Les nouveaux territoires des arts de la marionnette
Des arts pluriels
Pendant longtemps, les marionnettes eurent des contours cernés par leur technique : gaine, tringles, fils, tiges, marottes, et têtes ou corps gigantesques de carnaval. De nos jours, les arts de la marionnette regroupent tous les genres de marionnettes anciennes ou récentes, quelle que soit la technique ou l'esthétique, mais aussi le théâtre d'ombres, les formes animées - directement ou à distance - le théâtre d'objet, le théâtre avec effigies, mannequins, robots, le théâtre de papier, etc. Les termes n'en finissent pas d'être inventés tant les limites de ces arts vivants ont été repoussées par des générations qui ont effectué d'importantes rénovations formelles ou dramaturgiques et ont intégré à la fois les transformations essentielles de la scène théâtrale moderne et le potentiel des techniques de pointe, électroniques ou numériques.
La mise en évidence de la notion de représentation
La distanciation
Tout personnage, né de l'inanimé (matière brute transformée ou objet détourné), arrive devant le public en étant porté, soutenu, guidé, montré et, s'il est déjà installé en scène ou fabriqué à vue, il ne trouvera de mouvement que par la volonté de son manipulateur. Les spectacles de marionnettes accentuent ainsi particulièrement, chez l'interprète comme dans la perception du spectateur, la notion théâtrale de « distanciation », c'est-à-dire de mise à distance entre l'acteur, ici également manipulateur, et son personnage, représenté par l'intermédiaire d'un objet. L'adaptation du Horla de Guy de Maupassant par François Lazaro, en 1985, en donne une troublante illustration en abîme.
Clastic Théâtre, Le Horla
[Format court]
La nouvelle fantastique de Maupassant, Le Horla, a été adaptée en 1987 par François Lazaro (Clastic Théâtre). Le dispositif est minimaliste : une table, un mobilier miniature, un petit homme sommairement taillé dans de la mousse et des objets grandeur nature. Le jeu d'apparition-disparition dans la lumière du visage du comédien (Lazaro dirigé par Pierre Alanic), l'omniprésence de sa main en scène et de sa voix pour conduire le récit, amènent un lycéen interrogé à conclure : « la marionnette est dirigée par l'homme et le Horla dirige l'homme ».
En outre, tels ceux de Clov et Hamm dans Fin de partie de la compagnie Hubert Jappelle, les corps peuvent être montrés fragmentés, et la partie peut évoquer métaphoriquement le tout dès les créations d'après-guerre d'Yves Joly ou de Georges Lafaye.
Compagnie Hubert Jappelle, Fin de partie
[Format court]
Répétition de Fin de partie de Samuel Beckett par la compagnie Hubert Jappelle lors du Carrefour du Théâtre d'Animation à Villeneuve-lez-Avignon en 1972. Clov et Hamm sont faits de mousse et de tissu, manipulés en contrebas, grâce à des tiges et un système de clavier, par deux personnes – dont Hubert Jappelle, avec des lunettes.
Compagnie Yves Joly
[Format court]
En 1967, le comédien, plasticien et metteur en scène Yves Joly évoque les terrains de recherche, innovants et variés parcourus par sa compagnie depuis ses débuts publiques au cabaret de la Rose rouge en 1946 : marionnettes, objets animés, formes géométriques, personnages en aplat de papier et enfin la main, cette « âme de la marionnette ». Les huit mains gantées de l'équipe jouent le ballet Profondeur sous-marine sur une musique d'Erik Satie.
Compagnie Georges Lafaye John and Marsha
[Format court]
Numéro de cabaret mis en scène par Georges Lafaye à partir du titre éponyme du compositeur de jazz américain Stan Freberg, cette rencontre amoureuse entre un chapeau haut de forme et une écharpe boa n'est que fluidité de mouvements expressifs, ponctuée par la continuelle transformation de ton des deux seuls mots de la chanson, « John » et « Marsha ». L'apparente légèreté de la situation accentue la chute humoristique de la séquence.
