suite à des incidents mortels entre paras et Algériens dans un dancing, le Trianon (rue de Pont-à-Mousson à Montigny), plusieurs centaines de paras se répandent dans les rues où vivent les Algériens et mènent une véritable « ratonnade » selon le mot de l’époque, dans ce qu’il convient plutôt d’appeler la « traque parachutiste de Metz ». Outre les 2 paras et le barman tués au Trianon, un Algérien est tué et plusieurs dizaines sont blessés (par balle ou arme blanche) au cours de la nuit du 23 juillet 1961. Plusieurs Algériens sont par ailleurs jetés à la Moselle par les paras au niveau des ponts du Pontiffroy (Saint-Georges). C’est sans doute à cela que fait référence le témoin.
Pour plus de détail sur cet événement, il faut lire l’article en ligne de Lucas Hardt, « Quand les guerriers de l’Algérie française arrivaient en Lorraine. Le 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP) et la traque parachutiste de Metz », Histoire@Politique, n° 32, mai-août 2017.
Transcription
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