Censure(s) pour Paul Carpita
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Résumé
En 1990, à quelques heures de la sortie du Rendez-vous des quais en salles, Paul Carpita vient à la télévision régionale retracer le parcours peu banal de ce film, tourné quarante ans plus tôt à Marseille, en partie clandestinement, sur fond de la « Grande grève » des dockers contre la guerre d'Indochine, avant d'être saisi par la police au cours d'une projection, « pour trouble à l'ordre public ». Ce n'est que trois décennies plus tard qu'il sera retrouvé. Le cinéaste évoque également les conditions de tournage, l'appui décisif des Studios Pagnol lors de la postproduction, et l'objectif qu'il poursuivait en faisant ce film. Le journaliste cite de son côté les critiques dithyrambiques qui accompagnent le Rendez-vous des quais depuis sa résurrection. Des extraits du film illustrent le sujet.
Date de diffusion :
28 févr. 1990
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Contexte historique
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Lors de la résurrection triomphale du Rendez-vous des quais, en 1990, les historiens du cinéma ont répété à l'envi qu'on venait de retrouver « le chaînon manquant », la « charnière mutilée » entre le néoréalisme et la Nouvelle Vague. Les historiens tout court, eux, se sont passionnés pour un des cas de censure les plus intéressants de l'après-guerre. Mais avant de l'évoquer, un mot sur l'attachante personnalité de Paul Carpita.
Fils d'un docker et d'une poissonnière, né dans les vieux quartiers de Marseille en 1922, Carpita développe une passion instantanée pour le cinéma le jour où son instituteur, cinéaste amateur, l'initie au maniement d'une petite Pathé-baby. Dès cet instant, il ne lâchera plus la caméra... mais sans en faire officiellement profession !
Après la guerre, au cours de laquelle il a adhéré au Parti communiste et s'est engagé dans les FFI, il devient instituteur. Métier qu'il exercera pendant plus de vingt ans, tout en continuant à tourner dans le cadre de son engagement politique. C'est ainsi qu'avec quelques amis militants, il fonde le groupe Cinepax et réalise des reportages engagés et offensifs, des Contre-Actualités comme il les appelle, dont l'objectif est de « dénoncer l'injustice et la pauvreté sans misérabilisme ».
Dix ans plus tard, il se sent prêt pour faire un long-métrage qu'accepte de produire Procinex, la société de production du PCF. Il veut avant tout raconter la vie de ces petites gens qui lui sont chers, mais sur une toile de fond politique, celle de la « Grande grève » que les dockers ont menée en 1950 contre cette guerre d'Indochine qui les contraignait au « sale boulot » (charger des armes et décharger des cercueils.)
Durement réprimée, cette grève est déjà entrée dans la légende des luttes ouvrières lorsque Carpita entame son tournage en 1953. Comme les néoréalistes italiens, il confie la distribution à des non professionnels qui jouent quasiment leur propre rôle. Il a par ailleurs conservé des contre actualités réalisées « à chaud » pendant la grève qu'il compte incorporer au film. Mais cela ne suffit pas. Comment obtenir l'autorisation de tourner sur les quais, en cette période de tensions où la sécurité militaire ne plaisante pas ? En prétextant de faux reportages sur les sauveteurs en mer ou l'import-export de la brandade de morue ! Une fois dans la place, il peut bénéficier d'un réseau de complicités parmi les syndicalistes et les militants. Le tournage s'étale sur deux ans, au fil de la disponibilité des interprètes. C'est la monteuse attitrée de Pagnol, Suzanne de Troye, qui assure le montage. Suzanne Sandberg réussira pour sa part un véritable prodige en post-synchronisation (Carpita a dû tourner en muet, sans son témoin).
Quand le film est terminé, au printemps 1955, la guerre d'Indochine est finie mais celle d'Algérie a déjà commencée. Le sujet est donc toujours aussi « subversif »! D'où le drôle de jeu du chat et de la souris qui s'engage alors.
Les projections commencent dès le mois de mars devant un public associatif sous le titre Le printemps des hommes. Ces séances ne sont pas clandestines à proprement parler car le quotidien du Parti, La Marseillaise, en fait état, mais elles se déroulent en dehors des règles de l'exploitation cinématographique. Situation qui ne peut s'éterniser. Le producteur Procinex entame alors les démarches administratives classiques, notamment pour obtenir un visa d'exploitation non commerciale ; visa qui, le 12 août, est refusé pour « menaces à l'ordre public ». Mais refusé au Rendez-vous des quais, car c'est sous ce titre que la demande a été déposée ! Ce n'est qu'en octobre 1955, probablement suite à une projection infiltrée, que les autorités réalisent que le Printemps des Hommes et le Rendez-vous des quais sont un seul et même film que la police saisit aussitôt.
Pendant longtemps, Paul Carpita, mortifié, va croire que son film a été détruit par les autorités dans la foulée de la saisie. En réalité, sans que l'auteur en soit jamais avisé, le négatif et au moins une copie se trouvent dans les réserves d'Unicité, la cinémathèque du Parti, jusqu'à leur dépôt, en 1979, sous le sceau du secret, aux Archives nationales du film de Bois d'Arcy. Les historiens ont beaucoup glosé sur cette silencieuse rétention, et le sens qu'il fallait lui donner. Toujours est-il que c'est bien à Bois d'Arcy que Jean-Pierre Daniel, un ancien assistant de Carpita devenu directeur de l'Alhambra Ciné Marseille, retrouvera ce Rendez-vous, emblématique à bien des égards. La première projection légale aura lieu à Marseille en 1988, trente-trois ans après le tournage ! Le film ouvrira ensuite les Ecrans de la Liberté proposés par la Cinémathèque Française à l'occasion du Bicentenaire de la Révolution, avant d'entamer sa carrière dans les salles, puis de faire glorieusement le tour du monde.
Bibliographie
Claude Martino : Le Rendez-vous des quais et ses histoires, Éditions de Haute-Provence, 1996
Revue Marseille : n°173 -174, 1995
Filmographie
Paul Carpita : Le rendez-vous des quais. (édité en dvd)
Transcription
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