Echapper au réel
Choisir des figures artificielles, mécaniques, ou électroniques, a pour but de dépasser le réalisme et le théâtre psychologique, notamment en variant les modes d'apparition en scène d'un personnage ou d'un lieu : les échelles varient, un personnage transite de l'humain à la marionnette, etc. Pierre Blaise, directeur du Théâtre Sans Toit, exprime cette particularité en ces termes : « Les conventions du spectacle de marionnettes, son fonctionnement lui-même, sont offerts aux spectateurs. Le théâtre de marionnettes crée un langage. Il apprend à lire à chaque représentation, et cette lecture est ravissante dans le sens où l'on est transporté, enlevé par le spectacle. Au fond, ce n'est pas l'histoire, pas la péripétie qui comptent. Ce qui produit l'émotion, même chez les enfants, c'est toujours la situation de cache-cache ou d'objet primitif arrivant, surgissant, se masquant, et partant, quel que soit le décor, quelle que soit la marionnette, quelle que soit la forme ». Tous les spectacles de Philippe Genty produisent cet effet d'enchantement et de bouleversement des « lignes de fuite » convenues.
Théâtre sans toit, Tout le cirque magnifique
[Format court]
Après quelques images du spectacle Tout le cirque magnifique, d'après Petit Pioui, chien de cirque de Dorothy Kunharden, coproduit par le Théâtre National de Chaillot en 1989, Pierre Blaise – directeur de la compagnie et metteur en scène – évoque la finalité du choix de cet univers acrobatique : permettre aux enfants et aux adultes de découvrir la totale liberté des marionnettes dont les mouvements échappent à la pesanteur.
Compagnie Philippe Genty, Désirs Parade
[Format court]
Jeux de matières se mouvant dans l'espace comme par magie, jeux de dédoublement des hommes ou de leurs créatures, jeux de disproportions entre objets et danseurs marionnettistes sur des musiques de René Aubry puis de Johann Strauss : des extraits du spectacle Désirs Parade mis en scène par Philippe Genty et Mary Underwood lors de sa création au Théâtre de la Ville en 1986.
Un effet d'étrangeté
Lorsque l'esthétique est hyperréaliste, comme dans le travail de Gisèle Vienne sur les personnages, ou sur la scénographie, comme pour les marionnettes des dernières créations de Bérangère Vantusso ou du Là Où Théâtre, la mise en scène en souligne l'effet d'étrangeté et jette le trouble dans l'esprit de l'assistance en interrogeant le rapport entre le vrai et le faux, entre le vivant et l'inanimé.
Lien vers * This is how you will disappear *, de Gisèle Vienne, sur Theatre-video.net.
Des pratiques anciennes codifiées
Les pratiques anciennes, occidentales ou extrême-orientales, qui sont adaptées aux propos et à l'esthétique de notre époque, sont distinguées parmi celles fondées sur des codes de représentation forts, par exemple les marionnettes à gaine lyonnaise ou chinoise, le théâtre d'ombre, le théâtre de papier, les bunrakus japonais. La marionnette à gaine, à l'irréalisme flagrant, est de nouveau vivace tant pour son caractère populaire sous couvert des figures de Guignol, de Polichinelle ou d'Ubu que pour l'insolence d'avant-garde qu'elle permet à Alain Recoing ou à Emilie Valantin, entre autres.
Guignol
[Format court]
En 2001, le festival lyonnais Moisson d'Avril veut dépoussiérer Guignol : en salle ou en plein air, enfants et adultes réunis assistent aux spectacles de la compagnie Les Zonzons, du Théâtre Chignolo, des Petits Bouffons de Paris. Jean-Guy Mourguet, descendant du créateur de Guignol, évoque la genèse locale de son compère Gnafron, alors que pour Simone Blazy, conservateur du musée Gadagne, les marionnettes ont le talent de refléter toutes les préoccupations humaines.
Ubu et Polichinelle
[Format court]
A l'occasion de la création du spectacle en cinq tableaux, Ubu Installations, en 2002, Cyril Bourgois, marionnettiste et metteur en scène dans la compagnie pUnChiSnOtdeAd, évoque la filiation du personnage de Polichinelle à travers celui d'Ubu inventé par Alfred Jarry. Il fait une courte démonstration de manipulation de trois marionnettes à gaine, dont celle de la mort, célèbre protagoniste des spectacles de Polichinelle, appelé Punch en Angleterre et Pulcinella en Italie.
Théâtre du Fust, Castelets en jardins
[Format court]
A l'occasion de la programmation par le festival d'Avignon, en 1995, du spectacle de marionnettes à gaine lyonnaise Castelets en jardins, joué en extérieur et composé d'une suite de saynètes enlevées, Émilie Valantin, metteur en scène et comédienne manipulatrice, évoque le choix de cette technique pour son insolence et son énergie. Deux des interprètes, Jean Sclavis et Jacques Bourdat, parlent avec précision de la manipulation et de l'humilité du marionnettiste.
L'antique théâtre d'ombre, en perdant ses aplats chez Jean-Pierre Lescot ou chez Luc Amoros gagne en rythme et en fascination.
Compagnie Jean-Pierre Lescot, Taema
[Format court]
Créé en 1981, Taema ou La fiancée du timbalier, spectacle d'ombres de la compagnie Jean-Pierre Lescot est annoncé par José Arthur lors de son passage au Théâtre de l'Est Parisien. Les personnages ont des têtes aux contours très graphiques, découpées dans du carton, alors que les corps possèdent la souplesse et parfois la transparence colorée de tissus. Le reportage permet d'entendre la musique originale de Jacques Coutureau et de voir la manipulation des ombres par de grandes tiges verticales sur l'envers de l'écran.
Le délicat théâtre de papier miniature du XIXe siècle favorise maintenant l'écoute de textes contemporains dans les scénographies éclatées de la compagnie Papierthéâtre et Camille Trouvé, des Anges au plafond, porte haut le verbe de la tragédie en jouant seule tous les rôles d' Une Antigone de papier grâce à la manipulation démultipliée de marionnettes de type bunraku.
Papierthéâtre, La Confession d'Abraham
[Format court]
La Confession d'Abraham de Mohamed Kacimi est jouée au festival d'Avignon 2002 par la compagnie champenoise Papierthéâtre. L'ancienne technique du théâtre de papier est rehaussée d'une parole contemporaine et des couleurs vives de l'Orient.
L'exploration théâtrale de l'espace et du mouvement
Les marionnettistes agissent sur l'espace de jeu en perturbant les repères. Les univers confondants des créations d'Ilka Schönbein plongent le spectateur dans les délices de ce vertige.
Ilka Schönbein, Métamorphoses
[Format court]
Invitée sur le plateau de Frédéric Mitterrand, fin 1997, Ilka Schönbein, marionnettiste allemande jouant depuis des années seule dans la rue, interprète un extrait du spectacle Métamorphoses qui vient de la faire découvrir en France et la propulsera sur le devant de la scène contemporaine. Accompagné d'un chant lyrique yiddish au piano, un personnage féminin, naïf et sans âge, découvre l'enfantement et l'amour maternel.
Le cadre et la profondeur de la scène sont transformés par une miniaturisation extrême ou des formes surdimensionnées, par l'élaboration de volumes de lumière ou de volumes sonores chez Roland Shön ou dans les installations de rue de la compagnie Amoros et Augustin. Les surgissements et les disparitions, les changements de perspectives, les décompositions de mouvements – notamment – contribuent à modifier la perception habituelle de la présence et de l'absence d'un personnage dans une représentation théâtrale.
Théâtrenciel, Le Montreur d'Adzirie
[Format court]
Le Montreur d'Adzirie, spectacle d'ombres et de marionnettes sans parole, est mis en scène par Hervé Lelardoux et en musique par Bertrand Lemarchand pour le Théâtrenciel en 2005. La compagnie étant dirigée par Roland Shön (également auteur, marionnettiste, comédien et plasticien du spectacle), le reportage commet une erreur sur l'identité du metteur en scène. Le pays imaginaire d'Adzirie est, selon Roland Shön, un prétexte pour évoquer l'existence humaine, l'exil, le souvenir des proches disparus...
La matière dévoilée
L'un des fondamentaux de la marionnette est d'explorer le potentiel de la matière à partir de laquelle elle va être conçue. Les matériaux d'aujourd'hui, concrets ou virtuels, artisanaux ou industriels, offrent une gamme infinie de créations. La démarche des marionnettistes vise à la manipulation consciente de signes visuels ou auditifs à des fins dramaturgiques, c'est-à-dire s'intégrant dans l'unité et la cohérence du point de vue adopté par le metteur en scène. Emilie Valantin rend palpable la fin d'une certaine conception du monde en montant Le Cid avec des personnages de glace qui fondent et perdent leur suffisance tout au long de la représentation. Barbara Mélois détourne la fonction première de l'aluminium, de la cellophane ou du papier toilette pour les transformer à sa guise dans la lumière de ses fictions théâtrales ironiques. La compagnie Médiane lance des défis grandioses aux éléments : vent, eau, pierre, et le Théâtre Sans Toit ou Label brut placent les comédiens aux prises avec l'élasticité symbolique de la pâte à pain.
Quant au théâtre d'objets, initié par Manarf, le Vélo Théâtre et le Théâtre de cuisine, dont on trouve des applications spécifiques au Théâtrenciel ou chez Turak, il dévoile la dimension surréaliste et poétique de la relation de l'homme à sa mémoire, à son quotidien et à l'imaginaire collectif issu de la société de consommation.
Théâtre de cuisine, Théâtre de cuisine
[Format court]
Accroupi sous une petite table de camping, Christian Carrignon (également metteur en scène) interprète Théâtre de cuisine, spectacle intimiste fait d'objets détournés, implantable partout, qui porte le même nom que celui de la compagnie, et s'inscrit dans les prémices d'une forme appelée théâtre d'objets, à la fin des années 70.
Turak, La Turakie
[Format court]
Tel un guide à l'accent indéfinissable, le metteur en scène du Théâtre Turak, Michel Laubu, présente l'installation au théâtre de Chatillon, en 2001, de quelques membres du gouvernement, ou éléments d'habitat, d'un pays de son invention : la Turakie. C'est de là que sont également originaires les personnages (objets détournés et remodelés) du spectacle Deux pierres qu'il met brièvement en jeu.
Une complicité avec l'écriture contemporaine
L'art de la déstructuration des formes, associée au montage, pratiqué par les marionnettistes trouve aujourd'hui de profonds échos dans le travail des auteurs contemporains sur la langue. Après les premières collaborations entre Monique Créteur et l'écrivain Victor Haïm, Alain Recoing et son fils Eloi, François Lazaro et Daniel Lemahieu ou la compagnie Houdart-Heuclin et Gérard Lépinois, beaucoup de metteurs en scène aspirent à faire découvrir leurs mondes aux manipulateurs de mots.
Théâtre aux Mains Nues, Le Grand-père fou
[Format court]
A l'occasion de la première édition du festival « Les Semaines de la marionnette française à Paris », en 1981, reportage sur Le Grand-père fou, création par le Théâtre aux Mains Nues du « drame d'objets pour comédiens et marionnettes » de Paul Eloi (Eloi Recoing), mis en scène par Alain Recoing. Entre deux extraits joués par Karina Cheres, Pierre Blaise, Gérard Abela et Alain Recoing, ce dernier évoque la recherche contemporaine et la force que retrouvent les marionnettes à une époque de prépondérance de l'image.
Il s'ensuit de nombreuses collaborations ou des adaptations approuvées. Flash marionnettes commande des textes à Philippe Dorin, Ches Panses vertes travaille avec Raymond Godefroy, Jean Cagnard se voit beaucoup sollicité tandis que Papierthéâtre noue une relation étroite avec l'univers de Matéi Visniec ou de Mohamed Kacimi. Valère Novarina voit sa Chair de l'homme, pièce qualifiée d'injouable, prendre peu à peu vie grâce à Aurélia Ivan du Théâtre Tsara...
Papierthéâtre, La Confession d'Abraham
[Format court]
La Confession d'Abraham de Mohamed Kacimi est jouée au festival d'Avignon 2002 par la compagnie champenoise Papierthéâtre. L'ancienne technique du théâtre de papier est rehaussée d'une parole contemporaine et des couleurs vives de l'Orient.
Parfois, les postures d'écriture et de composition scénique sont si proches que des marionnettistes deviennent auteurs dramatiques à part entière - Eddy Pallaro, Philippe Aufort, Roland Shön, Laurent Contamin - publiés et joués par d'autres équipes que celles dont ils sont originaires.
Une implication dans la société
Grâce à l'aspect fortement plastique et visuel de leurs créations, certains artistes rendent compte de l'état du monde sans recourir nécessairement à la verbalisation. Catherine Sombsthay et Emmanuelle Zanfonato évoquent sans un mot les familles contemporaines recomposées à travers Valse Mathilda en 1992.
Compagnie Médiane, Valse Mathida
[Format court]
Pour répondre aux questions d'enfants sur leur arbre généalogique, Catherine Sombsthay et Emmanuelle Zanfonato, de la compagnie Médiane, installent en 1992 la sculpture mobile de Valse Mathilda dans un environnement musical de Pierre Kraft. Les personnages muets de ce carrousel humain sont des images collées sur des petits Lu, accrochés selon les événements de leur vie par la « montreuse de familles », Catherine Sombsthay.
Traditionnellement, les marionnettistes mettent au premier plan ceux qui n'ont pas la parole, vivent en marge, sont maltraités par l'Histoire. Les révoltes de Polichinelle sont aujourd'hui revisitées dans toute leur portée philosophique par bien des compagnies (Cirkub'U, Théâtre aux Mains Nues, Punchisnotdead, L'Alinéa, Drolatic Industry, La Pendue...). Ismaïl Safwan, de Flash Marionnettes, dépeint avec tendresse les heurs et malheurs des laissés pour compte de la société moderne dans La Cour de tous les miracles en 1993, et les déphasés en tous genres traversent les créations des Mille et une vies, Arnica, Créatures compagnie.
Flash Marionnettes, La Cour de tous les miracles
[Format court]
Les laissés pour compte de la société française sont convoqués par la compagnie Flash Marionnettes avec une rage roborative dans La Cour de tous les miracles en 1993. Sans misérabilisme mais avec humour et poésie, Ismaïl Safwan, l'auteur et metteur en scène, ponctue les tranches de vie de ses orphelins, prostitués et vagabonds en tous genres (des marionnettes) par les relances gouailleuses de deux chanteurs des faubourgs (les comédiens Corine Linden et Michel Klein).
Aux dérives des gens ordinaires abordées par la compagnie Trois Six Trente dans Sur une chaise renversée en 2001 s'ajoute plus récemment un questionnement sur le vieillissement, mis sur scène par Garin Trousseboeuf, Trois Six Trente, Tro-Héol, Là Où Théâtre, Ches Panses Vertes ou Papierthéâtre.
Compagnie trois-six-trente, Sur une chaise renversée
[Format court]
Qu'est-ce qui pousse certaines personnes à la dérive ? La compagnie Trois Six Trente commande des textes sur ce thème à Jean Cagnard et Christian Caro, puis Bérangère Vantusso met en scène Sur une chaise renversée, dérives ordinaires en 2001. Les fragiles marionnettes de fil de fer et de tarlatane sont manipulées à vue dans un espace de fenêtres suspendues par Anne Dupagne, Eddy Pallaro, Arnaud Paquotte (qui signe également la musique) et Bérangère Vantusso.
La plupart des compagnies ne s'arrêtent pas aux frontières des lieux traditionnels de spectacle. Les Rémouleurs investissent les bars avec Ginette Guirolle d'après Inventaires de Philippe Minyana, le Royal de luxe injecte le souffle de ses personnages gigantesques au cœur des villes et Dominique Houdart l'étrange familiarité de ses Padox dans les prisons.
Conclusion
Les dernières générations de praticiens ont imposé peu à peu une évidence : ce n'est pas la marionnette qui fait le marionnettiste, c'est une façon de penser le monde – de le mettre en représentation – passant par une interrogation sur le rapport entre le vivant et l'inanimé et par une recomposition des formes du « réel ».